Cours d’éducation à la sexualité obligatoire en milieu scolaire, accompagnement des victimes, formation des policiers, aide aux organismes… Le gouvernement du Québec délie les cordons de la bourse afin de lutter contre le harcèlement et les agressions sexuelles avec des investissements de 25 millions sur trois ans.
« Les agressions et le harcèlement sexuels sont inacceptables », a déclaré le premier ministre Philippe Couillard lors de la clôture du Forum sur les agressions et le harcèlement sexuels au Centre des congrès de Québec. « C’était important pour moi d’être là avec les collègues du gouvernement pour indiquer à toute notre société l’importance qu’on accorde à l’enjeu. »
Sur les 25 millions débloqués mercredi, 17 essaimeront vers les organismes qui oeuvrent dans le domaine et réclament de l’aide financière depuis les derniers mois, promet-on.
Au CALACS des Îles-de-la-Madeleine par exemple, on croise les doigts pour que les fonds se rendent à destination. Là-bas, l’équipe compte une employée à temps plein et une à temps partiel. « On ferme huit semaines pendant la saison estivale parce qu’on n’a pas les moyens de fonctionner toute l’année », fait valoir sa responsable, Isabelle Cyr.
Cet automne, la vague de dénonciations a fait exploser les demandes d’aide par rapport à l’année précédente, qui sont passées de dix en quatre semaines en 2016 à trente-six cette année.
« Les femmes qui ont appelé n’ont pas dû attendre, mais il y a plusieurs dossiers de sensibilisation et de défense de droits qui, eux, se sont retrouvés sur la tablette. »
Ailleurs, les nouveaux fonds financeront notamment l’embauche d’un agent de liaison en violences sexuelles dans chacun des centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVACS) Les CAVACS aident les victimes d’actes criminels de façon générale ; or ils n’avaient pas de personne vouée aux victimes d’agressions sexuelles, a précisé la ministre Stéphanie Vallée. « Les victimes ne sont pas au courant des ressources qui existent, et les CAVACS ont ça comme mission, donner de l’information en amont et tout au long du cheminement. »
Du côté du système judiciaire, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) sera pourvu d’un nouveau service de renseignement sur les plaintes en violences sexuelles. Les victimes pourront contacter ce service pour savoir où on est leur dossier.
On s’engage en outre à mettre en place un projet pilote visant la création d’un comité de révision des dossiers d’agression sexuelle. Les policiers appelés à traiter des dossiers d’agressions seront aussi mieux formés, annonce-t-on.
La ministre du Travail, Dominique Vien, a quant à elle fait savoir qu’elle comptait modifier la Loi sur les normes du travail afin de forcer toutes les entreprises à se doter d’une politique de prévention du harcèlement et du traitement des plaintes.
Les modifications souhaitées forceraient en outre les employeurs à s’assurer que leur politique est facilement accessible et largement diffusée.
Dans le milieu culturel, la ministre Marie Montpetit et les représentants des associations d’artistes ont fait savoir qu’ils allaient constituer un « guichet unique » neutre où les artistes et techniciens victimes d’agressions ou de harcèlement pourront porter plainte de façon confidentielle.
Cours d’éducation sexuelle obligatoire
Or la mesure « phare » de ce vaste programme se trouve en éducation, a noté le premier ministre, avec l’imposition du cours d’éducation à la sexualité dans tout le réseau primaire et secondaire. « Ça fait un bon bout de temps que je suis convaincu qu’on doit le faire », a expliqué le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx.
Des projets pilotes avaient certes été lancés il y a deux ans, mais à peine une quinzaine d’établissements avaient participé sur les 3000 que compte le réseau. « Il y a des gens qui étaient réticents à le faire », a-t-il reconnu.
L’annonce a été saluée par le Conseil du statut de la femme et la Fédération des comités de parents, notamment. « Les parents du Québec sont convaincus qu’un enseignement fait par un pédagogue est, et de loin, plus pertinent que toute information sur Internet. Il vaut mieux une généralisation parfois imparfaite qu’une formation parfaitement inexacte sur Internet ! » a fait valoir sa présidente, Corinne Payne, dans un communiqué.
Or du côté des syndicats d’enseignement, on est moins convaincu. « Le ministre Proulx donne l’impression de prendre au sérieux cette problématique, mais qui sera responsable d’enseigner le tout ? Des professeurs qui sont déjà débordés et qui devront ajouter cela à leur tâche ? » demande la vice-présidente de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Nathalie Morel.
« En plus, on promet des ressources pour soutenir les professeurs, mais le ministre a peiné à trouver 1500 ressources pour l’automne dernier. »
À la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE), on n’était guère plus enthousiaste. « On balance un mandat de plus à l’école, aussi important soit-il, sans vision d’ensemble et sans consulter les gens directement interpellés », a déploré la présidente de la FSE-CSQ, Josée Scalabrini.
Questionné sur la résistance du milieu, le ministre Proulx a rétorqué que le ministère fournirait toutes les ressources nécessaires pour former les professeurs. « Il n’y a personne qui voudra une formation qui ne pourra pas la suivre. »
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