NATIONALISME

Yves Michaud décoré de la médaille de l’Assemblée nationale

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Une réhabilitation bienvenue


La mémoire d’Yves Michaud fuit. Les souvenirs de l’exécution parlementaire qu’il a subie le 14 décembre 2000 pour une faute qu’il n’avait pas commise sont devenus flous. La députée Ruba Ghazal a pris garde de ne pas le lui rappeler lorsqu’elle lui a remis la médaille de l’Assemblée nationale à Montréal samedi.


Néanmoins, ce « geste de réparation symbolique » permet à la famille de « tourner la page » sur l’« affaire Michaud », qui a éclaté il y a plus de 20 ans, a indiqué sa fille, Anne Michaud, dans un échange avec Le Devoir.


Ruba Ghazal s’était mis en tête de corriger autant que possible l’injustice commise par l’Assemblée nationale à l’encontre d’Yves Michaud, qu’elle élève au rang des grands Québécois, comme Gérald Godin et Camille Laurin. En décembre 2000, les députés avaient reproché, par une motion de blâme, à Yves Michaud d’avoir tenu des « propos inacceptables » envers la communauté juive — qu’il n’avait pourtant jamais prononcés. Depuis, l’Assemblée nationale n’a jamais fait amende honorable.


Samedi, Ruba Ghazal a salué la contribution exceptionnelle d’Yves Michaud à la société québécoise dans la grande salle de la résidence Notre-Dame-de-la-Paix, à Montréal, où il réside. Puis, l’élue solidaire a ouvert un boîtier de velours bleu, a pris la médaille qui s’y trouvait et l’a tendue à l’ex-journaliste, politicien, diplomate et « Robin des banques ». L’homme de 92 ans, qui est atteint de la maladie d’Alzheimer, s’est spontanément levé pour recevoir la distinction de l’Assemblée nationale. « L’Assemblée nationale ! Là, j’en ai fait crier du monde ! » a lancé l’ancien député (1966-1970), devant une dizaine d’invités, dont les anciens députés Louise Beaudoin, Jean-Pierre Charbonneau et Amir Khadir, ainsi que l’ex-secrétaire général du gouvernement Louis Bernard.


Photo: Adil Boukind Le DevoirRuba Ghazal s’était mis en tête de corriger autant que possible l’injustice commise par l’Assemblée nationale à l’encontre d’Yves Michaud.

Yves Michaud a rappelé avoir défendu l’« idée d’un Québec indépendant ». « Ce n’est pas arrivé. J’espère que d’autres générations vont mettre cela en avant », a-t-il déclaré d’une voix forte. Ruba Ghazal l’a rassuré. « Vous pouvez compter sur nous », lui a-t-elle dit, soulignant avoir hérité de son amour pour la langue française et pour le Québec. « C’est grâce à vous, ainsi que les hommes et les femmes qui ont défendu l’indépendance du Québec, que je suis aujourd’hui indépendantiste », a fait remarquer la députée de Mercier — où Yves Michaud avait tenté, en vain, de gagner l’investiture du Parti québécois en 2000.


Louise Beaudoin s’est aussi employée durant la cérémonie à rappeler à la mémoire d’Yves Michaud les « années heureuses » de 1979 à 1984, qu’il a passées à la tête de la Délégation générale du Québec à Paris. Ses yeux se sont de nouveau illuminés, et il s’est exclamé : « Paris ! »



L’affaire Michaud dépasse le citoyen Michaud




 

« Il reste des relations très fortes, très intenses [entre la France et le Québec] dans tous les secteurs, mais en particulier en matière culturelle. […] Tu as été à l’origine, en quelque sorte, de tout cela. Je veux t’en remercier », a dit l’ancienne ministre péquiste après s’être assise face à lui. Selon Louise Beaudoin, qui lui a succédé à la Délégation générale du Québec à Paris (1984-1985), Yves Michaud a été « un pionnier et un valeureux artisan de ces relations essentielles pour le Québec ».


« Portés par les élans du cœur », les « souvenirs heureux », comme les soupers de homard qu’il a partagés avec René Lévesque et Corinne Côté-Lévesque dans le Maine, reviennent plus facilement à l’esprit d’Yves Michaud, fait remarquer sa fille au Devoir.


Elle laisse le soin à l’Assemblée nationale d’effacer la « tache » de l’« Affaire Michaud » de son histoire, mais surtout de modifier son règlement afin qu’aucun autre citoyen ne puisse être jugé et condamné par le Parlement sans motif et sans être préalablement entendu. « L’affaire Michaud dépasse le citoyen Michaud », a-t-elle fait valoir.


L’ex-président de l’Assemblée nationale Jean-Pierre Charbonneau est persuadé que « l’histoire va juger cet événement-là [du 14 décembre 2000] à la faveur d’Yves Michaud ». « C’était une injustice. C’est toujours une injustice », a-t-il soutenu au milieu de la salle communautaire de la résidence Notre-Dame-de-la-Paix. « Malheureusement, cette erreur n’a pas été corrigée par un geste politique de l’ensemble de l’Assemblée, mais ce que fait Ruba aujourd’hui, au nom de tous, y compris d’anciens députés qui étaient là et qui ont regretté leur vote et qui se sont excusés, c’est une certaine façon de dire à Yves Michaud : “On n’a pas oublié”. »



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