Le site de partage de vidéos YouTube a annoncé mercredi l’intensification de sa lutte contre les contenus haineux en interdisant des vidéos prônant la discrimination ou la ségrégation, par exemple des sites glorifiant le nazisme.
« Nous interdisons spécifiquement les vidéos qui affirment la supériorité d’un groupe afin de justifier la discrimination, la ségrégation ou l’exclusion basée sur des critères comme l’âge, le genre, la race, la caste, la religion, l’orientation sexuelle », souligne un article publié sur le blogue de la filiale de Google.
Ces nouvelles règles entrent en vigueur dès mercredi, mais « il faudra du temps pour que nos systèmes se mettent à niveau et nous allons graduellement étendre la couverture dans les mois à venir ».
« Cela inclurait, par exemple, des vidéos qui promeuvent ou glorifient l’idéologie nazie, qui est par nature discriminatoire », précise le blogue, ajoutant que YouTube allait également retirer les contenus « niant l’existence d’événements violents dont la réalité est avérée, comme l’Holocauste ou encore la fusillade de l’école élémentaire Sandy Hook », ajoute le blogue.
À l’instar de Facebook ou de Twitter, YouTube se voit reprocher de ne pas faire assez pour supprimer rapidement des contenus prônant la haine, la violence ou colportant des théories du complot, dont l’audience a explosé grâce à l’avènement des réseaux sociaux.
La tuerie en mars dans deux mosquées de Christchurch en Nouvelle-Zélande, perpétrée par un suprémaciste blanc, a de nouveau mis le sujet sur le devant de la scène. Le tireur a diffusé l’attaque en direct sur Facebook.
Peu après le scandale de la retransmission de ce massacre, le premier réseau social au monde a lancé début mai une nouvelle offensive contre des promoteurs de discours extrémistes, violents, antisémites, racistes ou complotistes, notamment contre l’Américain Louis Farrakhan, leader de l’organisation « Nation of Islam ».
Facebook a aussi banni Alex Jones, fondateur du site « Infowars », un des tenants les plus en vue d’une théorie du complot qui accuse les enfants de Sandy Hook abattus en 2012 d’être des acteurs payés et qui harcèle depuis les parents des petites victimes.
Biais
Si ces annonces des réseaux sociaux sont bien reçues par la majorité du public, elles suscitent aussi des critiques, non seulement des personnes visées, mais aussi des opposants à toute forme de censure, qui jugent que la « liberté d’expression », un droit protégé par le premier amendement de la Constitution des États-Unis, est totale et qu’elle est ainsi bafouée.
Un juge fédéral a rejeté cette interprétation en 2018, estimant que l’article ne concernait pas les entreprises privées.
Plus largement, les conservateurs américains, le président Donald Trump en tête, accusent les réseaux sociaux de pencher à gauche et de brider leurs publications.
Selon YouTube, « le contexte est important, et donc certaines vidéos pourraient rester en ligne parce qu’elles discutent de sujets comme une législation en cours d’adoption, qu’elles condamnent ou dénoncent la haine, ou encore fournissent une analyse de l’actualité ».
L’annonce des nouvelles mesures intervient au lendemain d’une nouvelle polémique qui illustre les différences d’appréciations.
Carlos Maza, un journaliste gai et d’origine hispanique du site d’information Vox, s’est indigné mardi du refus de YouTube de supprimer les vidéos d’un commentateur d’extrême droite Steven Crowder, qui se moque à de nombreuses reprises de ses origines et de son orientation sexuelle.
« En tant que plateforme ouverte, il est crucial pour nous de permettre à tout le monde (des créateurs aux journalistes en passant par les animateurs d’émission satiriques) d’exprimer leurs opinions dans le cadre de notre règlement. Les opinions peuvent être très offensantes, mais si elles ne violent pas le règlement, elles restent sur notre site », a écrit l’équipe YouTube sur Twitter.
Mercredi, face aux critiques, YouTube a annoncé que les vidéos de M. Crowder seraient privées d’accès aux revenus publicitaires.
Le réseau a aussi annoncé mercredi que les restrictions imposées en janvier aux États-Unis aux contenus qui ne franchissent pas tout à fait la ligne rouge, mais sont néanmoins problématiques, seraient étendues à d’autres pays au cours de l’année 2019.
Ces freins ont fait chuter de 50 % le nombre de vues de ce type de contenus, affirme le blogue.
Parallèlement, YouTube va encourager le visionnage de contenus vérifiés et sérieux dans ses recommandations (en les remontant dans la colonne à droite de l’écran) aux personnes ayant visionné des contenus jugés problématiques.