Soucieux de redonner le pouvoir au peuple européen, l'ex-ministre grec Yanis Varoufakis a lancé cette semaine le mouvement DiEm (Democracy in Europe - Movement) à Berlin.
"La seule chose nécessaire au triomphe du mal est l'inaction des gens de bien", disait Edmund Burke. C'est avec cette remarquable idée en tête que Yanis Varoufakis vient de lancer son mouvement paneuropéen ce mardi 9 février à Berlin. Pourquoi Berlin? "Il est évident qu'il ne peut pas y avoir d'Europe unie sans l'Allemagne. Elle est, de fait, la locomotive de l'économie européenne, le pays dont les citoyens se sentent les plus proches du projet européen", explique l'ancien ministre des Finances de la Grèce sur le site de L'Obs.
Urgence de la situation
Dès 2008 et le début de la crise économique mondiale, il a senti que les pays de l'Union allaient se déchirer. Aujourd'hui, la situation est devenue intenable et urgente. "Soit l'UE devient démocratique, soit elle s'écroule", affirme Varoufakis. "C'est la première option que veut DiEm, en s'opposant à l'establishment européen, qui continue de pratiquer un mélange d'autoritarisme et d'austérité auto-subversive."
En décembre 2015, l'économiste grec avait exposé son point de vue sur la démocratie au cours d'une conférence TED. "C'est une énorme erreur que l'on commet en Occident: celle de prendre la démocratie pour acquise, au lieu de la voir comme elle est, une fleur extrêmement fragile", a-t-il déclaré. "Sans la démocratie, notre société est amenée à devenir plus ignoble, notre futur plus sombre, et nos merveilleuses nouvelles technologies seront gaspillées."
"Twin Peaks paradox"
Partisan d'un monde qui serait à la fois libertaire, marxiste et keynésien, Varoufakis note un paradoxe qui menace notre économie actuelle. Il le nomme le "Twin Peaks paradox", qui n'a rien à voir avec la série de David Lynch. Il y a d'une part un pic que l'on connaît bien, la "montagne de dettes qui fait planer une grande ombre sur les États-Unis, l'Europe, le monde entier", a expliqué l'ancien ministre qui a démissionné en juillet dernier du gouvernement d'Alexis Tsipras.
"Mais peu de gens discernent le jumeau de ce pic: une montagne d'argent oisif qui appartient aux riches épargnants et aux entreprises, trop terrifiés de l'investir dans des activités productives capables de créer les revenus grâce auxquels on pourrait éliminer la montagne de dettes... Des revenus qui pourraient produire tout ce dont l'humanité a cruellement besoin, comme de l'énergie verte."
"Voilà mon problème avec le capitalisme", a résumé Yanis Varoufakis. "Son gaspillage flagrant, tout cet argent qui ne sert à rien et qui devrait être stimulé pour améliorer des vies, pour développer des talents humains et pour financer toutes ces technologies vertes, qui sont essentielles au salut de la planète Terre."
Le pouvoir aux travailleurs
Se référant à la définition originelle de la démocratie, celle d'Aristote dans la Grèce antique, le fondateur de DiEM désire redonner le pouvoir aux travailleurs pauvres. "Vous vous demandez pourquoi les politiciens ne sont plus ce qu'ils étaient? Ce n'est pas parce que leur ADN a dégénéré", poursuit Varoufakis. "C'est parce qu'aujourd'hui, quelqu'un peut être au gouvernement, sans être au pouvoir, parce que le pouvoir a migré de la sphère politique vers la sphère économique."
Au mois de juillet, lors de sa démission du gouvernement grec, il a eu cette phrase mémorable: "Je porterai le dégoût des créanciers avec fierté." Sur le site de L'Obs, il affirme que son nouveau mouvement a pour objectif de "mettre fin aux politiques stupides qui dressent les peuples européens les uns contre les autres".
Varoufakis estime que les partis nationaux, tels qu'ils existent aujourd'hui, ne reflètent plus vraiment les différences idéologiques entre la gauche et la droite. "Le système politique reste ancré dans le concept d'État-nation. Ce faisant, il lui est impossible de mettre fin à la combinaison autoritarisme-austérité qui ronge, pourtant, les fondations démocratiques de l'Europe, en reproduisant à l'infini des crises économiques et, in fine, en mettant en péril autant le travail que le capital industriel. Dans ce contexte, un front commun ayant comme but la démocratisation de l'Europe qui dépasserait les lignes de délimitation habituelles des partis nationaux déjà existants, est possible."
Il ajoute: "Le changement ne viendra pas des hommes politiques... Il ne sera possible que lorsque les citoyens européens s'activeront et se prendront en charge... Seuls sont utiles les hommes politiques qui iront dans cette direction.."
Faillite morale
Yanis Varoufakis donne enfin son sentiment sur la crise des migrants. "Il est inconcevable de traiter la crise des migrants d'un point de vue économique. Quand quelqu'un frappe à votre porte, qu'il est blessé, affamé et apeuré, il est inhumain de décider si vous allez lui ouvrir la porte en faisant une analyse coût-bénéfice de la situation. L'Europe paiera très cher cette faillite morale."
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