Voilà, les travaux de consultation de la Commission B-T sont
à peine terminés que l'heure est déjà aux
bilans. Avant l'heure, même, car ce genre d'exercice exige un
minimal recul, que dis-je, une réflexion approfondie, qui ne se
contente pas de promener simplement un faisceau
lumineux sur la surface des lieux, et surtout pas à la seule
lumière de ce qui a été rapporté par les
médias.
J'en
ai trois, présentement, à me mettre sous la dent,
certainement faits à chaud et en quatrième vitesse, et
sûrement sans prise de distance ni analyse sérieuse: celui
d'href="http://www.cyberpresse.ca/article/20071202/CPOPINIONS03/712020497/6730/CPACTUALITES">André
Pratte, de la Presse, celui de Lysiane Gagnon (dans href="http://www.cyberpresse.ca/article/20071204/CPOPINIONS05/712040499/6754/CPOPINIONS05">La
Presse et dans The Globe and Mail),
et celui de Marie-Andrée
Chouinard, du Devoir.
Pour ces trois gourous de l'information, tout s'est joué
à Montréal et aurait dû l'être depuis le
début, d'ailleurs, et seulement là, puisque
d'accommodements il n'est question que dans la métropole, c'est
bien connu, et qu'il est tout aussi connu qu'en région, il n'y
a pas d'immigrants: toutes les villes hors-métropole sont comme
Hérouxville: à peine un immigrant (un petit Noir,
là-bas), et
encore.... Alors, pour André Pratte, la Commission a perdu son
précieux temps à "ausculter les craintes et
préjugés des Québécois des régions",
lesquels sont tous obsédés par les "lapidations qui
hantent leurs cauchemars"... Pour Marie-Andrée Chouinard,
les forums et audiences de Montréal ont permis de
"pulvériser les idées reçues" - entendez celles
des petites cervelles ignares des régions. A
Montréal, les témoignages nous ont fourni "un
précieux guide pratique sur les thèmes du respect, de
l'ouverture et de la créativité", écrit-elle.
Sous-entendu: rien de tel dans les régions...
Quant à Lysiane Gagnon, qui a publié son bilan d'abord en
anglais dans le Globe and Mail, le 3 décembre, puis en
français dans La Presse le lendemain, elle tient le même
discours que les deux autres: comme on le savait pourtant
déjà, dit-elle, "sur le plancher des vaches, les choses
marchent passablement bien, les problèmes posés par le
pluralisme ethnique et religieux sont relativement mineurs et fort bien
circonscrits, et il n’y avait aucune raison de s’inventer des drames",
et encore moins d'élaborer ces "scénarios apocalyptiques
fabriqués à Hérouxville!" - Aussi simple que cela.
De plus, on le savait déjà aussi, n'est-ce pas, la
région montréalaise est "la
seule région où
se posent les défis de l’immigration et du multiculturalisme."
(Vraiment, quel souverain MÉPRIS et quelle IGNORANCE CRASSE
envers tout le hors-514! Ai-je
le droit, chers lecteurs et lectrices, de me sentir offusquée,
moi qui suis née et qui ai toujours vécu en
région, sauf pour mes quatre années d'université
à Montréal, dont 3 passées dans le très
multi-ethnique secteur Côte-des-neiges, pas très
différent aujourd'hui de ce qu'il était il y a 35 ans? -
Eh bien, même si je n'ai pas ce droit, je le prends! Et je monte
aux barricades!!)
Ce discours méprisant, on n'a pas cessé de l'entendre
depuis le début des travaux de la Commission, alors que,
pourtant, les interventions et mémoires régionaux
pleuvent en abondance, qui exposent les moyens mis en oeuvre pour
intégrer les immigrants (qui sont bel et bien présents en
région) et leur faciliter cette tâche
ardue, sans compter tous ceux, aussi bien étoffés que
ceux venant de Montréal, qui abordent le thème de la
place de la religion dans une société laïque comme
la
nôtre, et celui de l'identité québécoise.
Mais non, on a plutôt choisi de nous présenter les
quelques cas de gros grelons qui sont tombés, ça et
là, à travers cette pluie rafraîchissante de haute
qualité, faisant ainsi croire, par cette sélection
biaisée, malveillante et malfaisante, qu'en région (et
même dans certains recoins de Montréal, comme Outremont,
par exemple), ce n'était que "craintes et
préjugés", "stupeur et tremblements" (titre du beau
roman d'Amélie Nothomb), ignorance xénophobe (dixit les
porte-parole de Québec solidaire), racisme ouvert ou
déguisé, sournois, intolérance et fermeture envers
tout ce qui n'est pas "nous", tentative de régler nos
problèmes identitaires sur le dos des immigrants en en faisant
des boucs émissaires (dixit Amir Khadir, au forum de
Côte-des-neiges), et j'en passe.
Quant à moi, j'ai suivi de très près les travaux
de la Commission et, jusqu'à présent, je me suis
tapé la lecture intégrale de 53 mémoires
régionaux (ceux de Montréal viennent tout juste (7
décembre) d'être publiés sur le
site web de la Commission), incluant prises de notes et
réflexions. Inutile de vous dire qu'à la suite d'un tel
travail, je ne tire pas les mêmes conclusions hâtives que
Monsieur Pratte et Mesdames Gagnon et Chouinard pour qui, comme pour
bien
d'autres (dont Québec solidaire), toute cette saga des
accommodements n'est qu'une grosse
balloune qui aurait dû péter au frette dès le
début car, comme Montréal l'aurait démontré
"avec une désarmante simplicité" et "avec
sensibilité", de problème d'accommodements il n'y a pas,
ils sont monnaie courante et parfaitement possibles (Chouinard). Point
à la ligne, fermez la parenthèse et passons à
autre chose.
Madame Chouinard pense que l'immigration est une affaire strictement
montréalaise et que, donc, seuls les Montréalais ont
raison, voire droit de parole, et que, par conséquent, c'est ce
qui s'est dit à Montréal qui devrait compter surtout,
pour les deux commissaires, et non ce qui vient des régions.
Donc, que nos deux larrons et leur quinze conseillers fassent table
rase des grosses piles de mémoires régionaux reçus
et qu'ils ne retiennent que ceux des écoles, des CLSC et et des
CSSS de Montréal, dont celui de la Commission scolaire de
Montréal et de Marguerite-Bourgeoys, celui du CSSS de la
Montagne et celui du CLSC Parc Extension. Tâche alors
simplifiée, allégée, raccourcie - et
bâclée. Tâche réduite à sa plus simple
expression, celle des stricts accommodements eux-mêmes,
débarrassés de tous les pompeux grands thèmes que
Messieurs Bouchard et Taylor ont cru bon et sage d'y greffer: la place
de la religion dans une société laïque, le
modèle québécois d'intégration culturelle
et l'identité québécoise, thèmes qui ont
été largement traités et approfondis avec
sérieux dans tout le Québec. - BASTA! TOUT ÇA! Aux
oubliettes de l'histoire!
Donc, inutile, la tâche de faire la synthèse de tout ce
qui s'est dit, exprimé et proposé. Pour les Pratte,
Gagnon et Chouinard, le travail est déjà fait, et il
suffisait d'écouter Montréal - et eux-mêmes - pour
régler le tout en deux temps trois mouvements, puisqu'il
s'agissait tout simplement d'exagérations, de faussetés,
de préjugés, de xénophobie, voire de racisme, et
de craintes non fondées. - Bon, admet Lysiane Gagnon, la CSDM
souhaiterait une législation en ce qui concerne niqab et burka,
lieux de prière et congés pour motif religieux, mais bof,
y'a rien là, que les institutions se tiennent debout et disent
non! Pas besoin de lois pour régler cela, et encore moins d'un
"cadre de référence global" axé sur les valeurs
communes de la société québécoise. Au cas
par cas, et que la vie continue comme avant cette tempête dans un
verre d'eau!
Voilà une merveilleuse façon de noyer le poisson et de
laisser intacts tous les problèmes qu'on cherchait à
régler pour un mieux-vivre ensemble. Voilà une incroyable
et insouciante légèreté à rayer d'un trait
de plume l'extraordinaire travail de réflexion collective auquel
s'est attelé tout un peuple pendant quelques mois. Les Pratte,
Gagnon et Chouinard,
voilà de superbes exemples de FERMETURE à tout ce qui
n'est pas EUX, à tous ceux et celles qui ne pensent pas comme
EUX, qu'ils ne veulent même pas écouter - et encore moins
lire - et qu'ils ne veulent surtout pas comprendre. Les boucs
émissaires de ces gens-là, c'est NOUS, qui voyons que
problème il y a et qu'il doit être réglé.
C'est NOUS, qui savons que dans certains cas, la crainte est salutaire
et que la négation du problème ne fait que l'amplifier.
Historiquement, le laisser-faire européen face à la
montée du
nazisme hitlérien et les yeux fermés sur l'existence des
camps de concentration et d'extermination en sont une belle preuve.
Dernière minute, 7 déc 07, 9h35 - Je viens tout juste de
lire le mémoire de la href="http://www.accommodements.qc.ca/documentation/memoires/Montreal/commission-scolaire-marguerite-bourgeoys-la-commission-scolaire-marguerite-bourgeoys-une-maison-d-education-au-coeoeur-des-enjeux-du-quebec-de-demain.pdf">Commission
scolaire Marguerite-Bourgeois et celui du href="http://www.accommodements.qc.ca/documentation/memoires/Montreal/syndicat-de-l-enseignement-de-l-ouest-du-montreal-l-ecole-publique-plaque-tournante-d-une-societe-commune-montreal.pdf">Syndicat
de l'Enseignement de l'Ouest de Montréal (SEOM),
représentant les 3,000 enseignantes et enseignants de cette
même Commission scolaire. Ce dernier est excellent (mais inutile
à lire, semble-t-il, selon nos jovialistes journalistes ci-haut
mentionnés, et puis, de toute façon, un syndicat, dites
donc, on sait bin, y'a rien là....) Quant à celui de la
CSMB, allez y lire les points mentionnés à la page 12,
juste avant la conclusion, et celle-ci au complet. Vous déduirez
sans doute, comme moi, que ces trois journalistes ne l'ont certainement
pas lu; ils ont tout simplement attrapé au vol, à la
télé, le présentateur du mémoire dire
quelque chose comme: "Tout se règle assez harmonieusement dans
l'ensemble", ce qui leur a suffi pour 1) zapper et 2) écrire
leur si superficiel article.
CHRONIQUE DE LA CROQUEUSE DE MOTS (10)
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