Voulons-nous vraiment ce pays ?

Par Michel Ménard

À la conquête de soi


J’ai transporté des drapeaux fleur de lys dans des manifestations au début des années soixante-dix, et toute ma vie d’adulte, j’ai voté PQ au provincial, et Rhinocéros et BQ au fédéral. Mais je vieillis (51 ans), et l’âge et l’expérience m’ont apporté sinon la sagesse, peut-être un certain type de bon sens.
Le Parti Québécois de René Lévesque a inventé la nation québécoise en scindant la Nation Canadienne Française. D’un côté les élus, habitant le Québec, de l’autre les exclus habitant le Rest of Canada. Ces derniers ont été déclarés perdus de toute façon et jugés inaptes à toutes formes de tentative de sauvetage. On leur a enlevé leur fête nationale, la Saint-Jean-Baptiste, , sans leur demander leur avis, pour qu’on en fasse la fête des Québécois. On s’imagine qu’ils disparaîtront bientôt inévitablement, mais pour nous c’est déjà fait et on a coupé tous les liens de façon unilatérale (ils n’en sont pas encore revenus, croyez-moi).
Parlons-en des Québécois. Ce sont tous ceux qui habitent le territoire du Québec, sans distinction de race ou de langue. Ce qui fait que d’après mes calculs, la race canadienne française n’existe tout simplement plus, même pas sur papier. Dans mon pays, les Italiens, les Irlandais, les Polonais, les Chiliens et ainsi de suite peuvent se fêter entre eux avec toute notre cordiale amitié solidaire, mais il ne reste plus rien pour nous, qu’on appelle avec un brin de sarcasme teinté de jaunisme les Pure Laine (c’est vraiment pas joli de dire ça). C’est pas pour rien que des immigrants arrivent chez-nous et nous imposent leurs codes de vie, nous on ne sait plus si on en a un, et eux savent qu’on en a pas vraiment, enfin rien de solide, rien que du flou et du mou. Bref, afin de ne pas se faire traiter de racistes, on est prêts à s’adapter à tous et on adopte le profil de tout-un-chacun en toute humilité, puisqu’on n’a plus de référence. Toute revendication basée sur le mode de vie des Canadiens Français est vite réprimée comme une attitude de raciste xénophobe (et ce sont surtout des canadiens français bien pensant qui attaquent les autres canadiens français qui osent parler).
Par contre, on veut avoir un pays, distinct du Canada. Mais toujours d’après mes calculs, si on enlève les canadiens français du Québec, il n’y a plus de problème, le Canada est uni et parfaitement homogène.
Revenons à notre Province. Depuis 30 ans, autant le Parti Québécois que le Parti Libéral ont géré le Québec à l’intérieur du Canada en perdant une partie fort importante de nos acquis. Tous deux réclament un ajustement de la péréquation, c’est à dire une amélioration des compensations qu’on verse aux pauvres de la fédération. Et pendant qu’ils ergotent à ce sujet, notre richesse collective est pillée sans qu’ils ne s’en aperçoivent ou qu’ils ne tentent d’améliorer un tant soit peu la situation. Nous méritons pourtant tellement mieux, nos ancêtres ont bâti une grande partie du Canada.
Les budgets fédéraux sont orientés vers ceux qui s’y prennent le mieux pour obtenir leur part (pas toujours juste). Le statut de plaque tournante de l’aviation de Montréal a été transféré à Toronto, on a fermé Mirabel, et Montréal doit se contenter d’un aéroport de village sans avenir. La Bourse de Montréal est rendue à Toronto. L’industrie de l’automobile est disparue du Québec (merci GM Canada). Les budgets en Recherche et Développement vont massivement à l’Ontario, qui s’active aussi à piller les contrats potentiels en aéronautique qui devraient normalement revenir au Québec. Notre industrie manufacturière s’effrite, des métiers disparaissent du territoire, notre agriculture s’étiole, notre bois n’a plus la cote. Comment ne pas penser à des amitiés particulières entre les fonctionnaires fédéraux et ceux d’autres provinces quand on analyse tous les transferts de sièges sociaux et d’industries entières qui ont eu lieu au détriment du Québec, ou des séances de tordages de bras visant l’implantation d’entreprises étrangères au Canada.
Soyons francs, les autres provinces ont une certaine habilité à tirer les bonnes ficelles, et la Canada a tout intérêt à appauvrir le Québec, question de le garder en position plus ou moins stable (déséquilibre serait un mot plus juste). Nos deux partis provinciaux ne réagissent pas à tous ces pillages, et ne sont manifestement pas aptes à obtenir la juste part du Québec au sein du Canada dans le contexte de négociation qu’offre une fédération.
Pensez-vous donc que si le Québec était indépendant, nos politiciens, nos technocrates et fonctionnaires seraient aptes à faire face au reste de la planète ? Pensez-vous que les Chinois, les Américains, les Japonais, les Espagnols et les Bréziliens seraient plus cool que les Canadiens quand viendrait le temps de négocier ?
Je vais vous dire le fond de ma pensée, les Canadiens sont des enfants de cœur comparés au reste du monde, et si on n’est pas capable de mettre le poing sur la table et de leur parler dans le blanc des yeux en exigeant ce qui est notre dû d’une façon claire nette simple et précise, devant le reste de la planète on est morts, avant de commencer quoi que ce soit si on est une nation autonome et indépendante. Bref, je ne crois plus du tout au Pays dont on rêve depuis si longtemps.
Mes idéaux d’antant sont devenus mous, parce qu’il n’existe pas dans mon pays des politiciens dignes de ce titre. Je rêve en vain d’une union des francophones Nord-Américains, en toute amitié avec les autres Nord-Américains, qui saurait faire s’épanouir une culture et une façon de vivre qui aurait une certaine fierté, un semblant de dignité et une harmonie stable avec les autres peuples dignes de ce nom.
Aux Libéraux à plat ventre et aux Péquistes de la go-gauche je dis qu’à moins que rien ne change dans vos petits idéaux minables et nombrilistes, j’annulerai mes votes jusqu’à la fin de mes jours. Merci quand même pour vos stépettes inutiles.
Dans certains moments de lucidité, je me rappelle la vie de mes ancêtres, le défrichage, le bâtissage, les familles de 20 enfants, le travail éreintant du matin au soir qui n’en finissait jamais, la misère noire. Tout ça exécuté et accompli dans la foi que l’avenir serait meilleur pour leurs descendants. Et puis maintenant j’ai le triste sentiment qu’on est en train de faire un énorme gâchis de tous ces sacrifices, et que leur race s’éteindra sous peu dans l’indifférence la plus totale.
Michel Ménard
Montréal-Nord


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