Justin Massie - Les conditions politiques sont désormais réunies afin d'entrevoir le rôle militaire que jouera le Canada, en Afghanistan ou ailleurs dans le monde, après juillet 2011. Les leçons tirées de l'engagement militaire à Kandahar ne correspondent peut-être pas aux attentes du public, mais elles stimulent, à tout le moins, un débat public jusqu'ici muselé.
La première ouverture vient du Parti libéral du Canada, qui a dévoilé les grandes lignes de sa vision en matière de politique étrangère et de défense. Michael Ignatieff est d'ailleurs à louanger pour avoir pris position dans le débat entourant les futures opérations militaires canadiennes: doivent-elles avoir lieu sous l'égide de l'ONU, de l'OTAN ou d'une coalition de volontaires? Le chef libéral répond catégoriquement que s'il est élu premier ministre, le Canada amorcera un retour au sein des opérations de paix de l'ONU, retour privilégié par une majorité de Canadiens.
Est-ce que cela signifie que le Parti libéral n'appuierait pas la poursuite d'une mission militaire en Afghanistan? En fait, les libéraux précisent qu'ils souhaitent que le Canada poursuive une mission de formation militaire et policière et de renforcement des capacités civiles à Kaboul, ce qui signifie la fin des opérations de combat et de mentorat à Kandahar. De plus, la politique libérale privilégie de futures interventions militaires onusiennes en vue de protéger les populations victimes de génocide ou de nettoyage ethnique. Cela implique qu'un gouvernement libéral serait favorable au déploiement des Forces canadiennes dans les opérations actuelles de l'ONU au Soudan et en République démocratique du Congo (RDC).
Si l'on peut croire que cette position libérale est avant tout de nature électoraliste et peut donc être facilement écartée une fois au pouvoir, l'appui à une mission de formation militaire et policière en Afghanistan est quant à lui beaucoup plus concret. Un consensus bipartisan entre libéraux et conservateurs est d'ailleurs en émergence. Il s'agit là d'une seconde condition nécessaire, le gouvernement fédéral souhaitant faire porter au Parlement plutôt qu'à l'exécutif la responsabilité de déterminer l'avenir de la politique afghane du Canada. Or les deux comités chargés de cette question, l'un parlementaire et l'autre sénatorial, ont récemment signalé leur appui à une nouvelle mission de formation et de renforcement des capacités civiles, policières et militaires en Afghanistan après juillet 2011.
Une troisième condition a été remplie lors de la conférence internationale sur la reconstruction de l'Afghanistan cette semaine. La communauté internationale s'est engagée à transférer au gouvernement afghan la responsabilité de la sécurité intérieure du pays d'ici quatre ans. Tous les dignitaires ont insisté sur la nécessité de former la police et l'armée afghanes et de trouver un accord politique avec les talibans, deux préalables essentiels à une prise en charge afghane. Même le ministre des Affaires étrangères du Canada, Lawrence Cannon, a abandonné le discours habituel sur l'établissement d'une démocratie libérale en Afghanistan pour plutôt souligner la nécessité d'y établir une société «sûre, stable et prospère». Devant un tel échéancier et un consensus international sur l'objectif de miser d'abord sur la sécurité, une mission de formation militaire et policière semble tout indiquée pour le Canada après juillet 2011. Non seulement le gouvernement canadien répondrait-il ainsi aux souhaits d'une majorité de parlementaires à la Chambre des communes, il préserverait par le fait même la réputation d'allié fiable et engagé du Canada auprès de l'OTAN.
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JUSTIN MASSIE
L'auteur est professeur adjoint à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa.
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