Vague de colis suspects signée Forces armées révolutionnaires du Québec

Du "bicarbonate de soude" (la petite vache) et neuf personnes à "décontaminer" (d'après les beus)...




David Santerre et Denis Lessard .- Divers corps policiers enquêtent sur l'envoi d'enveloppes bourrées de poudre envoyées à 15 adresses différentes, principalement des bureaux de comté de députés et ministres libéraux, et notamment à celui du premier ministre Jean Charest à Sherbrooke. Quelques médias ont aussi été visés.

Il a été confirmé par les pompiers et la police de Montréal qu'il s'agissait de simple bicarbonate de soude dans la plupart des cas et que les enveloppes étaient sans danger. Pas d'anthrax comme le laissaient entendre les expéditeurs des lettres.
Ces actes seraient tous revendiqués par un obscur groupe qui se nomme «Forces armées révolutionnaires du Québec», relate l'agent Yannick Ouimet, du SPVM.
Le premier ministre ne se trouvait pas à son bureau du 2665 King Ouest lors de la réception de la lettre ce matin. Dans la même ville, le bureau de comté de sa consoeur Monique Gagnon-Tremblay, ministre des Relations internationales, a reçu le même type d'enveloppe, sur la 12e avenue Nord.
«Six personnes devront être décontaminées au bureau de Mme Gagnon-Tremblay et trois au bureau de M. Charest», relate Martin Carrier, porte-parole de la police de Sherbrooke.
À Montréal, le premier endroit visé à 9h13 a été le bureau du ministre libéral du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Pierre Arcand, au 3400 Jean-Talon Ouest. Puis ce fut le tour de son confrère député Gerry Sklavounos, au 7665 Saint-Laurent.
«J'ai ouvert l'enveloppe et lu la lettre. J'ai arrêté de lire après la première ligne qui parlait de maux de tête et de nausées. Il y avait beaucoup de poudre dans l'enveloppe», raconte Doris Demers, conseillère politique principale de M. Sklavounos, député de Laurier-Dorion.
«Je trouve ce type de geste déplorable. Ça va coûter une fortune et faire dépenser les citoyens, c'est triste», opine-t-elle.
Son député s'est retrouvé très populaire sur Twitter il y a quelque temps après avoir tenu des propos très durs sur le mouvement étudiant.
«Nous avons eu de la peinture rouge sur la bâtisse depuis», dit-elle. Une autre employée à indiqué que de la colle avait plusieurs fois été insérée dans les serrures de l'immeuble.
«Je n'ai aucune idée de ce que sont les Forces armées révolutionnaires du Québec. Je ne crois pas que ça ait un lien avec le mouvement étudiant», affirme-t-elle.
Après le député Sklavounos, il y a ensuite eu la tour du 500 Sherbrooke Ouest, où se trouvent les bureaux de Loto-Québec et de la Conférence des recteurs et principaux des Universités du Québec.
Les bureaux de comté des ministres de la Culture et des Communications Christine St-Pierre (boulevard Henri-Bourasssa) et de la Justice Jean-Marc Fournier (boulevard Marcel-Laurin) ont aussi été visés. Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a reçu un colis à son bureau de comté de la rue Belvedere à Québec de même que la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, à son bureau de comté de la rue Principale à Sainte-Dorothé, Laval.
Des médias ont aussi reçu ces enveloppes, puisque les bureaux de TVA, Québecor et La Presse ont été ciblés. Dans le dernier cas, trois lettres ont été reçues, adressées à la section éditoriale et à la rédaction.
Le plus étonnant est la maison de production de Denise Robert, Cinémaginaire, sur Saint-Laurent dans le Plateau-Mont-Royal. On ne sait trop pourquoi il a été visé.
«Une assistante qui était là a ouvert l'enveloppe, elle a vu la poudre blanche et mon associé a tout de suite appelé la police», raconte la productrice.
Mme Robert souligne qu'elle n'a jamais pris position sur la crise étudiante. «J'ai une ado de 16 ans. J'ai fait le tour de la province pour rencontrer les étudiants avec le film de Paul Arcand Dérapages. Nous étions parmi les rares qui avons donné la parole et qui étions à l'écoute des jeunes», dit-elle.
Mme Robert ignore pourquoi elle a été visée. «J'ai trouvé ça extrêmement malheureux. Je ne veux pas vivre dans la peur au Québec. Ça m'attriste, pour ma famille et pour les gens de Cinémaginaire qui gagnent leur vie de façon honnête», poursuit-elle.
L'hypothèse de la police est justement qu'ayant produit le dernier film de Paul Arcand, c'est lui qui aurait pu être ainsi visé par le biais de Cinémaginaire, à titre d'animateur aux positions parfois tranchées.
Comme à Québec, où deux enveloppes similaires ont été reçues aux bureaux de deux stations de radio, où elles visaient personnellement deux animateurs.
L'une a été adressée à l'animateur de la station CHOI FM Stéphane Dupont qui l'a ouverte en ondes. Auparavant, une enveloppe avait été destinée à la station Radio-Pirate, la web radio où oeuvre l'animateur Jeff Fillion.
La lettre lui était adressée, mais c'est Jean-Nicolas Dallaire qui l'a ouverte.
«En l'ouvrant, j'ai vu la poudre sur mes mains. C'était une substance extrêmement volatile. Je n'ai pas pensé lire la lettre. Ce n'est pas une bonne semaine pour envoyer ce genre de chose par la poste. Je suis allélaver mes mains. Puis j'ai regardé la lettre et ça parlait d'anthrax», raconte-t-il.
«Ça disait vous allez vomir, avoir mal à la tête, n'attendez pas d'avoir des problèmes respiratoires pour agir. Et ça revendiquait des choses, au sujet de tout ce qui se passe au Québec actuellement», poursuit-il.
La police s'est rendue sur les lieux et a récupéré la lettre.
À Montréal, il a fallu de nombreuses heures aux pompiers spécialisés en matières dangereuses pour sécuriser les adresses visées. C'est qu'une seule caserne montréalaise se spécialise en cette délicate tâche et elle a dû faire les neuf adresses à tour de rôle. La plupart de ces endroits ont été évacués en tout ou en partie, mais il semble que personne n'ait été incommodé.
Il est très difficile de se faire une idée précise de qui sont les gens derrière le groupe des Forces armées révolutionnaires du Québec (FARQ). Le nom rappelle l'Armée révolutionnaire du Québec de l'époque du Front de libération du Québec.
Mais elle n'a à ce jour revendiqué aucun autre acte. Sur le Web, peu de traces de ces FARQ, si ce n'est que dans la page Wikipédia dédiée à l'Armée révolutionnaire du Québec, une entrée en date du 6 juin ajoute l'envoi des enveloppes du jour à la fiche.
Quelques sources du milieu militant disent ne pas les connaître et suspectent qu'il s'agisse d'un groupe autoproclamé, de formation récente, dont il s'agirait du premier coup d'éclat.
Le SPVM dit ne pas connaître ce groupuscule et fera enquête pour tenter d'en percer le mystère.
Dix-huit destinataires
Dix-huit destinataires ont reçu des enveloppes contenant du bicarbonate de soude, a précisé mercredi le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil.
«Ce sont des gestes de provocation et d'intimidation», a soutenu Dutil. «Selon les informations que nous possédons, il n'y a pas de raison de s'inquiéter au niveau de la substance analysée. Il n'y a pas d'intoxication ou de contamination liée à cet événement. L'enquête se poursuit.»
L'un des ministres visés par les le groupuscule, Pierre Arcand responsable de l'Environnement, était visiblement agacé par la manoeuvre: «On essaie de nous intimider c'est très clair, et bien sûr le gouvernement ne se laissera pas intimider».
Dans son comté, la responsable du bureau l'avait vite rassuré sur l'absence de toxicité du produit contenu dans l'envoi. Il refuse de faire le lien avec l'adoption de la loi 78 qui encadre les manifestations.
Pour le ministre délégué aux Autochtones, Goeffrey Kelley, cette opération «est très préoccupante. Je pense comme être humain aux personnes qui travaillent pour nous dans les bureaux de comté, qui servent les citoyens. Elles sont très dévouées et c'est inquiétant au niveau personnel. Ce ne sont pas les élus, les députés ou les ministres qui ouvrent les enveloppes le matin, ce sont ces employés, les cibler c'est injustifié, en tout temps» a-t-il dit. Il refuse de spéculer sur les motifs de ceux qui sont derrière l'opération.
-Avec Vincent Larouche


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