Que faire avec cette droite naguère donnée pour libérale et conservatrice ? Elle existe encore, mais tout bas. On l’entend plus aujourd’hui, au moment de son ultime soupir, qu’hier, celui de sa vigueur électorale. Comme champions successifs, elle a eu Édouard Balladur, Jacques Chirac, Philippe de Villiers, Nicolas Sarkozy, François Fillon et Laurent Wauquiez. Tous ceux-là ont ou déçu ou jamais été élus. Cette droite ressemble aux enfants perdus de ces familles devenues décomposées à force d’avoir été trop recomposées.
Un tiers est parti chez Emmanuel Macron, le sémillant beau-père de substitution. Le deuxième chez Marine Le Pen, la tante atrabilaire qui dit vrai, mais tout de même un peu fort. Le dernier est demeuré fidèle. Mais à qui et à quoi ? François-Xavier Bellamy, le gendre idéal, n’a fait qu’un tour de piste et devrait tôt repartir à ses chères études. Quant à l’oncle de tutelle, Laurent Wauquiez, il est désormais démissionnaire, tel les pères du même nom. Paradoxe de cette droite qui aime si fort la famille et ses valeurs qu’elle laisse les siennes se défilocher…
C’est dans ce contexte pour le moins brouillon que Marion Maréchal entame son retour médiatique. Prémices d’un possible retour en politique ? Pas sûr, mais enfin si, à sa façon. Ainsi, au presque lendemain de la débâcle des Républicains aux dernières élections européennes, elle annonce, le dimanche 2 juin : « Si je peux être utile pour essayer de construire la grande alliance des droites, je le ferai à mon niveau. » Jusque-là, rien de nouveau, refaisant globalement sienne l’analyse de Patrick Buisson dans son essai, La Cause du peuple, selon laquelle seule la jonction entre France d’en haut et France d’en bas, France des valeurs et France du travail, permettrait d’assurer la victoire. D’où ces propos : « Le Rassemblement national est indispensable à la vie politique, mais il n’est pas suffisant. Il faut le dépasser et permettre que d’autres voix s’expriment dans d’autres mouvements pour permettre un grand compromis patriotique qui arrive à une coalition ou des alliances de circonstances. […] Soit l’alliance de la libre entreprise et de la France éternelle. »
Ce type d’alliance n’a pas la saveur de l’inédit et on les a vues, un temps, fleurir dans les années 80 du siècle dernier. Seulement, l’époque n’est plus la même. La droite était alors en position de force dans les urnes et le Front national nettement moins. Les deux rivalisaient alors de libéralisme économique contre les « socialo-communistes ». Depuis, le mur de Berlin est tombé et les clivages ont changé. Alain Madelin, naguère héraut de « la libre entreprise et de la France éternelle », a été le premier à rejoindre Emmanuel Macron. Même Gérard Larcher, père en politique de Christine Boutin, elle aussi assez portée sur « la libre entreprise et la France éternelle », entend clore la parenthèse « identitaire » initiée par Laurent Wauquiez.
Logiquement, Marion Maréchal affirme : « J’espère que ce courant de droite qui a été un peu malmené, trahi à certains égards, qui a subi une certaine forme de terrorisme intellectuel de la gauche et qui a été victime de sa stratégie au centre va se faire entendre. » Et Marine Le Pen, elle plus favorable à l’union des populistes qu’à celle des droites, de répondre en écho : « Cette démission de Wauquiez était inévitable. Nous tendons la main à tous les cadres et électeurs LR patriotes, attachés à la défense de notre identité, à la fin du matraquage fiscal et à la restauration de la grandeur française. L’alternative à Macron est possible. »
Ceux qui espéraient monter la nièce contre la tante en seront peut-être pour leurs frais, les deux femmes ayant le don de chasser en bande quand les circonstances l’imposent. Quand Marine lance, sur le ton de la blague, qu’en tant que patronne du RN, elle verrait assez bien Marion comme celle de LR, ce n’est pas forcément qu’une… blague.
Si l’une a siphonné l’électorat patriote de La France insoumise, l’autre pourrait bien faire de même des derniers rogatons Républicains. Plus que jamais, la voie est libre. Faute de combattants ? Oui, en quelque sorte, puisque tous partis chez Emmanuel Macron. Entre RN et LREM, il n’y a maintenant plus rien, ou presque.