Une voix distincte

Aujourd'hui, le Bloc n'est plus seul sur le terrain nationaliste qu'il partage de fait avec les conservateurs.

Élection fédérale 2008 - le BQ en campagne

La pertinence du Bloc québécois ne cesse d'être remise en cause depuis le début de la campagne électorale. Il n'y a pas de surprise à cela. La mise en veilleuse du projet de souveraineté force tout le mouvement souverainiste à se remettre en question. C'est le cas du Parti québécois. C'est le cas aussi du Bloc québécois forcé de se justifier par des adversaires qui cherchent à s'approprier ses électeurs.
Cette mise en cause de l'existence du Bloc québécois doit être vue d'abord sous l'angle du marketing électoral. Dix-huit ans après sa création, il détient toujours «la part de marché» la plus importante au Québec. Ce sont justement ces 35 à 45 % des suffrages qu'il recueille selon les élections qui fait problème. Le système politique canadien fonctionnerait tellement mieux si le Bloc était réduit à la marginalité, soutiennent ses critiques.
Quoi que l'on dise, et l'on a dit bien des choses, le Bloc n'a pas rendu le système politique canadien dysfonctionnel. À trois reprises, les libéraux de Jean Chrétien ont pu former des gouvernements majoritaires. Certes, on a prétendu que le Bloc faisait obstacle à l'émergence d'une véritable force d'opposition au gouvernement Chrétien, mais s'il en était ainsi, c'était parce que le Reform Party, puis l'Alliance canadienne, qui lui a succédé avant de fusionner avec le Parti conservateur, ne savaient pas parler aux Québécois.
Si le Bloc québécois a eu le succès qu'il a eu, c'est moins parce qu'il était un parti souverainiste que parce qu'il permettait au Québec de s'affirmer comme société distincte face au Canada anglais qui lui refusait cette reconnaissance. Aucun des autres partis ne manifestait d'ouverture à cette aspiration, chose qui a toutefois changé depuis que Stephen Harper a entrepris d'entendre les revendications des Québécois.
Aujourd'hui, le Bloc n'est plus seul sur le terrain nationaliste qu'il partage de fait avec les conservateurs. Ceux-ci sont d'ailleurs les plus insistants à contester la légitimité du Bloc dont ils ont fait un thème de leur campagne. Leur détermination à cet égard est d'autant plus grande qu'à la clef se trouve potentiellement le gouvernement majoritaire qu'ils espèrent obtenir. Tous les arguments sont bons pour éroder cette légitimité. Le souverainiste Jacques Brassard, dont le couplet est repris par d'anciens bloquistes, nous dit que le Bloc est devenu un parti gauchiste qui abandonne la cause souverainiste. Sous-entendu: le Bloc étant maintenant un parti sans cause, mieux vaut voter pour le Parti conservateur qui est dans les circonstances actuelles le seul parti un tant soit peu sensible aux revendications des Québécois.
Ce discours a de l'effet. Le chef bloquiste, Gilles Duceppe, a entrepris le week-end dernier de présenter sa formation comme le point de ralliement de tous ceux qui veulent empêcher les conservateurs de former un gouvernement majoritaire. Cet appel au vote stratégique des anti-Harper est révélateur de la difficulté du Bloc à faire le plein de son vote traditionnel.
Ceux qui remettent en question la pertinence du Bloc québécois ne disent rien par contre de la capacité du Parti conservateur, du Parti libéral et du NPD à se faire les défenseurs des intérêts du Québec à Ottawa sans compromis. Parce qu'il s'agit de partis nationaux, l'intérêt national prévaudra toujours. La règle de la solidarité oblige les voix même les plus fortes à se taire. L'histoire est riche de plusieurs enseignements à cet égard. Il faut se demander si la revendication d'une souveraineté culturelle présentée vendredi par le premier ministre Charest aurait un quelconque écho à Ottawa s'il fallait compter que sur les libéraux et les conservateurs pour la relayer.
Parce que le Québec est ce qu'il est, il a besoin à Ottawa d'une tribune qui lui soit propre. Il besoin d'une voix distincte. C'est ce qu'a été le Bloc québécois et c'est ce qu'il doit continuer d'être.
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bdescoteaux@ledevoir.com


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