On dit qu'en arrivant à Québec, Samuel de Champlain avait été fort impressionné par la vue qu'offrait le site avec son plan d'eau qui encerclait la ville et embellissait l'Île d'Orléans et la rive sud. Il fut vite persuadé que le lieu était tout désigné pour fonder la ville qui allait devenir le cœur de la Nouvelle-France. S'il vivait à notre époque, lui viendrait-il à l'idée de risquer de gâcher ce bel arrondissement naturel en y implantant un port méthanier et tout son bataclan ?
Mais l'économie, semble-t-il, a préséance sur l'écologie et l'esthétique. Or, on nous dit que le projet Rabaska va nous apporter la fortune. Car il paraît que l'avenir passe par le gaz méthane. Jadis porteurs d'eau nous deviendrons porteurs de gaz. Ainsi serons-nous riches et vivrons-nous des jours heureux. Sauf s'il nous tombait sur la tête un genre de Tchernobyl. Mais on a vite fait de nous rassurer, affirmant péremptoirement que cela ne peut se produire. C'est ce qu'on disait aussi aux gens de Tchernobyl avant que le malheur leur tombe dessus. Le problème souvent, avec les désastres écologiques, c'est qu'on ne peut prouver scientifiquement qu'ils constituent une menace tant que celle-ci ne s'est pas concrétisée. Et quand ça arrive, il est trop tard pour faire de la prévention.
Mais supposons que tout se passe bien et que le gaz nous apportera des emplois et des sous. Est-ce une raison pour implanter cette machine à créer la richesse dans un pareil milieu de vie, dans un décor aussi attrayant, dans un voisinage où vivent plusieurs centaines de milliers de citoyens? On ne peut dénicher nulle part une terre à cailloux rustique, inhabitée, où le monstre gazier ne dérangera ni ne menacera personne ?
C'est comme pour une vache laitière. Elle enrichit le fermier et celui-ci l'estime beaucoup. Mais il ne lui viendrait pas l'idée de la loger dans le salon. Une bonne vache laitière est heureuse dans l'étable ou dans le pré. Dans le salon, elle crée un malaise. À cause des retombées.
Le Créateur nous a confié la nature, la terre, l'eau, la vie qui nous entoure. Pas pour qu'on pollue et qu'on détruise, mais pour qu'on gère l'environnement naturel avec intelligence et prudence. Les vaches dans le pré, une étable propre, le salon pour les gens de la maison et pour la visite. Voilà qui est dans l'ordre des choses et, tout compte fait, économiquement avantageux pour tout le monde.
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Louis O'Neill*
Québec
*L'auteur est professeur émérite de théologie.
Une vache laitière dans le salon...
On ne peut dénicher nulle part une terre à cailloux rustique, inhabitée, où le monstre gazier ne dérangera ni ne menacera personne ?
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