Vingt ans après sa démission, Pierre Marc Johnson demeure un personnage honni au PQ, mais son nom demeure attaché à une doctrine, l'affirmation nationale, qui pourrait bien être réhabilitée par un gouvernement adéquiste.
Que retiendra-t-on du bref règne d'André Boisclair dans vingt ans, sinon qu'après une série d'erreurs, il a mené son parti à sa pire défaite électorale en plus de trois décennies? Certes, il a mené une campagne courageuse et excellé au débat des chefs, mais qui s'en souvient encore?
Dans les mois qui ont suivi son arrivée, son entourage évoquait un peu pompeusement une «doctrine Boisclair», mais on n'a jamais su de quoi il s'agissait exactement, parce qu'il n'a jamais osé le préciser. Du début à la fin, on a plutôt eu l'impression d'une improvisation continue.
Il est vrai qu'il a été catapulté à la tête du PQ dans des conditions particulièrement difficiles. Il n'était pas prêt à prendre la relève de Bernard Landry. En route vers Toronto, il n'avait pas réfléchi un seul instant à ce qu'il ferait s'il devenait chef. Au surplus, il a hérité d'un programme qui contredisait à peu près tout ce en quoi il croyait.
Le révisionnisme de M. Boisclair n'allait pas aussi loin que celui de son principal conseiller, Daniel Audet, qui a récemment exposé ses «15 idées pour le Québec» dans le magazine L'actualité, mais il aurait sans doute pu signer le manifeste Pour un Québec lucide.
En réalité, il a été élu chef pour les mauvaises raisons. Les militants péquistes, obsédés par l'idée que leur parti ne survivrait pas à leur génération, voulaient sa jeunesse, mais ils ne se souciaient pas vraiment de ses idées. D'autant qu'il semblait lui-même tout disposé à en changer.
***
À tous égards, il y a eu erreur de casting. Non seulement les convictions du nouveau chef étaient en porte-à-faux avec les positions officielles de son parti, mais sa personnalité éclatée ne correspondait pas du tout au vent de conservatisme qui se levait sur une bonne partie du Québec. Leur jeunesse mise à part, il est difficile d'imaginer deux hommes aussi différents qu'André Boisclair et Mario Dumont.
Si M. Boisclair avait eu la sagesse de passer un tour, son heure serait peut-être venue dans des circonstances qui l'auraient mieux servi, mais l'ambition a été la plus forte. À 41 ans, il est encore jeune, mais il est difficile d'imaginer un éventuel retour après un tel échec.
Dans l'entrevue qu'il a accordée au Journal de Montréal, l'ancien chef se dit plus que jamais convaincu que le Québec doit accéder à son indépendance, mais que le PQ doit changer s'il veut en être l'artisan.
Pauline Marois «est à peine en poste que, déjà, on entend les mêmes voix qui se sont élevées contre moi», constate-t-il. Il ne faudrait tout de même pas exagérer: pour le moment, il s'agit tout juste de murmures. Compte tenu des remises en question que propose Mme Marois, il est même étonnant que la contestation ne soit pas plus vive.
Il est vrai que, dès le début de la course au leadership, l'aile progressiste du PQ se méfiait d'André Boisclair, mais ce sont bien plus ses maladresses que ses positions idéologiques qui ont été à l'origine de ses problèmes. Même revue et corrigée par Daniel Audet, sa plate-forme électorale n'avait rien d'hérétique.
S'il a rendu service à Mme Marois, c'est moins en lançant la révision du programme qu'en menant le PQ au bord de l'abîme. En principe, l'alerte devrait avoir été suffisamment chaude pour lui assurer une certaine quiétude jusqu'aux prochaines élections. Évidemment, avec le PQ, on ne peut jurer de rien.
***
M. Boisclair a ses défauts, mais il est sans doute moins rancunier que la plupart des politiciens. Un chef de parti aux abois voit des ennemis partout, comme Stéphane Dion pourrait en témoigner, mais Bernard Landry avait dépassé les bornes en laissant planer publiquement la possibilité d'un retour à la veille du déclenchement des élections.
Le seul exemple d'un tel coup bas est la tentative de putsch avortée des partisans de Jean Chrétien contre John Turner au beau milieu de la campagne fédérale de 1988. M. Chrétien ne manque pas de culot pour reprocher aujourd'hui ses manigances à Paul Martin.
Rongé par le regret d'avoir démissionné sur un coup de tête, M. Landry ne se rendait peut-être pas compte qu'à peu près personne au Québec, même au PQ, ne souhaitait le voir reprendre du service. Sa sortie n'en ressemblait pas moins à un véritable appel au putsch.
À la place de M. Boisclair, n'importe qui aurait été blessé par ce manque de loyauté. Le coup faisait d'autant plus mal qu'il aurait été le premier à appuyer son prédécesseur s'il avait décidé de revenir sur sa décision durant les jours qui ont suivi sa démission.
Même si cela n'excuse pas M. Landry, il n'était pas le seul au PQ à penser que M. Boisclair s'était complètement discrédité en participant à une parodie grotesque du film Brokeback Mountain.
Ce n'est pas toujours facile pour un politicien souverainiste de se recycler dans la vie civile. M. Landry lui-même et certains de ses collègues du cabinet Lévesque en avaient fait l'expérience après la défaite de 1985. M. Boisclair a certainement beaucoup à offrir, mais on peut comprendre que son règne erratique fasse hésiter d'éventuels employeurs. Il n'était peut-être pas fait pour être chef, mais il ne faudrait pas oublier qu'il a été pendant quinze ans un des politiciens les plus doués de sa génération.
Il dit partir «dans un état de plénitude totale». Tant mieux, mais cette fin de carrière est tout de même un peu triste. Il reste à lui souhaiter bonne chance dans sa nouvelle vie.
mdavid@ledevoir.com
- Source
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé