Depuis que le premier ministre Stephen Harper a annoncé qu’il entendait faire de la santé maternelle dans les pays en développement son cheval de bataille au sommet du G8 le mois prochain, son parti s’embourbe à chaque semaine davantage dans le débat sur le droit à l’avortement.
Certains analystes sont convaincus que le premier ministre a sciemment suscité ce débat, qu’il a délibérément laissé sortir le génie de la bouteille. D’autres y voient une erreur de parcours de Stephen Harper qui n’aurait pas vu venir le débat actuel. Je suis de cette seconde école.
Depuis qu’il a repris du service en politique fédérale, Stephen Harper a tout fait pour prendre ses distances à l’égard du débat sur l’avortement.
Candidat au leadership de l’Alliance canadienne, il avait même prévenu que, sous son leadership, il ne serait pas question de monter au front de la recriminalisation de l’avortement – un engagement qu’il a réitéré lors de sa campagne au leadership conservateur.
Encore le mois dernier, quand une motion libérale prônant l’inclusion de la contraception y compris l’avortement parmi les mesures au programme de l’initiative canadienne, le premier ministre a tenté – en vain – de convaincre son caucus d’appuyer le texte préparé par l’opposition.
Mais Stephen Harper n’avait pas nécessairement prévu que les libéraux seraient trop divisés sur le droit à l’avortement pour faire passer leur propre motion aux Communes.
Le résultat, c’est que la Chambre a formellement pris position contre l’inclusion de tous les moyens de contraception dans l’éventail des moyens privilégiés par le Canada pour améliorer la santé maternelle dans les pays en développement.
Mobilisée par ce nouveau débat, l’aile religieuse du mouvement conservateur est remontée aux barricades anti-avortement. La semaine dernière, le gouvernement Harper a succombé à ses pressions en annonçant officiellement que le Canada ne financerait pas d’initiatives internationales qui incluraient le recours à l’avortement.
Inquiets du déraillement possible de l’initiative canadienne, plusieurs ONG canadiens souhaitent ouvertement que les partis fédéraux passent à autre chose. Hier, une sénatrice conservatrice, Nancy Ruth, leur a fait écho en enjoignant les groupes qui oeuvrent sur le front de la santé maternelle à « se fermer la gueule » (shut the fuck up) au sujet de l’avortement. Seule journaliste sur place, ma collègue du Star, Susan Delacourt, a enregistré ces propos.
Selon certains, la sénatrice Ruth a sous-entendu qu’en protestant contre la prise de position conservatrice sur le front des pays en développement, les partisans du droit à l’avortement risquaient de s’exposer à des représailles sur le front domestique, avec l’instauration de mesures pour restreindre l’accès à l’avortement au Canada. Il est franchement permis d’en douter.
Les stratèges conservateurs savent que ce débat leur fait du tort au sein de l’électorat féminin. Il est également porteur de divisions dans leurs propres rangs.
Aujourd’hui, comme lors de la dernière tentative pour recriminaliser l’avortement il y a presque 20 ans, il serait impossible de rédiger une loi qui satisferait le lobby anti-avortement sans utiliser la clause dite nonobstant de la Constitution pour suspendre l’application de certaines dispositions de la Charte des droits à l’égard des femmes. C’est un scénario intenable sur le plan politique.
Cela dit, le débat des derniers mois a néanmoins rappelé qu’encore aujourd’hui, une majorité de députés n’est toujours pas acquise au principe du libre choix des femmes en matière d’avortement, et que cette majorité inclut non seulement les conservateurs, mais un certain nombre de libéraux.
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