Le ministre québécois Raymond Bachand a surpris tout le monde par la virulence et le ton de ses attaques à l'endroit du virage entrepris par mon ministère concernant l'aide financière récurrente apportée au financement des frais d'exploitation des organismes économiques (OBNL) par Développement économique Canada (DEC). J'ai été moi-même surpris car, comme ministre fédéral, ce n'est pas ma conception des relations fédérales-provinciales que de critiquer ouvertement les gestes et les décisions de ma contrepartie provinciale et certainement pas de partir en cabale contre une décision d'un homologue provincial.
Lors de mon arrivée à la tête de mon ministère, j'ai constaté qu'au fil des années, plus de 225 organismes économiques (OBNL) en étaient venus à dépendre de Développement économique Canada pour financer une partie de leurs frais d'exploitation récurrents. Évidemment, par effet de sédimentation et d'agrégation, la marge de manoeuvre du ministère devenait chaque année plus étroite. Fait plus grave, de nombreux projets ponctuels d'entreprises et de municipalités ayant des effets directs et immédiats sur l'emploi devaient être mis de côté, faute de moyens. Pour ne pas faire de vagues, mes prédécesseurs avaient choisi de fermer les yeux. C'était la voie facile.
Avec les spécialistes du ministère, et pendant plusieurs mois, nous avons cherché à trouver la meilleure manière à la fois de préserver au mieux ces organismes économiques, d'une part, et, d'autre part, de répondre aux projets d'entreprises et de municipalités autrefois mis de côté, faute de moyens. Contrairement à ce qui a été affirmé, cette décision n'a pas été prise avec légèreté, appliquée de manière aveugle ou sans précautions. Elle a été élaborée après une revue complète des dossiers et mise en oeuvre de manière transparente, progressive et responsable. ()
Est-ce que les organismes touchés sont heureux du virage de DEC? Bien sûr que non. Je suis le premier à convenir que cette décision est exigeante et j'admets volontiers que c'est plus compliqué de tarifer et de facturer des clients-entreprises que de recevoir un gros chèque de l'État. Dorénavant, plutôt que d'offrir des services aux entreprises gratuitement, ou à demi-prix, ces organismes vont devoir facturer leurs clients ou leurs membres sur une base qui se rapproche davantage des véritables coûts. Mais est-ce que ces organismes sont en péril? Pour l'essentiel, je crois que non. Je pense que les services de ces organismes sont appréciés par les entreprises et, conséquemment, je m'attends à ce que leurs clients acceptent de payer davantage. Cela me semble logique. Si, dans certains cas leurs clients refusaient de payer pour les services en question alors, expliquez-moi pourquoi les contribuables devraient le faire?
Toujours autant d'argent pour chaque région
Je disais plus tôt que le but de ce virage était, à la fois, de préserver au mieux ces organismes et de permettre AUSSI la mise en oeuvre de projets additionnels dans chaque région. C'est tout à fait le cas. Pas plus tard que le mois dernier, DEC a annoncé conjointement avec le gouvernement québécois sa participation financière aux projets de quais d'escales pour les bateaux de croisières. C'est 46 millions$ que nous allons investir là. M. Bachand en était très heureux, pour ne pas dire rayonnant. Il me l'a dit personnellement. Autrement dit, ce virage dans le financement des organismes économiques ne se traduit pas par une coupure nette dans les régions du Québec. Il n'y aura pas moins d'argent par région, il va y en avoir autant, sauf que les fonds n'iront plus de manière systématique à soutenir TOUJOURS les mêmes organismes pour leurs frais d'exploitation récurrents.
En se braquant ainsi contre le virage de DEC, qui va se faire de toute façon, le ministre Bachand se range un peu précipitamment, et sans trop s'en rendre compte, dans le camp des tenants du statu quo qui freinent l'essor du Québec. À de multiples reprises, et dans toutes sortes de domaines, on observe que la société québécoise se fige parfois dans des manières de faire qui ont pris un peu d'âge et qui sont issues d'un univers maintenant révolu. De nombreux projets et changements ont avorté ici au Québec à cause de ce réflexe de statu quo. Or le contexte économique évolue, les priorités aussi doivent être revues, de même que les manières de faire. C'est ce que je fais.
Quelques semaines après notre engagement sur les bateaux de croisières, nous avons annoncé une augmentation de 14 millions$ pour soutenir la productivité de nos entreprises manufacturières. La même semaine, nous avons accru nos fonds pour soutenir l'exportation des produits des PME québécoises de 50% et nous avons aussi augmenté notre enveloppe dévolue à l'innovation des PME de 52%. Dans le contexte de mondialisation et de concurrence accrue de la Chine et de l'Inde, il fallait faire un effort additionnel. Nous l'avons fait. Est-ce que tout cela aurait été possible sans le virage entrepris vis-à-vis des organismes économiques? Bien sûr que non. ()
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Blackburn, Jean-Pierre
L'auteur est ministre du Travail et ministre de Développement économique du Canada.
Un virage essentiel
Le ministre Jean-Pierre Blackburn défend le changement de politique de son ministère auprès des organismes économiques à but non lucratif
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Blackburn, Jean-Pierre2 articles
Ministre du Travail et ministre de Développement économique du Canada
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