Il a suffi que Michel Tremblay ouvre son âme l'espace de quelques minutes pour qu'un véritable tsunami verbal s'abatte sur lui et sur le Québec sans crier gare. Pas question de lui donner le temps de s'expliquer, le grand tribunal de la rectitude politique l'avait déjà condamné sans appel.
On lui a dit de se taire, d'aller se coucher, d'aller vivre en Floride, qu'il était un trou d'cul. Un homme que j'ai toujours cru intelligent a même affirmé qu'il n'irait plus jamais voir une pièce de Tremblay au théâtre. Il faut le faire.
Surtout qu'il était relativement facile de comprendre la déclaration de Tremblay. J'oserais même dire que celui ou celle qui ne s'est jamais levé un matin en se disant «Je me demande si ça vaut encore la peine» jette la première pierre. En général, le questionnement dure quelques heures et la réponse se trouve au bout du tunnel.
Il y a ceux qui, comme Raymond Bachand, le nouveau député libéral d'Outremont, répondent non à leur propre questionnement et s'engagent ailleurs, et puis il y a ceux qui répondent oui et qui continuent d'espérer voir le Québec indépendant de leur vivant.
Il n'y a que les cons qui ne se reposent jamais de questions sur leurs engagements. Si on peut se demander de temps en temps si le mariage qu'on a contracté il y a quelques années ou des lustres tient toujours ou pas, on doit pouvoir se demander si on est toujours d'accord avec un engagement politique pris à une époque où la donne pouvait être complètement différente pour soi personnellement, ou pour la collectivité.
Le discours s'appauvrit
Je le confesse, moi-même j'ai osé dire en 1976 qu'on ne ferait pas l'indépendance du Québec avec des hommes d'affaires. Cette déclaration m'avait valu bien des réprimandes mais je crois que j'avais raison. Ce que Tremblay explique, c'est que ce n'est pas avec des arguments économiques qu'on pourra convaincre les gens de choisir la souveraineté, il faut que le message soit porteur d'autres valeurs bien plus importantes que seulement des valeurs économiques. Si elles ne sont pas négligeables, elles ne sont certainement pas les plus importantes.
En ce moment, le gros du discours du Parti québécois ne parle que d'argent. Il n'y a plus personne depuis le départ de Pauline pour ramener les arguments du coeur comme la fierté d'être maître chez soi, d'avoir une véritable identité, de choisir le monde dans lequel on va élever nos enfants. La souveraineté d'un peuple ne s'évalue pas seulement au cash qu'elle va rapporter. Ça paraît tellement évident. Et pourtant, c'est le discours du jour.
C'est cette déception qu'exprimait Tremblay. Qu'on ait vidé le désir de souveraineté de sa passion. Qu'on en ait fait une transaction financière qui nous donne l'impression qu'on est à vendre au plus offrant.
L'arrivée d'André Boisclair, qui n'arrive pas à se défaire de son vide vaporeux, inquiète ceux et celles qui évaluent que le temps serait propice à une avancée des souverainistes. Fatigués? Peut-être, mais surtout déçus parce que pendant que le Parti québécois s'enfonce dans des querelles insignifiantes, la Terre continue de tourner.
Voyons les choses comme elles sont. Les libéraux ont été chassés du pouvoir mais les conservateurs qui les remplacent jouent la grande séduction avec le Québec. Ils essaient d'évaluer à quel prix nous allons nous vendre.
Le gouvernement Charest est le plus mauvais gouvernement que le Québec ait connu depuis toujours, même les libéraux le reconnaissent. Et le Parti québécois n'arrive pas à capitaliser sur la grogne qui monte dans la population.
Et on s'étonne qu'un souverainiste intelligent se pose des questions... C'est s'il ne s'en posait pas que ce serait inquiétant.
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