L'un des effets peu discutés entourant l'éventualité de la souveraineté du Québec touche le remaniement fort possible de l'échiquier politique. Le Parti québécois et le Parti libéral du Québec risqueraient d'éclater. L'évacuation de la question nationale permettrait à leurs adhérents de se regrouper sous des vocables politiques plus traditionnels.
La langue et la culture du Québec lui donnent, on le sait, des éléments très distinctifs. Mais l'homogénéité de la pensée politique constitue aussi un trait singulier. Qu'il s'agisse de questions environnementales, économiques ou culturelles, il est certes difficile de noter de grands écarts philosophiques entre les deux principaux partis. Bien sûr, à l'occasion, un Suroît ou une école passerelle donnera l'impression contraire. Certains citeront aussi trois ou quatre composantes de programmes électoraux récents pour s'inscrire en faux. Mais ces éléments épisodiques ne peuvent masquer la présence au Québec d'un courant politique de centre-gauche dominant dont les objectifs sont largement partagés par le PQ et le PLQ.
Ailleurs au Canada, les divisions entre les partis sont nettement plus palpables. Aucune autre province canadienne n'arrive à obtenir autant de résolutions unanimes de son assemblée législative que le Québec. À Ottawa, le fossé idéologique entre les deux principaux partis s'est agrandi depuis quelques années. Le constat ne fait aucun doute: la question constitutionnelle empêche plusieurs acteurs politiques au Québec d'oeuvrer au sein du même parti.
Bien qu'une petite brise de centre-droite pourrait à l'occasion apporter un peu de fraîcheur aux débats publics, convenons que le courant prépondérant ne nous a pas toujours mal servis et qu'il rejoint une partie importante de l'électorat. Toutefois, force est de constater que les meilleurs éléments disponibles pour gérer ce courant se retrouvent dans deux formations politiques. Autant les fédéralistes que les souverainistes ont avantage à ce que le Québec puisse bénéficier d'une équipe ministérielle relevée. Les services que rend l'État aux malades, aux étudiants ou aux commerçants occupent un grand espace dans l'action gouvernementale. Ils méritent d'être confiés à des gens compétents qui les superviseront, comme il se doit, sans égard à leurs allégeances constitutionnelles.
Au risque de heurter des fédéralistes, nous devrions légiférer la tenue d'un référendum obligatoire à tous les 15 ans. Le nombre important de Québécois souhaitant la souveraineté n'est pas sur le point de s'estomper - voilà 30 ans que je le souhaite et que les fédéralistes l'annoncent et rien n'y fait. Durant une période de 35 jours avant la tenue d'un référendum, le gouvernement opérerait exactement comme il le fait pendant une élection générale. Des membres du gouvernement militeraient dans des camps distincts durant la campagne référendaire, une pratique répandue ailleurs avec la multiplication de gouvernements de coalition dont les parties constituantes se disputent des sièges lors d'élections générales.
Le PQ reprendra le pouvoir un jour et, malgré la timidité de certaines de ses affirmations sur le sujet, tiendra un référendum. Puisque nous en aurons un autre, et un autre après celui-là, la sagesse nous commande de le reconnaître et les encadrer dès maintenant.
Le Québec a beaucoup trop de défis devant lui pour ne pas souhaiter une plus grande concentration de talent au pouvoir exécutif. Avec l'assurance d'un référendum, un réalignement politique serait réalisable.
Je voterai non au prochain référendum et à celui qui le suivra. Comme fédéraliste, je préférerais que nous n'en tenions plus. Mais je suis réaliste - puisque nous débattrons encore de la question nationale, je souhaite la meilleure intendance possible pour le Québec en période «non référendaire».
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Michael M. Fortier
L'auteur a été ministre fédéral du Commerce international.
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