Il est assez déprimant pour les partis d’opposition de se retrouver face à un gouvernement qui vit toujours une lune de miel avec la population un an après avoir été porté au pouvoir, comme c’est présentement le cas du gouvernement Legault.
En 2003, le retour dans l’opposition avait été douloureux pour le PQ, mais il était quand même réconfortant de voir des dizaines de milliers de personnes descendre dans la rue à peine six mois après la victoire des libéraux de Jean Charest en scandant : « On n’a pas voté pour ça. » Pour le moment, rien ne semble coller à la CAQ. À en croire les sondages, même ceux qui ne l’ont pas appuyée il y a un an sont agréablement surpris.
Dans ces conditions, le retour à l’Assemblée nationale n’a rien d’enthousiasmant pour les députés du PLQ, pas plus que pour ceux du PQ, qui ne voient aucune lumière au bout du tunnel. Seuls leurs collègues de Québec solidaire, encore tonifiés par la bonne performance de leur parti le 1er octobre 2018, semblent avoir conservé tout leur allant.
Dans notre système parlementaire, c’est l’opposition officielle qui donne le ton aux débats parlementaires. Si détestable qu’il puisse être, certains députés libéraux doivent se surprendre à penser qu’ils auraient peut-être mieux fait de choisir Gaétan Barrette pour assurer l’intérim en attendant l’élection d’un nouveau chef. Au cours de la dernière année, il a été de loin le plus efficace de son parti.
Même s’il lui arrive (très) occasionnellement de hausser le ton, c’est un euphémisme de dire que Pierre Arcand n’est pas un foudre de guerre. Lui-même a l’humilité d’admettre, non sans humour, que ses entrevues donnent immanquablement aux auditeurs l’envie de changer de poste. S’il a hérité du poste de chef parlementaire lors du départ de Philippe Couillard, c’est surtout parce que ses collègues redoutaient l’autoritarisme de l’ancien ministre de la Santé.
Il faut dire que la fonction est particulièrement ingrate. Elle consiste essentiellement à assurer une certaine cohérence au sein d’un caucus qui, en l’absence de chef permanent, envoie inévitablement des messages contradictoires. Durant le débat sur la laïcité, tout le monde savait que plusieurs députés libéraux auraient souhaité que leur parti se rallie aux recommandations de la commission Bouchard-Taylor sur le port de signes religieux par les agents de l’État en position d’autorité.
Même sur une question aussi simple que l’utilisation du « bonjour -hi » dans les succursales de la Société des alcools, qu’on pensait pourtant réglée, M. Arcand semblait encore marcher sur des oeufs la semaine dernière. Le « hi » n’était « peut-être pas nécessaire » au Lac-Saint-Jean, mais « peut-être un peu plus nécessaire » dans l’ouest de Montréal. Avec des « peut-être pas » et des « peut-être un peu plus », on ne va pas très loin en politique.
Les prochains mois risquent de paraître bien longs aux libéraux. Le nouveau chef doit être choisi en mai 2020, mais la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, Dominique Anglade, est toujours la seule à être officiellement sur les rangs, sa collègue de Saint-Laurent, Marwah Rizqy, se disant toujours en réflexion. Cette dernière est cependant la première à reconnaître que la course sera affreusement « plate » si Gaétan Barrette n’est pas sur les rangs. Il est peut-être insupportable, mais il ne manque ni d’intelligence ni de verve.
La question est de savoir si le PLQ peut se permettre de prendre le risque qu’il gagne et d’être dirigé par le Bonhomme Sept Heures en personne. M. Barrette répète à qui veut l’entendre qu’il ne se lancera pas dans la course simplement pour faire de la figuration, et on peut le croire sur parole. Au départ, presque personne n’accordait à Jean-François Lisée la moindre chance de succéder à Pierre Karl Péladeau. La course a cependant convaincu une majorité de militants péquistes qu’il serait un adversaire plus coriace qu’Alexandre Cloutier face à Philippe Couillard et à François Legault. Au vu des résultats de l’élection, on peut penser qu’ils ont fait une erreur, mais cela est une autre histoire. Personne ne peut douter que M. Barrette est de taille à affronter n’importe qui.
Mme Anglade assure qu’elle aurait grand plaisir à débattre avec son collègue de La Pinière. Sauf que l’ancien ministre semble voir le débat comme un combat extrême où il s’agit de mettre son adversaire K.O. Le père de l’assurance maladie, Claude Castonguay, a déjà déclaré dans une entrevue au Soleil que c’était un « grossier personnage avec qui il n’est pas possible d’avoir une conversation ou d’engager un dialogue civil ». Pendant des années, il a infligé un traitement odieux à sa vis-à-vis péquiste, Diane Lamarre. Face à un tel enjeu, pourrait-il se retenir sous prétexte que l’adversaire est une collègue ?
Certains l’imaginent simplement tenir le fort pendant quelques années, en attendant que l’usure du pouvoir ait raison de la CAQ et qu’on le remplace par un chef plus « vendable », mais une telle abnégation lui ressemble bien peu.