Un «nous» rassembleur

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Un baume sur notre ego collectif






Récemment, une inscription sur une bouteille de vin chilien a attiré mon attention: «Au Chili, nous aimons produire et offrir des vins de haute qualité...» J’ai trouvé cela étrange. Plutôt que de dire: «Mon vignoble, au Chili, établi depuis tant d’années, produit des vins, bla-bla-bla», on a préféré parler de l’ensemble des vins chiliens, en parlant au «nous». Voilà un pays fier de ses origines et de son savoir-faire.




Depuis le fameux discours de Jacques Parizeau, le soir du référendum, où il disait que celui-ci avait été perdu essentiellement par «l’argent et des votes ethniques», ajoutant: «On va cesser de parler des francophones du Québec, voulez-vous? On va parler de «nous»! À 60 %, on a voté pour!», depuis cette date, donc, le mot «nous» en parlant des Québécois est devenu un mot tabou. Encore plus depuis les multiples débats au sujet de la charte des valeurs québécoises. Pas une journée sans que des accusations de racisme, de xénophobie, d’islamophobie ne soient brandies contre quiconque affirme fièrement son identité, ses racines et son parti pris pour le laïcisme.




Dans son nouvel ouvrage, Nous, c’est qui?, Monique Fournier tente de réhabiliter l’identité québécoise en dressant un portrait historique, politique et culturel de ce nous, Québécois de souche, d’immigration française. En faisant l’inventaire des apports extérieurs et du métissage, essentiellement amérindien.




Oui, nous sommes tous des immigrants, comme nous sommes tous des citoyens du monde. Rien de nouveau dans cette affirmation clichée qu’on balance souvent comme pour aplanir toute différence possible entre les peuples. L’auteure rappelle à juste titre que seuls les Africains, dont nous sommes tous les descendants, peuvent se targuer de ne pas être fils d’immigrants. Il n’empêche pas moins que ceux qui ont peuplé le Québec, dès le XVIe siècle, sont de souche française et que ce territoire nous a façonnés, a fait de nous des êtres différents de nos ancêtres européens. Alors, quelles sont donc ces différences?




Religion




«Il est impossible de chercher à comprendre l’identité québécoise sans parler de religion puisque le clergé catholique a mené notre destinée d’une poigne de fer pendant plus de 350 ans», nous dit l’auteure. Cette domination s’est arrêtée abruptement avec la Révolution tranquille, au début des années soixante. Cela forme un caractère, comme on dit. Moi qui suis de la génération des baby-boomeurs, nos parents, nos grands-parents et nos ancêtres avons connu ce que c’était vivre sous l’emprise de la religion catholique. Et sans doute à la longue avons-nous réussi à puiser dans la religion catholique ce qu’il y avait de bon, les valeurs de partage et d’entraide, en délaissant petit à petit ses mauvais côtés, le prosélytisme des missionnaires venus en terre d’Amérique pour convertir et évangéliser les «sauvages» et tout l’attirail de la peur, à propos de la chasteté, de l’argent, de la femme, de l’avortement, etc.




La venue des «Filles du Roy» n’est pas étrangère au fait que nous avons ici «une longueur d’avance en matière d’égalité des sexes». Comme elles étaient peu nombreuses, les femmes pouvaient «faire la fine bouche avant d’arrêter leur choix sur celui des soupirants qui leur plaît le plus. [...] Je crois que cette situation exceptionnelle a donné aux femmes d’ici, dès le départ, une position plus égalitaire dans le couple.»




Notre passé, notre héritage de la Nouvelle-France, notre métissage ont fait de nous un peuple pacifique, «peu porté à hiérarchiser les êtres humains». Nous sommes «amoureux de la nature et de la liberté; pris de la bougeotte à chaque période de déménagement; contents de la première neige et encore plus de la dernière; devenus finalement fiers de nos mots québécois et de notre accent; capables d’obstination tranquille; accueillants, sympathiques, conciliants, tolérants, mais aussi méfiants et jaloux de nos acquis, [...] tantôt audacieux, tantôt timides», etc.




Même s’il prend parfois des allures fourre-tout, cet ouvrage apporte, à bien des égards, un baume sur notre ego collectif trop souvent malmené et constitue une bonne initiation pour les nouveaux arrivants.




 



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