Un monde nouveau

17. Actualité archives 2007


Sommet réussi des «non-alignés» à La Havane. Défilé triomphal des «vilains» à l'ONU. Irruption de la Chine sur la scène diplomatique. Fraternisation spectaculaire de l'Iranien Ahmadinejad et du Vénézuélien Chavez. Échec de plus en plus patent de la stratégie d'isolement de l'Iran dans le débat nucléaire...
On pourrait continuer cette énumération: sur la scène diplomatique, un monde nouveau est en train de naître. Un monde où la domination d'un seul pays glisse peu à peu au rayon des souvenirs. Un monde qui devient de plus en plus chaotique, car de nombreux acteurs «format moyen» retrouvent aujourd'hui une autonomie inespérée à la faveur du déclin des États-Unis, et de l'absence d'un nouvel ordre.
Le fameux «moment unipolaire» dans les relations internationales, dont l'avènement remonte à la disparition de l'URSS (1991), et qui semblait laisser pour très longtemps tout le champ libre aux États-Unis, eh bien ce «moment» n'aura finalement pas duré vingt ans.
Pour autant, il faut bien admettre que ce nouveau monde - et proclamer cela, ce n'est pas forcément éprouver de la nostalgie pour la toute-puissance américaine - n'est pas pour autant plus démocratique, plus sécuritaire ou mieux policé. Loin de là!
Le déclin américain, qui se déroule sous nos yeux surpris, ne signifie pas, dans l'immédiat, un pouvoir accru - par exemple - pour l'ONU ou pour l'Union européenne. Et en attendant que la montée en puissance de la Chine parvienne à sa pleine maturité sur les plans diplomatique et militaire (ce qui n'est pas forcément souhaitable, mais pourrait arriver plus vite qu'on le pense...), la perte d'influence des États-Unis se fait au profit d'un certain chaos, et de la liberté d'action de plusieurs acteurs nationaux, petits et moyens - pas forcément les plus sympathiques.
La catastrophique et débilitante expédition d'Irak - dont l'échec israélien au Liban est un écho à petite échelle - nous montre que, dans ce monde de 2006, l'application de la force brute peut donner des résultats complètement opposés à ceux qu'on escomptait. L'actuel triomphe du Hezbollah au Liban en est une illustration éclatante.
L'arrogance goguenarde d'acteurs comme l'Iran et le Venezuela - noyau de cette «internationale anti-américaine» qui émerge - est poussée vers de nouveaux sommets, au fur et à mesure que Washington s'enlise en Irak, que de nouvelles équipées militaires paraissent impossibles, que le public américain s'oriente vers le repli nationaliste, que monte le prix du pétrole (nourriture des démagogues avides de pouvoir), que l'Europe s'éloigne poliment... et que la Chine, toujours elle, continue de monter, inquiétante force tranquille.
C'est un monde où l'on ne peut même pas se mettre d'accord sur le diagnostic d'un problème. Par exemple, sur la tragédie du Darfour, où les «vilains» du pouvoir soudanais arrivent à tenir à distance toute l'Afrique noire et l'ensemble du monde occidental, grâce à l'appui des Russes, des Chinois et du monde arabe. Ou encore, sur la lancinante question nucléaire iranienne...
Personne ne sait exactement que faire devant les ayatollahs. Parce que personne ne sait, non plus, ce que ces derniers ont vraiment dans la tête. Il y a ceux - par exemple les Israéliens - pour qui le mot «Iran» évoque automatiquement «Hitler» et «l'apocalypse»... Et d'autres, qui veulent faire le pari, pas forcément déraisonnable, que l'Iran sera à la fin un acteur rationnel des relations internationales, qu'il est donc possible de négocier avec Téhéran, voire même de trouver un équilibre avec un Iran nucléarisé... comme on l'a fait historiquement avec l'ancienne Union soviétique.
Diagnostics divergents, impuissance dans l'action... Commençant la retraite, les États-Unis reculent sur l'application immédiate de sanctions; ils semblent maintenant accepter que le «gel» des activités nucléaires par Téhéran ne soit ni total ni immédiat. Et ces derniers jours, la France a pour sa part commencé à revoir l'opportunité même des sanctions, pour revenir à l'idée de négociations incontournables avec Téhéran.
Au Venezuela, dopé par les revenus du pétrole, un apprenti dictateur, qui a pourtant été élu, et qui a déclaré vouloir soumettre à un référendum sa future «présidence à vie», colle désormais sa politique internationale sur celle des ayatollahs.
À son homologue iranien en visite, Hugo Chavez a dit: «Nous souhaitons la bienvenue au leader d'un peuple héroïque et d'une révolution soeur de la révolution vénézuélienne, la révolution islamique.» Chavez pour qui l'intégrisme religieux semble parfaitement compatible avec une révolution néo-castriste alimentée par le pétrole! Et dans la foulée, Ahmadinejad lui a répondu: «Je salue tous les révolutionnaires qui sont contre l'hégémonie mondiale, et je suis sûr que nos peuples seront victorieux.»
D'une certaine façon, cette lutte contre l'hégémonie est déjà victorieuse. Doit-on s'en réjouir? Et doit-on abandonner l'espoir que ce «nouveau monde» chaotique retrouve vite le sens de la négociation vraie? Non, car le pire n'est jamais certain.
François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.
francobrousso@hotmail.com

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