Les femmes musulmanes ont été plus réservées dans leur recours aux mots-clics #MeToo et #MoiAussi pour dénoncer les violences sexuelles dont elles sont l’objet.
Mais quand la petite Zainab Ansari, une Pakistanaise de sept ans, a été violée et assassinée, le 4 janvier dernier, de nombreuses langues se sont déliées dans le sous-continent indien.
Elles ont brisé le silence sur ce tabou odieux d’agressions sexuelles qu’elles taisent, sous les pressions sociales, par peur d’intimidation, de rejet, ou de représailles.
Même la Kaaba ne les protège pas
L’une d’elles, Sabica Khan, a eu le courage de livrer son récit sur Facebook, le 2 février dernier. Elle y a relaté le traumatisme qu’elle a subi à la Kaaba, le lieu le plus sacré de l’islam, lors de son pèlerinage.
Le hajj (pèlerinage) est l’une des cinq obligations de l’islam. Chaque année, quelque deux millions de pèlerins convergent vers La Mecque, dont 46 % de femmes.
Sabica ne se doutait pas de la déferlante qui allait s’en suivre sur les médias sociaux. De nombreuses femmes qui, comme elle, avaient été victimes de harcèlement sexuel dans ce haut lieu de l’islam avaient décidé de briser le silence et de témoigner de leurs traumatismes.
Mais comme on pouvait s’y attendre, en cette ère d’islamophobie ambiante, une autre vague a suivi, celle de la haine à l’égard de Sabica qui fut accusée de « salir l’islam ». Les pressions ont fini par avoir raison de son compte Facebook.
The Indian Express de New Delhi a relaté son histoire en citant de larges extraits de son témoignage, dans son édition du 11 février dernier.
C’est lors du rituel du Tawaf (circumambulation où les pèlerins tournent sept fois autour de la Kaaba, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre) que Sabica a été saisie par en arrière et s’est fait tripoter violemment les fesses, à répétition.
Incrédule, elle ne pouvait se résoudre à croire qu’on l’agresserait sexuellement dans le sanctuaire le plus sacré de l’islam, en plein cœur de Masjid Al-Haram qui abrite la Kaaba (la plus grande mosquée au monde). Elle dira qu’elle a été « littéralement pétrifiée » et « terriblement violée ».
#Mosquemetoo
Mais la fermeture de la page Facebook de Sabica n’éteindra pas le feu pour autant. Le 5 février, c’est la journaliste et féministe égypto-américaine Mona Eltahawy qui relancera le débat, sur son compte Twitter, rappelant sa propre expérience d’attouchement sexuel à La Mecque, en 1982, alors qu’elle avait 15 ans.
Du même coup, elle lancera un nouveau mot-clic #MosqueMeToo (#mosquée moi aussi) qui deviendra viral et se partagera des milliers de fois, en quelques heures, dans plusieurs langues.
Des victimes s’en emparent pour confirmer que La Mecque est loin d’être le lieu le plus sûr pour les musulmanes. Une Indonésienne a même avoué qu’elle n’a « jamais été autant harcelée que dans la ville sainte ».
Il n’en fallait pas plus pour que le mot-clic #MosqueMeToo génère son lot de haine et de dénigrements. En l’absence de repères démocratiques et de véritable liberté d’expression, bien des musulmans se réfugient dans le déni et la victimisation.
C’est ainsi que l’auteure du mot-clic #MosqueMeToo a été vilipendée et même accusée de « vouloir détruire l’islam » et d’être « trop laide pour avoir été agressée. » Comme quoi le risque est grand quand on se hasarde à dénoncer les abus des musulmans.
En cette journée de la Saint-Valentin, mes pensées vont à ces femmes musulmanes qui font fi des menaces et des calomnies et qui se tiennent debout sur leurs principes et leurs convictions.