Hugo Meunier
Patrick Lagacé
Laura-Julie Perreault - Une trentaine de Sud-Américains ont débarqué un beau jour à Saint-Marc-du-Lac-Long pour venir travailler à la mine d'ardoise. Il n'a pas fallu une semaine pour que des liens commencent à se tisser avec les gens du village. À Chicoutimi, la mosquée se fond dans le décor. Et il n'est pas venu à l'idée de ces nouveaux «Bleuets» musulmans d'exiger des «accommodements raisonnables». Les immigrés qui s'installent en région sont encore rares. Mais il en est assez pour démontrer que l'envers d'Hérouxville existe aussi.
Moins ils sont en contact avec des immigrés, plus les Québécois sont méfiants. Voici ce qui ressort d'une tournée dans plusieurs villes et villages du Saguenay et du Bas-Saint-Laurent.
Comme à Hérouxville, les villes les plus fermées face aux accommodements raisonnables n'abritent à peu près aucun immigré. Un enfant cambodgien, chinois ou haïtien adopté, tout au plus.
Avec ses 18 000 âmes, Rivière-du-Loup est un centre urbain au coeur du Bas-Saint-Laurent. Pour les propriétaires de la brasserie La Fontaine, les immigrés qui voudraient poser leurs valises dans le coin n'ont qu'à bien se tenir. «Ils faut qu'ils soient au courant de nos réalités avant d'arriver. Quand tu entres au pays, il y a un contrat, signe-le», explique Guy Francoeur.
Chez les élus, les avis sont partagés. Plusieurs maires de la MRC de Rivière-du-Loup étaient réunis à Cacouna, le village natal de Mario Dumont, pour souligner l'arrivée au port du premier bateau de l'année. Tous avaient leur mot à dire sur Hérouxville. «Les gens des campagnes sont tissés serré. Tout le monde se connaît. S'il vient quelqu'un qui veut imposer quelque chose, ça ne marchera pas», souligne Jean-Pierre Gratton, maire de Saint-Épiphane, un village de 916 habitants.
Le maire de Saint-Hubert est quant à lui entièrement d'accord avec l'initiative d'Hérouxville. «Ça fait tellement longtemps qu'on courbe l'échine, il est temps de s'affirmer», tranche Napoléon Lévesque.
Même si Mario Dumont est le seul chef à vouloir encadrer les accommodements raisonnables. La plupart des élus ne croient pas que ça lui permettra d'arracher des votes supplémentaires aux élections. Du moins, pas dans le coin. «Il n'y a pratiquement pas d'immigrés ici. Ça ne nous concerne pas vraiment», résume Napoléon Lévesque.
Au Saguenay
Des accommodements raisonnables, il n'y en a pas au Saguenay, pour la bonne raison qu'il n'y a pas beaucoup d'immigrés. N'empêche, les Saguenéens ont une opinion sur la question, opinion résumée par Philippe Migneault, forestier de 60 ans au chômage, au resto Gour-Mets de Saint-David-de-Falardeau, en «banlieue» nord de Chicoutimi : «Je suis pas contre les immigrants, mais qu'ils s'adaptent. Si je vais en Iran, moi, Monsieur, qu'est-ce que je vais faire? Je vais m'adapter à eux!»
À Saint-Ambroise, l'épicier Marc Pilote évoque la «mollesse» des Québécois. «On ne tient pas à nos racines. Eux, oui. Mais nous, on est trop doux, trop mous.» M. Pilote se demande «ça finit où», ces histoires d'accommodements. «Regardez l'histoire des vitres givrées au YMCA!»
Gouffre
Pour les analystes, il existe un clivage entre la ville et la campagne. «Hérouxville nous démontre qu'il y a un gouffre. Les gens ont surtout peur du multiculturalisme quand ils le voient de loin et que ça ne les touche pas», explique Daniel Weinstock, professeur au département de philosophie à l'Université de Montréal.
Dans plusieurs villes et villages, le seul contact avec l'immigration se fait par l'intermédiaire du petit écran. «Et en général, les médias parlent de l'immigration surtout quand il y a une crise», note Rivka Augenfeld, ancienne président de la Table de concertation des organismes travaillant auprès des personnes immigrantes et réfugiées. «À Montréal, les gens se côtoient, travaillent ensemble et ça fait toute la différence», ajoute Mme Augenfeld.
IMMIGRÉS EN RÉGION
Les immigrés se font toujours rares en région. En 2005, 120 nouveaux arrivants ont décidé de s'installer dans le Bas-Saint-Laurent. La plupart viennent d'Amérique du Sud. La moitié d'entre eux devraient rester pour de bon. Toutefois, 90 % des 40 000 immigrants qui arrivent au Québec chaque année s'installent dans la région métropolitaine.
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