Guillaume LAVALLEE
_ Agence France-Presse
MONTRÉAL
Un film bilingue sur les péripéties de deux policiers, l'un québécois l'autre canadien anglais, forcés de coopérer en dépit de leurs différences apparentes, fait le plein des salles et cherche à rapprocher les "deux solitudes" du Canada.
Dans une oeuvre dont la facture esthétique le rapproche des grands studios hollywoodiens, le film "Bon cop bad cop" du cinéaste Erik Canuel se joue des sempiternelles querelles entre Québécois et Canadiens anglais.
Un cadavre découvert à la frontière du Québec et de l'Ontario, deux principales provinces et foyer de tension linguistique, oblige deux policiers à enquêter sur les traces d'un homme dont le fou dessein est de liquider les dirigeants du championnat de hockey sur glace qui ont vendu le sport national, et rare vecteur d'unité au Canada, au voisin américain.
Dans ce jeu de miroir, le policier québécois joue la cigale de La Fontaine, débordant de joie de vivre, désordonné, aux antipodes de son collègue ontarien, un tantinet coincé, organisé, respectueux de la lettre de la loi.
"Ce sont des caricatures, des icônes pour que les gens se reconnaissent et qu'ils se rendent compte à quel point les différences peuvent s'apprivoiser", explique à l'AFP, le cinéaste Erik Canuel dont le but, avec son comédien fétiche Patrick Huard, n'était pas de faire un film politique mais une satire bilingue.
"Il va falloir qu'on apprenne à se parler, à se comprendre, à se respecter et à travailler ensemble parce que culturellement, politiquement, économiquement, c'est le sud qu'il faut regarder parce que ce sont les Etats-Unis qui vont nous absorber", poursuit le réalisateur.
"Qu'on soit une nation ou deux nations, il faut que l'on se parle. Il faut arriver à se comprendre. Arrêtez d'avoir peur que l'on se sépare ça ne changera rien pour vous", lance-t-il au Canada anglais.
Depuis sa sortie dans les salles de la province francophone début août, le film a fait exploser le box-office, laminant les "blockbusters" américains avec des recettes de 6 millions de dollars (4 millions d'euros) en trois semaines, la meilleure performance de l'histoire du cinéma québécois sur cet intervalle.
La critique francophone a de façon générale salué l'idée originale d'un film entièrement bilingue se moquant du dialogue de sourd des "deux solitudes" canadiennes, mais s'est déchirée sur la mouture finale.
"Les traits distinctifs de chacun sont réduits à quelques clichés populaires qui, loin d'être enracinés dans le biculturalisme canadien, ne font qu'exploiter la surface de nos différences", noircit le journal Le Devoir.
Paradoxe sans doute canadien, "Bon cop bad cop" a été encensé par la critique de la métropole anglophone Toronto, mais n'a pas réussi à cartonner comme au Québec, accumulant 350.000 dollars à son premier week-end, loin derrière les superproductions américaines.
"C'est un plaisir de voir un film canadien qui touche le public avec une telle affection, un film entier, agréable pour l'audience, destiné à un public plutôt qu'à un comité d'experts artistiques", note The Globe and Mail, ironisant sur le cinéma canadien, souvent jugé froid et intellectuel.
"Peut-être y a-t-il là une sorte de morale. Les relations entre le Québec et le reste du pays seraient moins tendues si, de temps en temps, de part et d'autre, nous nous prenions moins au sérieux. Et si nous admettions que tous les torts ne se trouvent pas d'un seul côté de la frontière Québec-Ontario", conclut La Presse qui consacre un éditorial aux répercussions du film.
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