Un État laïc peut-il intégrer l'islam?

Toute limitation d’un droit a pour finalité de préserver la laïcité

Tribune libre

Le mot « laïcité » colporte beaucoup de confusions. Pour certains « laïcité » s’oppose à tous groupes, signes, rituels ou croyances religieuses. Pour d’autres « laïcité » veut dire égalité entre les femmes et les hommes. La « laïcité » signifie la séparation des pouvoirs politiques et religieux. La « laïcité » renvoie à la neutralité de l’État, des collectivités locales et des services publics par rapport à des communautarismes. En soi, la société laïque n’est ni athée, agnostique ou antireligieuse. L’État qui se définit de droit laïc (par rapport à de grands principes universels : Marius Morin) a pour mission de reconnaître et respecter l’égalité des droits fondamentaux de la personne humaine, (en référence à la Charte universelle des droits de l’Homme et non en référence à un texte considéré divin ou sacré), mais toujours dans les limites du bien commun de la société civile. La cohésion sociale et la paix ne peuvent être garanties que si le bien commun de tous prime sur les intérêts individuels de citoyens ou de groupes politiques, culturels, sociaux ou religieux. Il n’est pas facile d’affirmer la laïcité sans poser des limites aux droits de certains individus ou groupes communautaristes, quand ils s’opposent ouvertement aux droits communs de la communauté civile.
Avec l’arrivée du siècle des Lumières, on a cru, avec la suprématie de la raison et de la volonté, pouvoir éliminer les croyances mythiques et religieuses, et c’est l’inverse qui s’est produit. Cependant le fruit de la contribution des Lumières fut de promouvoir le droit à la liberté de conscience et l’égalité des droits de tous les citoyens dans la république. Les Lumières ont pavé le chemin à la modernité issue des révolutions américaine et française.
Aujourd’hui le défi est de taille. Comment alors faire vivre une laïcité ouverte au phénomène religieux dans les états laïcs? En Occident, jusqu’au Concile Vatican II (1960-1965), le monde devait s’adapter à l’Église catholique. Et avec le document conciliaire (Gaudium et Spes : l’Église dans le monde de ce temps), il s’est produit un renversement de l’ordre des choses face à la modernité: ce n’est plus le monde qui doit s’adapter à l’Église, mais c’est l’Église qui doit s’adapter au monde moderne. Ce n’est pas un hasard qu’il y ait des groupes et des individus farouchement opposés au concile Vatican II dans l’Église et qu’ils ne reconnaissent pas son enseignement officiel?
Le multiculturalisme religieux est une nouvelle trouvaille des pays occidentaux qui croient être en mesure de concilier les croyances et les religions avec la laïcité. Cette laïcité ouverte et positive provoque, cependant, toujours des réactions négatives. Depuis un demi-siècle, en Occident, on repousse et critique le christianisme. Et c’est ce que vit actuellement le Québec. Le pape Benoit XVI a mis récemment en relief ce phénomène, le 12 janvier 2010. En recevant les 178 ambassadeurs accrédités au Vatican, Benoit XVI s’est dit préoccupé de voir « se diffuser parmi les milieux politiques et culturels, ainsi que dans les médias, un sentiment de peu de considération et parfois d'hostilité, pour ne pas dire de mépris, envers la religion, en particulier la religion chrétienne. Il est donc «urgent» notamment en ¬Europe de définir une laïcité positive, ouverte, qui, fondée sur une juste autonomie de l'ordre temporel et de l'ordre spirituel, favorise une saine collaboration. » Jean-Marie Guénois­. Est-ce un vœu pieux ou un réel défi réalisable? Tout en se voulant une société laïque, le Québec peut-il se dégagé totalement et définitivement de sa culture chrétienne dominante. Comme la nature a horreur du vide, il y a toujours le danger qu’en créant un vide, d’autres tenteront de le combler. Cheminant vers un état laïc, le Québec ne doit pas oublier son passé et le rôle qu’a joué l’Église dans l’éducation et la santé jusqu’aux années soixante. Ce fut un rôle de suppléance déterminant.
Cela dit, le Québec ne peut pas ignorer les tensions que la « laïcité » soulève au sein de sa population. Nous l’avons constaté avec le rapport Bouchard-Taylor. Cependant outre les critiques intérieures des différents groupes au Québec, il existe une autre menace beaucoup plus insidieuse et puissante. De nos jours, le Québec, l’Occident et une partie de l’Asie sont confrontés à l’islamisation de la planète. Depuis que l’Église catholique a décidé de faire siennes les souffrances et les préoccupations du monde moderne, l’islam demeure le seul bastion opposé officiellement à la modernité et à la mondialisation. Dans les sociétés d’accueil occidentales, on a fait de nombreux efforts pour accommoder et intégrer l’islam et jusqu’à aujourd’hui ce fut un échec, à quelques exceptions près. Pourquoi? Abul Kasem­ nous explique les raisons : « L’islam est une religion suprématiste qui cherche à imposer sa domination sur les infidèles de la planète. […] Le projet islamique suprématiste exploite la naïveté des occidentaux pour progresser. »
Il y a quelques années, le pape Benoit XVI a rappelé au monde entier à Ratisbonne, le 12 septembre 2006, l’importance de condamner toute forme de violence reliée à quelconque religion, y compris l’islam. Ce fut la plus importante déclaration papale sur un problème d'envergure mondiale depuis le concile Vatican II. Or, plusieurs instances religieuses et politiques lui ont reproché (moi le premier) d’avoir indisposé le monde musulman. Mais avec une grande sagesse, il a su démontrer comment le monde est menacé par la foi (religieuse) détachée de la raison qui est prête à tuer au nom de dieu et par la raison ignorante de la foi qui nie la transcendance et le sens ultime de la vie humaine.
Des réactions ne se sont pas fait attendre. Le 13 octobre 2007, 138 représentants musulmans ont réagi et ont fait parvenir au pape Benoit XVI une lettre intitulée, « Une parole commune entre vous et nous », lui demandant de poursuivre le dialogue autour des deux grands commandements de l’amour de Dieu et du prochain. Cette lettre a contrarié quelque peu le pape qui avait auparavant cerné le nœud du problème dans le dialogue islamo-catholique. Parler de l’amour, oui, mais pour les catholiques comme pour les musulmans, cela ne fait pas problème. Pour le pape, il y a deux sujets d’importance capitale qui doivent être abordés dans les premiers temps d’un possible dialogue : 1) La liberté religieuse, comprise comme un droit humain, peut être connue par la raison et elle implique le droit de changer de religion, et 2) La séparation des pouvoirs religieux et politiques dans une société proprement gouvernée. Voilà les deux questions que le Pape Benoît XVI met au centre du dialogue islamo-catholique à ce moment particulièrement mouvementé de l'histoire.
Ma question est la suivante. Les musulmans sauront-ils trouver dans le Coran et la Sunna les justifications islamiques suffisantes pour engager un véritable dialogue, acceptant le droit à la liberté religieuse et à la société civile laïque? Le pluralisme est-il conciliable avec la mentalité islamique? Il semble que l’intégration ne soit pas possible, mais qu’une vie sociale en parallèle le soit. Nous avons l’exemple de l’Indonésie, Les lois indonésiennes, le plus grand pays musulman au monde, où trois législations se côtoient, et parfois contradictoires : le droit national, le droit coutumier et le droit religieux. Nous avons aussi quelque chose de semblable avec les droits des minorités en Serbie présentement. Concrètement parlant cela veut dire que « quand on est un musulman croyant on ne peut pas être laïc. Et si un musulman affirme qu’il est laïc, il n’est plus musulman » selon l’ancien roi Hassan II du Maroc. C’est ce qui est arrivé au Shah d’Iran, dit-il, lorsque la marmite iranienne a sauté, le 16 janvier 1979.
Tous les citoyens québécois, (en excluant les invités et les touristes), peu importe leurs croyances religieuses, sont appelés à se ranger derrière la Charte universelle des droits de l’Homme et sous aucun prétexte derrière des traditions ou des écrits sacrés immuables. Ce n’est pas demain la veille que nous verrons un tel miracle! Beaucoup d’encre et de sang couleront avant que cela se réalise. Suis-je trop pessimiste, peut-être? Pour moi, la laïcité est le seul cadre social qui permette le vivre ensemble et de construire un avenir et un devenir pour tous, dans la paix, dans la fraternité et dans la liberté. Toute limitation d’un droit dans la législation a pour finalité de préserver les impératifs de la laïcité dans l’espace public. Les Québécois sont en mesure d’attendre de leurs dirigeants un large débat, ouvert et démocratique sur la neutralité de l’État et une législation claire, avant qu’il ne soit trop tard.
Marius MORIN
mariusmorin@sympatico.ca

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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    29 janvier 2010

    Vous avez bien raison de vous posez la question,
    Pour ma part je suis certain que non - Que cet État soit laique ou non. La raison en est la doctrine coranique elle-meme et aussi l`Histoire, qui prouve que cette doctrine a été rejetée avec violence par 3 fois en Europe.
    Il faut se demander pourquoi les Vikings a la recherche de terres pour leur familles et qui ont débarqués de force en Normandie et obtenus du roi de France la Normandie comme territoire ont été christianisés, ont toujours été loyaux et a la longue ont fusionné pour devenir Francais.
    En comparaison - les Arabes qui ont débarqués de force en Espagne vers 800 ont essayé d`islamisé l`Espagne. Ceux qui sont resté apres la reconquista de 1492 n`ont jamais été loyaux et n`ont jamais voulu s`intégrer ou se fusionner (puisque la doctrine coranique l`interdit)et apres plus de 100 ans de tentatives diverses, la couronne espagnole ordonne leur déportation en Afrique du Nord au début du 17 eme siecle.
    L`État laic ou non ne changera rien a l`expansion ou au choc violent de la doctrine coranique avec les moeurs, préceptes et mentalités chrétiennes simplement parceque ce qui est vu comme bon pour un chrétien est souvent vu comme mauvais par le musulman. Le Coran est dit immuable par les musulmans et il n`a jamais changé. Ceux qui s`y sont essayé l`on souvent payé de leur vie. Malheureusement les pays européens ont commis une grave erreur qui risque de couter cher a leurs enfants, et le meme processus est en marche en Amérique.
    Toute cette question revient finalement a une question de foi et de religion.