À la veille de Noël 2004, Bernard Landry croyait avoir la situation bien en main. Le vote de confiance auquel il allait devoir se soumettre six mois plus tard semblait dans la poche.
Au cours de l'automne, il avait eu recours aussi bien au bâton qu'à la carotte pour défendre son poste. Parce qu'elle réclamait une course au leadership, il avait démis la fidèle alliée de Pauline Marois, Nicole Léger, de ses fonctions de whip adjointe. Inversement, il avait donné du galon à François Legault, dont les ambitions crevaient pourtant les yeux.
Le couple Landry avait même planifié des vacances dans une chic station balnéaire de la République dominicaine avec Gilles Duceppe et son épouse. Il se sentait rassuré de ce côté: le chef du Bloc québécois ne lui jouerait pas de vilain tour.
Le chef péquiste croyait également avoir amadoué les «purs et durs» de son parti en se laissant enfermer dans un échéancier référendaire plus contraignant qu'aucun de ses prédécesseurs ne l'avait fait. Et pourtant...
Personne ne sait exactement ce qui s'est passé au congrès de juin 2005, qui s'est conclu par le départ dramatique de M. Landry, mais il se passe actuellement au PQ certaines choses qui ne sont pas sans rappeler le climat de l'époque. La possibilité d'un nouveau dérapage au congrès d'avril prochain ne peut pas être exclue.
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Mme Marois prétend que la «proposition principale» a été adoptée au conseil national de juin dernier tenu au mont Saint-Anne. En réalité, il n'y a pas eu le moindre débat, encore moins de vote. Le texte n'avait même pas été distribué aux délégués. Les journalistes avaient dû le consulter en cachette.
Le moins qu'on puisse dire est que la nouvelle version de l'article 1, qui définit la «gouvernance souverainiste», en attendant le «moment jugé approprié» pour la tenue d'un référendum, ne fait pas l'unanimité, mais il est tout aussi manifeste que la chef du PQ n'entend pas le modifier. Au cours des prochaines semaines, tout sera mis en oeuvre pour faire battre les propositions d'amendement qui seront présentées dans les différentes instances du parti.
La plus contraignante est certainement celle qui a été adoptée par l'association de Crémazie, à l'instigation de Lisette Lapointe. Elle prévoit notamment la création d'une «Commission de préparation à la réalisation de la souveraineté», qui serait composée, pour moitié, de députés et, pour l'autre moitié, de membres choisis par le Conseil national. Cette Commission devrait faire périodiquement rapport de l'avancement de ses travaux au Conseil national et à la Conférence des président(e)s.
On peut comprendre les réticences de Mme Marois, qui ne veut pas perdre le contrôle sur le processus d'accès à la souveraineté, mais cette proposition traduit le profond scepticisme que suscite sa «gouvernance souverainiste», qui ne préparerait en rien la tenue d'un référendum.
D'autres propositions visent à mettre de la chair autour de l'os. Laurier-Dorion réclame la convocation d'une assemblée constituante qui rédigerait la Constitution d'un Québec indépendant avant même la tenue d'un référendum. Outremont veut de nouvelles études sur les changements qu'impliquerait la souveraineté, de même que l'ouverture d'une École nationale de formation sur le projet de pays, etc.
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En mobilisant les apparatchiks du parti, Mme Marois a sans doute les moyens de faire battre ces propositions, que ce soit dans les congrès régionaux ou ultimement sur le plancher du congrès d'avril. Ceux qui oseront contester son autorité savent aussi qu'ils le feront à leurs risques et périls.
Le danger est que tout cela vienne polluer le vote de confiance auquel elle devra également se soumettre. La chef du PQ est bien placée pour mesurer ce risque. Au congrès de 2005, elle avait elle-même sonné la charge contre les partisans de la stratégie dite des «gestes de rupture» inspirée par le directeur de l'Action nationale, Robert Laplante.
Il est permis de croire que certains délégués, furieux de la tournure du débat, avaient exprimé leur mécontentement en retirant leur confiance à Bernard Landry. Il avait suffi de quelques dizaines de votes pour le déstabiliser. Mme Marois n'est pas à l'abri d'une semblable déconvenue.
En 2005, Jacques Parizeau n'avait pas réclamé ouvertement le départ de M. Landry, mais il avait donné sa bénédiction à la stratégie des «gestes de rupture». Personne ne doute que la proposition présentée par son épouse reflète son peu d'enthousiasme pour la «gouvernance souverainiste». Bon nombre de militants de sa génération estiment ne plus pouvoir s'offrir le luxe d'être patients.
Gilles Duceppe, que M. Parizeau a couvert d'éloges, ne cherche peut-être pas à renverser Mme Marois, mais cela ne signifie pas qu'il ne serait pas disponible au cas où. Des élections fédérales hâtives pourraient bien le libérer de son obligation morale de diriger les troupes bloquistes une dernière fois.
La victoire dans Kamouraska-Témiscouata a visiblement soulagé Mme Marois, mais la victoire encore plus étonnante d'Elsie Lefebvre dans Laurier-Dorion en septembre 2004 n'avait pas été d'une grande utilité pour M. Landry.
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mdavid@ledevoir.com
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