Le président des États-Unis Donald Trump, qui estime avoir atteint son objectif de « vaincre » le groupe État islamique (EI) en Syrie, envisage désormais un retrait complet des troupes américaines stationnées dans ce pays.
« C'est un retrait total », qui interviendra « aussi rapidement que possible », a indiqué mercredi à l'AFP un responsable américain sous couvert d'anonymat, précisant que la décision avait été prise mardi.
Quelque 2000 soldats américains sont actuellement déployés dans le nord de la Syrie, essentiellement des forces spéciales présentes pour combattre l'EI et entraîner les forces locales dans les zones reprises aux djihadistes.
« Nous avons vaincu le groupe État islamique en Syrie, la seule raison pour moi pour laquelle nous étions présents pendant la présidence Trump », a tweeté le président américain, tandis que la Maison-Blanche comme le Pentagone restaient très évasifs sur le calendrier.
Nombre d'observateurs mettent régulièrement en garde contre un retrait américain précipité qui laisserait la voie libre en Syrie aux alliés du régime de Bachar al-Assad, à savoir la Russie, grande rivale des États-Unis, et l'Iran, véritable bête noire de l'administration Trump.
Cette annonce, qui intervient à un moment où les tensions entre Ankara et Washington sont vives, pourrait par ailleurs placer la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) dans une situation très délicate.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est dit lundi déterminé à « se débarrasser » de ces milices dans le nord de la Syrie si leur parrain américain ne les contraignait pas à s'en retirer.
Washington appuie les YPG contre les djihadistes du groupe EI, mais Ankara considère cette milice comme une organisation « terroriste » liée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui livre une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984.
« Ramener les troupes à la maison »
Donald Trump, élu sur le slogan « l'Amérique d'abord », a, à plusieurs reprises, exprimé le souhait de « ramener les troupes à la maison ».
Ses arguments, maintes fois avancés sur les estrades de campagne ? L'engagement des États-Unis au Moyen-Orient coûte des milliards de dollars, qui seraient mieux dépensés au profit du contribuable américain, et il faut laisser « d'autres », notamment les pays arabes du Golfe, faire le travail sur place.
Mais plusieurs membres de son administration ont exprimé leurs différences sur ce dossier sensible.
Au printemps, lorsque le sujet avait été remis sur la table, un compromis pour confirmer le statu quo sans heurter la susceptibilité du magnat de l'immobilier avait été trouvé : l'administration avait affirmé que le retrait restait l'objectif, mais aucun calendrier n'avait été fixé.
La semaine dernière encore, l'émissaire des États-Unis pour la coalition internationale antidjihadistes, Brett McGurk, assurait que les Américains avaient vocation à rester encore pendant un bon moment en Syrie.
« Même si la fin du califat en tant que territoire est maintenant clairement à portée de main, la fin de l'EI prendra beaucoup plus longtemps », avait-il dit devant la presse à Washington, car « il y a des cellules clandestines » et « personne n'est naïf au point de dire qu'elles vont disparaître » du jour au lendemain.
« Personne ne déclare mission accomplie », avait-il insisté. « Nous avons bien entendu appris beaucoup de leçons dans le passé, donc nous savons qu'une fois que les territoires sont libérés, on ne peut pas simplement plier bagage et partir ».
« Peu de réponses »
A plusieurs reprises, le ministre américain de la Défense Jim Mattis a lui aussi mis en garde contre un départ précipité de la Syrie, évoquant le risque de « laisser un vide qui puisse être exploité par le régime d'Assad ou ses soutiens ».
Le sénateur républicain Lindsey Graham a immédiatement exprimé ses réserves mercredi, estimant sur Twitter que « le retrait de cette petite force américaine en Syrie serait une énorme erreur, façon Obama ». « Le groupe EI n'est pas vaincu en Syrie, en Irak, et certainement pas en Afghanistan, où je viens d'effectuer une visite », a-t-il martelé.
« Retirer nos troupes de Syrie ne constitue pas une stratégie pour le Moyen-Orient », a de son côté estimé Wendy Sherman, qui fut la principale négociatrice américaine de l'accord sur le nucléaire iranien, dont Donald Trump s'est retiré.
« Il y a eu des progrès sur l'EI, mais la Russie reste à la manoeuvre, Israël est toujours en danger et Assad, dirigeant cruel, est conforté. Pas de véritable stratégie sur l'Iran [...] Beaucoup de questions. Peu de réponses ».