Donald Trump a ses émules, y compris au Canada. La candidate à la direction du Parti conservateur Kellie Leitch ne s’en cache pas et voit dans la victoire du républicain « un message stimulant », celui qu’elle-même « porte avec [sa] campagne pour devenir le prochain premier ministre du Canada ». Mais de quel message se réclame-t-elle ? Celui xénophobe, sexiste, anti-élite, anti-libre-échange ? Mme Leitch rejette toutes ces étiquettes, mais joue carrément avec le feu.
Que Kellie Leitch se trouve des atomes crochus avec le président américain désigné Donald Trump surprend peu. Méconnue, la députée est sortie de l’ombre à la fin août en proposant d’imposer un test aux immigrants, réfugiés et visiteurs, afin de vérifier leur adhésion ou non à des « valeurs anticanadiennes ». On y a aussitôt vu un reflet de la politique de M. Trump.
Sur le coup, Mme Leitch a jugé la comparaison « injuste ». Ses scrupules se sont visiblement estompés. Mercredi matin, elle écrivait à ses supporteurs pour vanter le message du républicain. Le soir même, lors du premier débat entre les 12 candidats à la direction du PC, elle disait avoir des intérêts communs avec Donald Trump, ne citant cependant que ce fameux test des valeurs.
Comme M. Trump, elle se plaint maintenant des élites pendant qu’en coulisses, des avocats très en vue de Bay Street organisent pour elle un événement de financement dont le prix d’entrée est de 500 $ par personne. Mme Leitch aime aussi jouer le rôle de la victime d’accusations injustes. En entrevue à CTV dimanche, elle disait ne pas être raciste, comme l’aurait laissé entendre, disait-elle, son collègue et adversaire Michael Chong. Ce dernier n’avait rien dit de tel, mais seulement exprimé son désaccord avec les tactiques de M. Trump et leur importation au Canada.
Qu’elle le veuille ou non, en faisant de ce fameux test la pièce maîtresse de son programme, Kellie Leitch entretient la méfiance envers les nouveaux Canadiens et légitime l’expression de préjugés. Le candidat et député Deepak Obhrai y a goûté après s’être opposé au test des valeurs. Il a reçu des messages lui disant de retourner dans son pays d’origine, la Tanzanie, qu’il a quitté il y a 39 ans.
Si Mme Leitch persiste et signe, c’est qu’elle croit avoir trouvé un filon. Cet été, le Toronto Star dévoilait un sondage commandé par le gouvernement de l’Ontario et la Ville de Toronto. Selon cette enquête, environ 53 % des Ontariens pensent que le Canada ne devrait accepter que des immigrants de pays ayant les mêmes valeurs que les Canadiens et 75 % disent que les valeurs des musulmans sont différentes.
La proposition de Mme Leitch ne cherche pas à désamorcer ces sentiments, mais à les exploiter au maximum. Elle ne propose aucune véritable solution aux tensions pouvant surgir autour des enjeux d’immigration. Ce n’est d’ailleurs pas son but. Kellie Leitch n’a qu’un objectif, gagner, et elle est prête à tout pour y arriver. Tant pis pour les pots cassés, tant mieux pour la caisse électorale et les appuis au sein du parti. Elle a actuellement le trésor de guerre le mieux garni et, selon le dernier sondage Mainstreet-Postmedia, elle mène parmi les partisans conservateurs.
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