CHRONIQUES DE BERNARD DESGAGNÉ

Tragédie du vol MH 17: Qui sont vraiment les principaux suspects?

Le jeu puant de Radio-Canada


Dimanche, à Radio-Canada, dans un reportage qui relève davantage de la propagande de guerre que du journalisme, Jean-François Bélanger nous annonçait que le lieu de l’écrasement du vol MH 17 de la Malaysia Airlines était «la plus grande scène de crime au monde, gardée par les principaux suspects». Aux yeux de M. Bélanger et ses patrons, les principaux suspects sont les «séparatistes prorusses». Pourquoi? Parce Barak Obama et ses amis du gouvernement de Kiev le disent. Pas besoin d’enquête; l’affaire était déjà réglée le lendemain de l’écrasement. 


Peu importe que Washington et ses marionnettes aient de sérieux antécédents au rayon des attentats contre les avions civils. Peu importe qu’ils aient le mobile et l’arme du crime. Peu importe qu’ils brandissent des gazouillis effacés ou des enregistrements audios invérifiables en guise de preuves. Peu importe que les néonazis au pouvoir à Kiev continuent de massacrer hommes, femmes et enfants dans l’Est de l’Ukraine comme à Odessa et au Maïdan, où ils tiraient sur les manifestants et les policiers. Peu importe que Kiev ne respecte pas le cessez-le-feu pour permettre aux enquêteurs de faire leur travail. Peu importe, Washington et ses protégés ne peuvent être sérieusement incriminés, car ce sont les bons dans le scénario écrit par Radio-Canada.

L’USS Vincennes en train de tirer un missile lors d’un exercice

Le 3 juillet 1988, le capitaine du navire de la marine des États-Unis USS Vincennes, William Rogers, ordonne de sang-froid qu’on abatte un Airbus 300 de l’aviation civile iranienne au-dessus du détroit d’Ormuz. Il tue ainsi les 290 passagers et membres d’équipage. 

L’enquête révèle que, contrairement au pilote soviétique ayant abattu le vol 007 de Korean Air Lines au-dessus de l’URSS, le capitaine Rogers, qui était connu pour son comportement agressif, avait les moyens de savoir qu’il s’agissait d’un avion de ligne. Washington n’a présenté aucune excuse au gouvernement iranien et n’a versé aucun dédommagement aux familles des victimes. À son retour aux États-Unis, le capitaine Rogers a été décoré de la «Légion du mérite», pour sa «conduite exceptionnellement méritoire».

En 1988, le président des États-Unis était George Bush père, dont le principal fait d’armes a été de déverser sur l’Irak (18 millions d’habitants en 1991) 88 000 tonnes de bombes. Environ 70 % des bombes auraient apparemment raté la cible. Des milliers d’Irakiens ont trouvé la mort dans l’opération «Tempête du désert».


Les manipulateurs aux commandes de notre télévision d’État comptent sur les effets amnestiques et imprégnateurs du matraquage initial: faisons oublier l’incident du golfe de Tonkin, le flacon d’anthrax de Colin Powell, les bombardements de civils faussement imputés à Mouammar Kadhafi et les innombrables autres couleuvres que la Maison-Blanche et ses colporteurs ont fait avaler au public; pointons du doigt immédiatement les coupables désignés et répétons sans cesse les mêmes affabulations de manière à engendrer, dans l’esprit de l’honnête homme, un sentiment tenace de méfiance à l’égard des chefs d’État insoumis comme Vladimir Poutine, Bachar El-Assad ou Laurent Gbagbo.

Jean-François Bélanger est envoyé par Radio-Canada en Russie pour faire la promotion au Québec des opposants politiques russes supposément persécutés comme Alexei Navalny et des brillants artistes engagés du genre de Pussy Riot, que les grands titres expédient en Sibérie. Selon Radio-Canada, il est normal que 31 chefs d’accusation soient déposés contre Mike Duffy parce qu’il ne fait plus partie des amis de Stephen Harper. Mais la justice russe, elle, devient suspecte dès qu’elle condamne un «opposant de Vladimir Poutine» et soi-disant pourfendeur de la corruption pour diffamation et pour le détournement d’un demi-million de dollars aux dépens d’une société d’État.

Dans un reportage sur le «cout de la corruption» à Sotchi, le 5 février 2014, Jean-François Bélanger faisait appel à Vladimir Ashurkov, un riche homme d’affaires et proche associé d’Alexei Navalny, pour expliquer aux téléspectateurs du Téléjournal de Radio-Canada que Vladimir Poutine et ses copains sont des dépravés. Ce morceau d’anthologie de l’œuvre de propagande radiocanadienne présente M. Ashurkov comme un interlocuteur valable puisqu’il dirige la «fondation anticorruption, un organisme indépendant de Moscou». Or, comme les images du reportage le montrent, la fondation en question est bel et bien l’organisme créé par nul autre qu’Alexei Navalny lui-même. Pour l’indépendance, il faudra repasser. Et pour l’intégrité aussi. M. Bélanger prend bien soin de taire les intérêts de M. Ashurkov à Gibraltar, un paradis fiscal. 

Encore à l’occasion des Jeux olympiques de Sotchi, un autre «opposant russe», Gary Kasparov, s’est vu offrir généreusement une tribune payée par les contribuables canadiens pour comparer Vladimir Poutine à Adolf Hitler. Radio-Canada s’est chargée elle-même d’agrémenter le propos d’effets spéciaux: croix gammées, images des Jeux de Berlin et roucoulements admiratifs de Céline Galipeau. À Radio-Canada, on sait comment orienter l’opinion publique. Après des centaines de reportages et d’entrevues de la même eau et après que les sélectionneurs d’information eurent opposé une féroce censure à leurs contradicteurs, le caractère maléfique du président de la Fédération de Russie n’est plus du domaine de l’opinion ou du débat. C’est devenu une croyance bien ancrée dans l’esprit de la plupart des Québécois, quoi qu’en disent Charles Hamelin et Marcel Aubut, qui ont visiblement subi l’influence néfaste de la «propagande russe», diraient les aficionados de la doxa d’Ottawa.

Image tirée d'une vidéo diffusée au Téléjournal de Radio-Canada, à l'occasion des Jeux olympiques de Sotchi

Le 3 février 2014, le «brillant» invité de Céline Galipeau, Gary Kasparov, se voit accorder plus de sept minutes de temps d'antenne payé par les contribuables québécois pour comparer Vladimir Poutine à Adolf Hitler. Le ministre John Baird a répété la même comparaison le 3 mars, ce qui est particulièrement odieux quand on sait que 26,6 millions de personnes sont mortes en URSS pendant la Seconde Guerre mondiale et que les alliés doivent leur victoire contre Hitler et le nazisme avant tout aux sacrifices des Russes.


Depuis l’automne 2013, Jean-François Bélanger s’intéresse particulièrement à l’Ukraine comme lieu par excellence de dénigrement du «régime de Poutine». Il sélectionne habilement les faits de manière à nous faire comprendre qui sont les méchants et qui sont les bons. Et ce conditionnement fonctionne à merveille, comme en témoignait lundi la chronique de Lise Ravary, dans le Journal de Montréal (21 juillet 2014, p. 23). À force de regarder RDI ou CNN, Mme Ravary n’en peut plus de Poutine et des méchants séparatistes qui, à ce qu’on lui raconte, pillent la scène de l’écrasement et laissent les corps pourrir au soleil. Les grosses brutes dépeintes dans les nouvelles à sensation iraient même jusqu’à brandir un animal en peluche ayant appartenu à un enfant mort dans l'écrasement comme si c'était un trophée. Quel «outrage à la dignité humaine», nous dit-elle! Pour ma part, j’y vois surtout des médias qui abusent de la confiance du public, des journalistes atteints de mimétisme obsessionnel et des reportages qui insultent l’intelligence des simples citoyens.

À en croire le récit radiocanadien, que beaucoup de Québécois gobent tout rond, les problèmes de l’Ukraine seraient essentiellement attribuables à la Russie. Les Ukrainiens se seraient révoltés contre leur fournisseur de gaz à bas prix afin de pouvoir vivre libérés dans une économie de marché tellement extraordinaire que les Grecs et les Espagnols descendent régulièrement dans la rue pour la célébrer et réclamer d’autres mesures d’austérité décrétées à Bruxelles. Les Ukrainiens rêvent aussi d’adhérer à l’OTAN afin d’augmenter les bénéfices de Lockheed Martin. Désolé de vous décevoir, chers adeptes des fantaisies médiatiques, mais ce récit ne correspond pas aux faits. Pour les découvrir, lisez l’instructive «autopsie d’un coup d’État» d’Ahmed Bensaada.

Radio-Canada est un filtre déformant qui inverse complètement l’image. S’il y a une comparaison à faire avec l’Allemagne nazie, ce n’est pas celle qu’agitent Kasparov et Radio-Canada, à propos des imaginaires bruits de bottes russes. C’est plutôt le déluge de propagande occidentale qu’il faudrait comparer aux meilleurs jours de Goebbels. En 1939, les Allemands étaient tout aussi convaincus de représenter les forces du bien que la majorité des Occidentaux le sont aujourd’hui, même si leur argent sert constamment à mettre des pays à feu et à sang sous des prétextes fallacieux, alors que leurs économies périclitent. 

Les procédés de désinformation employés par Radio-Canada à propos de l’attentat en Ukraine, dans le but «fabriquer le consentement» des contribuables qui paient les F-18 et les F-35, ressemblent étrangement aux opérations psychologiques qui ont servi à orchestrer la colossale manipulation du «génocide rwandais», dans la foulée de l’attentat du 6 avril 1994, à Kigali, où deux chefs d’État et plusieurs autres personnes ont péri. Dès le lendemain de l’attentat, la machine de propagande de Washington et ses relais à Ottawa, à Londres et ailleurs, se sont mis à accuser les «extrémistes hutus». Le TPIR a été créé pour les juger. 

Cependant, lorsque, s’appuyant sur de solides preuves matérielles et sur les témoignages d’ex-complices, un enquêteur australien, des juges d’instruction français et espagnol de même qu’une procureure suisse sont tous arrivés à la conclusion que c’était très probablement les meurtriers de masse à la solde de Washington, sous la direction de Paul Kagame, qui avaient commis l’attentat, le désir de juger les coupables s’est évanoui. Aujourd’hui, en l’absence de procédures judiciaires et d’enquêtes rigoureuses, rien n’empêche les mythomanes auréolés comme saint Dallaire de continuer de répandre les bobards, même vingt ans plus tard, car la stratégie du mensonge répété à l’infini a l’avantage de faire perdurer les légendes dans l’esprit des profanes. Les chouchous des grands patrons de presse restent ainsi à l’abri de la réprobation générale, qui pourrait les conduire au cachot.

Jean-François Bélanger et ses collègues propagandistes de guerre ont comme mission de vilipender l’ennemi et de préparer les contribuables à financer une «guerre juste» pour le plus grand profit de Wall Street. Espérons que l’attentat du 17 juillet 2014 en Ukraine ne donnera pas lieu à un bain de sang comme celui du 6 avril 1994, même si certains dirigeants occidentaux s'emploient à jeter de l’huile sur le feu. Ceux qui ont manigancé la mort de 298 civils innocents sont certainement prêts à tuer beaucoup de monde pour arriver à leurs fins inavouables, et ils n’ont plus le choix de s’enliser encore davantage dans leurs mensonges. Les Québécois se laisseront-ils entrainer dans la logique de guerre qu’on leur enfonce dans le crâne? Se feront-ils berner et plumer encore longtemps par le gouvernement belliqueux d’Ottawa et ses valets médiatiques?

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Les questions de l’armée russe pour Kiev et Washington

Voici dix questions très embarrassantes posées par l’armée russe aux autorités ukrainiennes et étasuniennes concernant le vol MH 17 abattu le 17 juillet 2014 au-dessus de l’Ukraine.

1. Pourquoi le vol MH 17 a-t-il quitté le couloir international? 

L’avion est demeuré dans le couloir aérien jusqu’à Donetsk, mais a par la suite dévié vers le nord.

2. Cette déviation est-elle le résultat d’une erreur de navigation ou des instructions données à l’équipage par les contrôleurs aériens ukrainiens à Dnipropetrovsk?

3. Pourquoi d’importants systèmes de défense antiaérienne ont-ils été déployés près des zones sous l’emprise des miliciens, alors que ceux-ci ne possèdent aucun aéronef?

Le jour où le vol MH 17 s’est écrasé, l’armée ukrainienne disposait, dans la région de Donetsk, de trois ou quatre bataillons de défense antiaérienne équipés de systèmes de missiles sol-air Buk-M1. Ces systèmes sont capables de toucher des cibles à une distance de 35 km et à une altitude de 22 km.

4. Pourquoi Kiev a-t-il déployé un système de missiles Buk tout près de la zone sous l’emprise des miliciens juste avant la tragédie?

L’armée russe a publié des photos étayant ce constat.

5. Le jour de l’écrasement, Kiev a augmenté l’activité de ses radars Kupol-M1 9S18, qui font partie du système de missiles Buk. Pourquoi?

6. Pourquoi un avion militaire ukrainien a-t-il emprunté le couloir aérien destiné aux vols civils le jour de la tragédie?

Les systèmes de surveillance russe ont détecté la présence d’un avion d’attaque ukrainien, probablement un Su-25, qui s’approchait du Boeing malaisien. Cet appareil peut s’élever à une altitude de 10 000 mètres. Son armement standard comprend des missiles air-air R60, capables de toucher une cible à 12 km. À une distance de 5 km, la probabilité de toucher la cible est de 100 %.

7. Pourquoi l’avion d’attaque ukrainien s’est-il mis à voler presque en même temps et à la même altitude qu’un avion de ligne?

Les autorités ukrainiennes ont déclaré qu’aucun avion militaire n’était en vol ce jour-là, à proximité du lieu de l’écrasement. Pourtant, les preuves fournies par l’armée russe montrent que c’est faux.

8. D’où provenait le véhicule lanceur de missiles apparaissant sur la vidéo qu’ont diffusée les médias occidentaux en annonçant qu’il s’agissait d’un système Buk se rendant de l’Ukraine à la Russie? Puisque la vidéo a été tournée en territoire contrôlé par Kiev, les autorités ukrainiennes peuvent-elles nous dire quelle était la destination du véhicule lanceur?

9. Où se trouve le véhicule lanceur actuellement? Pourquoi y manque-t-il des missiles? Quelle est la dernière fois où des missiles ont été lancés à partir de ce véhicule?

10. Pourquoi le gouvernement des États-Unis n’a-t-il pas publié les preuves qu’il prétend détenir et qui montreraient que le vol MH 17 a été abattu par les miliciens au moyen d’un missile?

Les États-Unis accusent les forces d’autodéfense, mais refusent de diffuser les renseignements sur lesquels ils fondent leurs accusations. Lundi, la porte-parole adjointe du Département d’État, Marie Harf, a décrit les déclarations de la Russie comme «de la propagande et de la fausse information». Pourtant, lorsque les journalistes lui ont demandé si Washington publierait ses renseignements et ses données satellites, Mme Harf a répondu seulement «peut-être». Jusqu’à maintenant, les États-Unis ont fourni comme uniques «preuves» des informations puisées dans les médias sociaux et le «bon sens».

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Le renversement du président ukrainien Viktor Ianoukovitch

Le coup d’État du 22 février 2014 en Ukraine a été déguisé en soulèvement populaire et encouragé par Washington et ses alliés dès le début des manifestations à Kiev, en novembre 2013, à grand renfort de propagande financée par le Département d’État. La clique d’oligarques qui gouvernait le pays a été remplacée par une autre clique tout aussi vorace, mais au service de Washington. Les nouveaux maitres de Kiev ont pris le pouvoir grâce à leurs hommes de main sous le commandement d’Andrei Parubyi. 

Entre le 19 et le 22 février, lorsque la violence a atteint son paroxysme au centre de Kiev et que les «manifestants» se sont déchainés plus que jamais, malgré la trêve conclue, ce sont vraisemblablement les hommes de Parubyi qui ont ouvert le feu sur les policiers et les civils depuis les toits de certains immeubles, comme le démontrent la conversation téléphonique entre Catherine Ashton et Urmas Paet, le témoignage de l’ex-chef des services de sécurité ukrainien et l'excellente enquête des journalistes Philipp Jahn, Olga Sviridenko et Stephan Stuchlik.

L'enquête des journalistes Philipp Jahn, Olga Sviridenko et Stephan Stuchlik diffusée à la télévision allemande ne pourrait pas l'être à Radio-Canada, puisqu'elle montre que les amis du gouvernement Harper à Kiev, auxquels il a donné généreusement des centaines de millions de dollars venant des poches des contribuables canadiens, ont assassiné des manifestants et des policiers le 20 février 2014 à Kiev, pendant que Radio-Canada imputait ces meurtres aux forces de sécurité de l'ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch.


Comme dans plusieurs autres cas récents (p. ex., Côte d’Ivoire, Libye, Syrie), les responsabilités ont été attribuées rapidement au régime jugé indésirable par Washington, sans égard aux faits. Contrairement à la croyance répandue par certains experts de la désinformation, ce ne sont pas les manifestants de la place de l’Indépendance qui ont réagi à la brutalité policière, mais plutôt la police qui a été dès le départ attaquée violemment par des groupes de «manifestants» bien organisés, entrainés et armés. 

Comme par hasard, le premier ministre actuel de l’Ukraine, Arseni Iatseniouk, qui s’est emparé de son poste à la faveur du coup d’État, le 27 février 2014, et qui est demeuré premier ministre après l’élection présidentielle du 25 mai 2014, est le favori de Washington désigné par la secrétaire d’État adjointe, Victoria Nuland, dans sa célèbre conversation téléphonique «Fuck the EU» avec l’ambassadeur des États-Unis en Ukraine, Geoffrey Pyatt. 



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