L’auteur est député du Bloc Québécois
Depuis maintenant trois ans que je siège à la Chambre des communes comme député de Joliette, il y a une chose qui m’impressionne encore : c’est la puissance de l’industrie pétrolière. C’est gros, ça parle fort, et le gouvernement fédéral écoute. Et quand je dis le gouvernement, je fais référence à tous les partis confondus. Même les néo-démocrates étaient pro pétrole, lors de la dernière campagne électorale, alors qu’ils aspiraient à prendre le pouvoir.
Le pétrole est tellement important au Canada que le dollar canadien est une pétrodevise. Il monte et redescend avec les fluctuations du prix du pétrole. Le secteur financier canadien est arrimé au pétrole. L’économie canadienne est engluée dans le pétrole. Le pétrole, ce n’est pas uniquement l’Alberta saoudite. C’est aussi la haute finance de Toronto.
Seulement depuis 2018, le gouvernement fédéral a annoncé 19 milliards $ de nouveaux investissements dans le pétrole sale. Cette expression de « pétrole sale » a d’abord été utilisée par Barack Obama et par l’Union Européenne. Elle rappelle que le pétrole extrait des sables bitumineux est le plus polluant de la planète.
Il y a d’abord eu 4,5 milliards $ pour l’achat du pipeline Trans Mountain de la compagnie américaine Kinder Morgan, qui relie Edmondon au terminal pétrolier de Burnaby, une banlieue de Vancouver. Le Directeur parlementaire du budget a évalué que le gouvernement l’a payé un milliard de trop.
Ottawa entend construire un nouveau pipeline sur le même tracé pour y tripler la quantité de pétrole transporté. Le coût prévu est de 9,7 milliards $. Une fois opérationnel, ce nouvel oléoduc fera exploser de 40 à 600 par année le nombre de superpétroliers dans le port de Vancouver.
L’automne dernier, le ministre des Finances Bill Morneau a annoncé des mesures de soutien aux investissements de 2,7 milliards $ sur quatre ans pour encourager les compagnies pétrolières à investir et produire toujours davantage. C’est plus que la part octroyée à l’ensemble de l’économie québécoise. À ceci s’ajoute 1,7 milliard $ en lignes de crédit réservées à l’industrie pétrolière que Justin Trudeau a annoncé en janvier dernier.
Et comme si ce n’était pas assez, Ottawa parle d’acheter 7 000 wagons-citernes pour augmenter le transport ferroviaire du pétrole des sables bitumineux. Le coût est estimé à 800 millions $. Et, ne nous y trompons pas! Les projets d’oléoducs ne visent aucunement à réduire le transport du pétrole par rail. Ils ont pour objectif d’exporter encore plus de pétrole sale.
Depuis la dernière élection, la production de pétrole des sables bitumineux a augmenté de 24 %. C’est énorme. Tout cela sous un gouvernement qui se dit pro-environnement !
Au total, on comptabilise 19 milliards $ d’aide nouvelle depuis 2018. C’est énormément d’argent et, coïncidence, ça équivaut au déficit du gouvernement fédéral. Autrement dit, les Libéraux de Justin Trudeau mettent le Canada et le Québec en déficit dans le seul but de soutenir l’énergie la plus polluante de la planète ! Au Québec, nous allons payer quatre milliards $ de cette facture.
Côté dérèglements climatiques, à Ottawa, il y a une grosse côte à remonter. Les investissements fédéraux dans la production pétrolière rendent impossible l’atteinte des cibles nécessaires pour limiter les dérèglements climatiques.
Les investissements font peut-être rouler l’économie du Canada, mais c’est à courte vue. L’an passé, une nouvelle est passée inaperçue au Québec. Le Régulateur albertain du pétrole, l’équivalent de la Régie de l’énergie au Québec, a lancé une bombe. Il a chiffré les dommages causés par les sables bitumineux. Le Régulateur a calculé le coût de la remise en état des terrains des sables bitumineux. Le total? 260 milliards!
260 milliards en passif environnemental, c’est presque deux fois la dette que le Québec a accumulée en 200 ans. Et ils veulent nous faire croire que c'est bon pour l'économie ?
Mettre le feu à sa maison est peut-être la façon la plus facile de se chauffer, mais certainement pas la plus intelligente. Encore moins la plus durable. C’est ça, l’économie du pétrole. C’est mettre le feu à la maison.
Alors que la planète fonce tout droit dans le mur des dérèglements climatiques, l’économie canadienne nage en plein déni et le gouvernement fédéral, peu importe le parti au pouvoir, joue à l’autruche.
Ces 19 milliards $ auraient été nettement plus utile investis dans l’économie verte, le développement durable et les énergies renouvelables. Un tel plan aurait avantagé le Québec, leader en la matière. Malheureusement, ces secteurs cadrent mal dans le modèle canadien. Le Québec aussi cadre mal dans le Canada pétrolier.
Le Québec a la chance d’avoir tout ce qu’il faut pour devenir un leader mondial de l’économie verte. Malheureusement, une large part de nos impôts sert à soutenir l’or noir canadien et ralentit d’autant notre développement.