Le premier ministre Philippe Couillard s’est livré mercredi à un grand déploiement pour présenter la nouvelle mouture du Plan Nord auquel son prédécesseur, Jean Charest, avait lui-même consacré deux lancements d’envergure. Mais la multiplication des annonces ne rend pas le projet plus solide. Le Plan Nord est au pire un mirage, au mieux un coup de dés.
Sur le fond, on y revient toujours : exploiter le Nord, c’est développer des mines. Est-ce là une activité au rendement assuré ? Non. Est-ce une activité qui nourrit le Trésor public québécois ? Non. Est-ce un secteur où la bonne entreprise citoyenne domine, ne serait-ce qu’en ramassant ses dégâts ? Non plus.
Et pourtant, au XXIe siècle, le Québec se lance dans l’extraction minière avec l’enthousiasme du chercheur d’or du XIXe siècle.
Certes, le gouvernement Couillard, représenté en force, a exposé mercredi un projet un peu moins ambitieux que celui de Jean Charest et enrobé de mesures visant à en assurer l’acceptabilité sociale. Ainsi, 50 % du territoire de 1,2 million de kilomètres carrés sera protégé de l’exploitation industrielle ; la collaboration avec les Inuits et les Premières Nations sera constante ; on comptera sur des énergies propres (l’éolien, la bioénergie) pour approvisionner les communautés isolées. De même, Québec mettra en place un mécanisme d’évaluation des impacts sur la santé des différents projets développés.
Intéressant ? Oui… en théorie. Mais dans les faits, quelle garantie avons-nous en matière environnementale, puisque le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement n’a pas juridiction sur le territoire couvert par le Plan Nord ? De plus, parmi toutes les associations qui applaudissaient mercredi le retour en grand du Plan Nord, plusieurs se disaient préoccupées par ce 50 % de territoire soustrait à l’exploration, au prétexte notamment qu’il leur faut mieux connaître l’ensemble du Nord québécois. Ces pressions-là ne diminueront pas.
En matière de santé, le scepticisme s’impose : il n’y a pas ici de mandat indépendant donné à la Direction de la santé publique. Il s’agit plutôt « d’accompagner les entreprises », comme l’a expliqué la ministre Lucie Charlebois. À quoi s’ajoute le fait que la santé publique a largement écopé dans les compressions mises en place par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette. On sait aussi que pour le gouvernement libéral, les enjeux de santé publique sont vus comme des enjeux politiques, donc contestables. Qui croira sérieusement que le gouvernement sera disposé à enquiquiner des entreprises, de qui il espère le renflouement des finances du Québec, avec des problèmes de santé physique ou mentale ?
Quant à la fortune qui nous attend — le Plan Nord étant, nous a-t-on dit mercredi, un « élément central pour assurer la prospérité du Québec » —, elle repose sur un pari de taille qui au fil des ans n’a pas changé : « On prépare la table pour des entreprises qui ne sont pas obligées de venir », ainsi que le résumait le professeur Jean-Thomas Bernard, spécialiste des ressources naturelles, lors du lancement de 2011 du Plan Nord.
Québec va ainsi investir près de 2 milliards dans les cinq prochaines années en espérant que le privé va se joindre à lui et que le fédéral viendra bonifier l’offre. Or les redevances minières n’ont rapporté que 23 millions de dollars au Trésor québécois l’an dernier. Notre mollesse pour aller chercher notre dû auprès des minières conjuguée aux fluctuations des prix, notamment du fer, interdit de croire que la manne tombera sur le Québec. Mais il y a un héritage dont nous sommes assurés : celui de payer seuls la facture des sites miniers abandonnés, comme c’est déjà le cas de 700 sites au Québec pour un montant de 1,2 milliard. La vraie rentabilité du Plan Nord commence là.
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