Pierre Vallières disait que les Québécois francophones étaient les « nègres blancs d’Amérique ».
Un peuple d’ouvriers aliénés et exploités, que l’establishment anglo-canadien traitait avec mépris et condescendance.
Je serais curieux de voir comment Vallières réagirait à toutes ces insultes qu’on nous lance depuis le dépôt du projet de loi sur la laïcité : « Fascistes ! », « Nazis ! », « Xénophobes ! ».
Je suis sûr que ça ne le surprendrait pas deux secondes.
SPEAK WHITE AND LOUD
Il dirait sûrement : « L’Histoire se répète ! »
Et il aurait bien raison.
Comme des chenilles qui se sont transformées en papillons, les Québécois francophones ont muté, depuis la Révolution tranquille. Nous envoyons maintenant nos chanteuses à Las Vegas, nos astronautes dans l’espace et nos entrepreneurs en Chine.
Plus rien ne nous arrête.
Elle est loin, l’époque des porteurs d’eau et « des ouvriers durs d’oreille qui vivent tellement près des machines qu’ils n’entendent plus que leur souffle au-dessus des outils », comme l’écrivait la grande Michèle Lalonde dans Speak White.
Mais ça ne fait rien.
Malgré cette spectaculaire transformation, qui nous a menés du Faubourg à m’lasse aux grandes capitales du monde, le mépris qu’un certain establishment canadien-anglais nous voue n’a pas changé d’un iota, lui.
Il est resté exactement pareil.
Il suffit que l’on gratte un peu pour qu’il nous revole en pleine face avec la même haine et la même violence qu’avant, quand nous demandions timidement à nos boss de « hausser leur voix de contremaîtres » pour qu’on entende leurs ordres.
LE TEMPS « BÉNI » DE LA COLONIE
Oh, on nous aime quand on chante, on boit et on s’amuse.
Nos festivals ! Notre bonhomie ! Notre traditionnelle joie de vivre !
Sans oublier nos clubs de danseuses...
« Vive la Canadienne/Vole, mon cœur vole/Vive la Canadienne/Et ses jolis yeux doux ! »
Mais quand nous osons nous comporter comme une majorité chez nous plutôt qu’une minorité dans la grande courtepointe canadienne, nos voisins qui parlent la langue de Mordecai Richler nous tombent dessus à bras raccourcis et ressortent les bonnes vieilles insultes d’antan.
C’était comme ça pour la loi 178.
C’était comme ça pour la loi 101.
C’était comme ça pour les deux référendums.
Et c’est comme ça pour le projet de loi 21.
On dirait des colonisateurs qui n’acceptent pas que leurs sujets d’antan s’affranchissent et veuillent faire les choses à leur façon.
Quoi ? Vous osez tourner le dos à notre belle Charte des droits ?
Mais... Mais... C’est ce que la civilisation a fait de mieux !
C’est la fin de l’Histoire, le point culminant de l’évolution humaine !
Comment pouvez-vous refuser ce cadeau du plus beau pays du monde ?
PAUVRE TRIBU ARRIÉRÉE
C’est ce qu’on nous dit, ces temps-ci, c’est comme ça qu’on nous voit.
« Nous leur avons donné la Charte des droits, mais ils préfèrent retourner dans leurs huttes avec leurs mœurs tribales... »
Le projet de loi 21 n’est pas arrivé comme ça par magie, il s’inscrit dans un long processus historique.
Idem pour les insultes qu’on nous lance depuis quelques semaines.
C’est l’Histoire qui continue.
Speak White 50 ans plus tard.