OTTAWA | Un ex-ambassadeur canadien en Chine qui accorde souvent des entrevues aux médias aurait été prié, à la demande du bureau du premier ministre Justin Trudeau, de communiquer avec Affaires mondiales Canada avant de commenter publiquement le dossier des relations tendues entre Pékin et Ottawa.
David Mulroney, qui a été ambassadeur à Pékin de 2009 à 2012, a récemment reçu l’appel du sous-ministre adjoint pour l’Asie-Pacifique au sein du ministère, Paul Thoppil.
Selon des informations rapportées par le «Globe and Mail» mercredi matin, le haut fonctionnaire aurait mentionné le contexte préélectoral à l’ex-ambassadeur en faisant valoir qu’il est important de faire preuve de précaution et de s’assurer que le Canada s’exprime d’une seule voix.
M. Mulroney s’est montré critique de l’approche du gouvernement Trudeau pour dénouer l’impasse avec Pékin. Il s’est notamment fait remarquer pour avoir invité les touristes canadiens à éviter de séjourner en Chine, un pays qu’il a qualifié d’«État de détention répressif».
M. Thoppil aurait par ailleurs indiqué avoir reçu la demande du bureau du premier ministre d'inviter l'ex-ambassadeur à communiquer avec Affaires mondiales Canada avant de faire tout commentaire futur.
Le bureau de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, dément cette allégation.
«Ni le cabinet du premier ministre ni celui de la ministre des Affaires étrangères n'essaieraient jamais d'empêcher un ancien diplomate canadien de parler librement et publiquement», a dit Adam Austen, attaché de presse de Mme Freeland.
Le ministère confirme que l’appel téléphonique a eu lieu, mais fait valoir que celui-ci ne visait pas à limiter M. Mulroney dans ses propos. On souligne qu’Affaires mondiales Canada maintient constamment la ligne de communication avec ses anciens diplomates dans une optique de partage d’information et d’expertise.
«Toutefois, nous regrettons que ce message n'ait pas été clairement communiqué», a ajouté un porte-parole, Guillaume Bérubé.
Le député néodémocrate Guy Caron convient que le sous-ministre adjoint qui a logé l’appel a pu aller trop loin de son propre chef, mais doute qu’il ait agi seul et sans recevoir de directives.
«C’est bien rare que les bureaux de sous-ministres adjoints téléphonent avec ce genre de conversations et ce genre de sujets sans avoir une approbation au préalable.»
Le chef conservateur Andrew Scheer s’est pour sa part dit «troublé» par les révélations du quotidien torontois.
«C’est tout à fait inapproprié et c’est une tentative flagrante par Justin Trudeau de museler un ancien diplomate de carrière hautement respecté. Trudeau a démontré sa tendance à faire taire ceux qui s’expriment librement», a-t-il commenté par communiqué.