Le mouvement antimasques a mauvaise réputation, et cela, d’abord parce qu’un trop grand nombre de ses leaders tiennent à propos de la pandémie un discours délirant. Les théories conspirationnistes les enferment dans un monde parallèle, coupé de la réalité.
Cela dit, on aurait tort de croire que les gens ordinaires qui finissent par s’y rallier sont tous dingos et qu’ils achètent sans la moindre réserve les théories sur Bill Gates, la 5G ou je ne sais quelle puce bionique qu’on voudrait nous imposer quand viendra le temps de la vaccination généralisée.
Ce mouvement pose une question qui n’est pas si insensée : se pourrait-il, dans le cadre de la pandémie, qu’on en vienne à étouffer progressivement la vie au nom de la sécurité sanitaire ?
Hygiénisme
Le confinement était certainement nécessaire, surtout que dans un premier temps, nous savions peu de choses sur cet étrange virus. Il n’existe pas de guide permettant la gestion idéale d’une pandémie. Les dirigeants tâtonnent, improvisent, font ce qu’ils peuvent, en mélangeant les gestes éclairés et les gaffes.
Mais le temps passe, et le commun des mortels est en droit de se demander si ces mesures d’urgence sont vraiment appelées à devenir la «nouvelle normalité».
Est-ce que les autorités sanitaires n’en viennent pas à surréagir, dans l’espoir de créer une situation de risque zéro? Les règles qui s’appliquent à Montréal doivent-elles s’appliquer aussi à Rimouski?
Est-ce que devant la crise de la COVID, qui est tout à fait réelle, nos sociétés ne se laissent pas emporter par un souci tatillon de réglementation généralisée, comme l’écrit le philosophe Christian Saint-Germain?
Le mouvement antimasques pointe de vraies absurdités. On l’a vu à Paris où, dans certains cas, le masque était obligatoire sur un côté de rue, mais optionnel sur l’autre.
Il pose de légitimes questions aux dirigeants qui seraient tentés de se soumettre au fantasme d’un gouvernement des médecins.
Il incarne un contre-pouvoir populaire au pouvoir des technocrates de la santé qui, quoi qu’on en pense, peuvent aussi se tromper.
À travers cela, s’exprime une inquiétude légitime devant la tentation hygiéniste qui domine nos sociétés, qui ne croient plus à l’éternité de l’âme, mais qui rêvent ouvertement à l’immortalité du corps.
L’inquiétante tentation de la Santé publique qui voudrait nous placer dans un bocal aseptisé sous la surveillance de médecins en sarraus, nous disant quoi manger, quoi boire et quoi penser, doit être critiquée.
Le rêve d’une société transparente, contrôlée dans ses moindres racoins, où chacun surveille son voisin et se donne le droit de le dénoncer, masque mal un fantasme totalitaire.
Scepticisme
Devant cela, ce qu’on appelle le «mouvement antimasques» peut jouer un rôle, à condition de se délivrer de ses coucous et autres idéologues délirants. C’est son défi.
S’il est capable d’incarner le scepticisme populaire devant un pouvoir qui tend toujours à s’étendre, il servira le débat public.
Il faut tendre la main aux antimasques modérés.