Vive l'anglais ! C'est la nouvelle norme. À la Caisse de dépôt. À la Banque nationale. Même dans la fonction publique. On ajoutera: dans la vie quotidienne.
Expérience ordinaire. Entrez dans un commerce montréalais. Une fois sur dix, vous serez chanceux. On vous parlera français. Sinon, je vous mets au défi d'éviter l'exaspérant «hi/bonjour». Comme s'il était normal de se dédoubler linguistiquement au quotidien.
Pire: on croit nous faire un privilège en nous offrant un «buuuunjourrr». Faut-il dire merci? Et encore là, nous passons vite à l'anglais. Pour ne pas avoir l'air de ne pas le parler. Pour ne pas avoir l'air méchant. Nous avons intériorisé la contrainte du bilinguisme.
Cette manie vient avec le nouveau dialecte montréalais, mélange insupportable de français et d'anglais DANS LA MÊME PHRASE. Oh qu'ils se sentent supérieurs les petits snobinards branchés lorsqu'ils basculent d'une langue à l'autre! Vanité multiculturaliste, quand tu nous tiens.
J'ai parlé des branchés et autres variétés de hipsters. Ils sont plus inquiétants que nos bons vieux anglos finalement. Ils se caressent en se croyant ouverts à l'autre. L'Autre. Il est toujours meilleur que nous. Fascination morbide. On veut lui ressembler quitte à disparaître.
Ils nous disent: je veux parler anglais sans accent. Je leur demande : où dans le monde parle-t-on ce fameux «anglais sans accent»? À Londres? À New York? Au Texas? En fait, ce qu'ils nous disent, c'est: je ne veux pas qu'on devine que je suis Québécois quand je parle anglais. Ça va. On avait compris. Le Québécois en finira-t-il un jour avec la haine de soi?
Cela me rappelle Jean Chrétien, qui massacrait le français comme l'anglais. C'était probablement sa manière de les respecter également. On disait de lui qu'il avait deux langues secondes.
J'entends hurler les curés du «politiquement correct». Ouvrez-vous sur le monde! Et ils sont prêts à excommunier tous ceux qui ne s'ouvriront pas suffisamment. On connaît les gros mots habituels. Xénophobe ! Raciste !
Et voilà que ça recommence. Une excommunication et une autre. Devant cela, le Québécois s'excuse. Et il s'excuse même de s'excuser. Il a bien entendu le nouveau commandement: sois bilingue ou ferme ta gueule! C'est l'idéologie du bilinguisme obligatoire.
Ce n'est pas que les Québécois se moquent de leur identité. Mais ce n'est plus la langue qui les inquiète. Ce sont les accommodements raisonnables qui fragilisent leurs valeurs occidentales, qui compromettent leur laïcité.
Mais la langue française? Bof ! N'est-elle pas qu'un instrument de communication? Et bien non. Et il faut être d'une inculture dramatique pour le croire. Et quoi qu'on en pense, la menace objective qui pèse sur le français ne disparaît pas. En fait, le capitalisme mondialisé la radicalise terriblement.
Par ailleurs, l'identité québécoise forme un tout. Le français ne devrait pas être vu comme un empêchement. Il est au contraire notre lien le plus vivant avec la culture occidentale.
D'ailleurs, le jour où Montréal sacrifiera le français, elle ne ressemblera pas à New York. Oh que non! Elle ressemblera à Cleveland. Ou à Pittsburgh. Elle sera une ville de deuxième zone sans véritable originalité.
Sinon ses routes crevassées. Et son maire guimauve. Ça donne envie, hein?
Sois bilingue ou ferme ta gueule
Nous avons intériorisé la contrainte du bilinguisme
Anglicisation du Québec
Mathieu Bock-Côté1347 articles
candidat au doctorat en sociologie, UQAM [http://www.bock-cote.net->http://www.bock-cote.net]
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