Paris - Pour la première fois de l'histoire, une femme se trouve véritablement aux portes de l'Élysée. Ségolène Royal a remporté hier haut la main l'investiture du Parti socialiste français. Selon les estimations disponibles avant de mettre sous presse, la candidate a largement distancé ses deux compétiteurs, avec environ 60 % des voix. L'ancien ministre Dominique Strauss-Khan arrive second avec autour de 22 % des voix. Comme prévu, l'ancien premier ministre Laurent Fabius se classerait dernier avec environ 17 % des suffrages.
C'est donc un gentil raz-de-marée qui a désigné dès le premier tour une candidate dont personne ne soupçonnait il y a un an à peine qu'elle avait la moindre chance de représenter la gauche à l'élection présidentielle. Dès la fermeture des bureaux de vote, à 22h, il est apparu évident qu'il n'y aurait pas de second tour de scrutin. Sans attendre les résultats définitifs, disponibles tard dans la nuit, le porte-parole Stéphane Le Foll a annoncé la victoire sans partage de Ségolène Royal. «Je vis intensément ce moment de bonheur», a-t-elle déclaré dans une intervention improvisée de son fief des Deux Sèvres, où elle a voté hier. «Je mesure l'honneur qui m'est fait aujourd'hui. Les gens sont venus voter et ils sont en train de me donner de l'élan. Le temps sera maintenant au rassemblement. C'est le peuple qui s'est mis en mouvement et qui me donne cette force et cet élan. Et je veux leur dire qu'ils ne seront pas déçus.»
Dans la plupart des régions, la candidate remporte une nette majorité. Son vote est particulièrement massif dans le Pas-de-Calais (nord) et les Bouches-du-Rhône (sud). Il est beaucoup plus faible à Paris, château fort de Dominique Strauss-Khan.
Celui-ci a aussitôt reconnu sa défaite en déclarant, selon l'AFP: «Ce soir, il y a une confirmation: Ségolène Royal est élue dès le premier tour. Elle a souhaité tous les pouvoirs, elle les a. Il y a ensuite une révélation. Dominique Strauss-Kahn est deuxième.» Les programmes des deux candidats n'étant pas très éloignés l'un de l'autre, de nombreux militants socialistes souhaiteraient voir Dominique Strauss-Khan devenir le premier ministre de l'éventuelle présidente. Les partisans de Laurent Fabius, qui s'est positionné plus à gauche, semblaient hier beaucoup plus amers.
«Elle a fait en un an ce qu'on aurait fait sans elle en quatre ans», a déclaré le député socialiste Arnaud Montebourg, partisan de la candidate. Environ 80 % des 219 000 membres du Parti socialiste se sont rendus voter. On s'entend généralement pour dire que le soutien massif qui a propulsé Ségolène Royal vient tout particulièrement des 70 000 nouveaux militants, qui ont rejoint le parti depuis quelques mois.
Certains analystes n'hésitent pas à comparer le vocabulaire et l'assurance de la candidate de 53 ans à ceux de François Mitterrand avant l'élection qui avait porté la gauche au pouvoir en 1981. «Ce qui est important maintenant, c'est de se rassembler, a déclaré le député Julien Dray, soutien de Ségolène Royal. Il se passe quelque chose aujourd'hui. Il y a un élan qui est en train de se créer.»
Dans un pays qui ne compte que 12 % de femmes à l'Assemblée nationale, Ségolène Royal n'est pas la première candidate à l'élection présidentielle, mais elle est la première à représenter l'un des deux grands partis politiques français capables de gouverner. Dans le dernier sprint de la campagne, Ségolène Royal avait d'ailleurs choisi de stigmatiser le machisme de ses adversaires, à qui l'on attribue plusieurs petites phrases du genre: «Si elle est élue, qui gardera les enfants?»
Les socialistes avaient hier le sourire aux lèvres. Cette élection «honore le Parti socialiste, elle le grandit et elle donne à notre candidat une légitimité, a déclaré l'ancien ministre de la Culture de François Mitterrand Jack Lang. Aujourd'hui, c'est le premier tour d'une bataille qui aura deux autres tours.»
Ségolène Royal l'emporte au terme d'une campagne de six semaines unique dans l'histoire des partis politiques français, qui désignaient traditionnellement leurs candidats derrière des portes closes et après des luttes entre fractions. Cette fois, les socialistes ont fait les choses «à l'américaine», comme on dit ici, avec des mises en candidature et pas moins de neuf débats, dont trois télévisés. Ségolène Royal, qui a tout de même occupé plusieurs ministères, est néanmoins venue de l'extérieur des fractions constituées qui composent la direction des socialistes. Sans véritable réseau dans le parti, la présidente du Poitou-Charentes a donc surtout fait campagne de façon ouverte et dans les médias, ce qui lui a valu plusieurs critiques de «populisme». «Cette élection va marquer l'histoire politique française», a déclaré le politologue Gérard Grundberg.
Il faudra maintenant surmonter les rancunes que ce vote risque de provoquer. «C'est une femme qui a de l'expérience mais qui n'a pas de passif, a dit le président de l'Institut Ipsos, Jean-Marc Lech. Elle se retrouve face à des hommes qui ont de l'expérience et qui ont un passif.»
À six mois de l'élection présidentielle, une trentaine de candidats (pour la plupart mineurs) sont déclarés. Le principal adversaire de droite, l'UMP, doit quant à lui désigner son candidat le 14 janvier prochain. On s'attend à ce que l'actuel ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, l'emporte haut la main. Les deux tours de l'élection se tiendront le 22 avril et le 5 mai.
L'ancien premier ministre défait en 2001, Lionel Jospin, s'est rendu voter dans sa section de la Goutte d'Or, à Paris. Même si on le sait opposé à Ségolène Royal, il n'a pas voulu révéler son choix. Des plaisantins de sa section voulant s'abstenir ont glissé sa photo dans les enveloppes au lieu d'un bulletin de vote.
Ségolène Royal l'emporte haut la main
Une première femme se retrouve aux portes de l'Élysée
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