Les Pauline Marois et Gilles Duceppe ont vivement réagi, dans une lettre adressée au président de la République française aux propos que celui-ci a tenus à l'égard de leur mouvement. Il est vrai que les souverainistes ont goûté à la méthode Sarkozy, qui a trop parlé et qui a été inutilement insultant quand il a associé le courant souverainiste au sectarisme et à la détestation.
Cependant, ce ne sont pas ces dérapages verbaux qui devraient le plus inquiéter les souverainistes. Mais plutôt ce qu'ils signifient. Et c'est que le gouvernement français ne veut clairement rien savoir de leur cause et de leur projet.
Bien sûr, on peut choisir d'y voir une position personnelle du président Sarkozy, influencé par ses amis, comme le veut la légende urbaine souverainiste. Mais ce qu'on oublie, c'est qu'on sentait cette même indifférence agacée chez Jacques Chirac, et encore plus chez François Mitterrand.
Ça commence à faire du monde, et ce point de vue constant colore certainement celui de l'ensemble de la diplomatie française. En fait, les sympathies dont les souverainistes ont pu profiter provenaient essentiellement de la mouvance gaulliste, un courant politique en voie de disparition, et dont l'intérêt pour le Québec n'était pas nécessairement altruiste et s'inscrivait dans une conception précise de la France et de la francophonie.
Pourquoi ce détachement? Parce que les Français qui suivent la politique québécoise savent calculer et ont vu, depuis longtemps, qu'une victoire souverainiste n'était pas dans les cartons. La politique étrangère étant beaucoup affaire de calcul et de défense des intérêts nationaux, pourquoi soutenir une cause qui n'est pas gagnante?
On perçoit cependant chez M. Sarkozy quelque chose de plus, une évidente impatience. Elle peut s'expliquer par la lassitude des dirigeants français face aux efforts incessants des dirigeants souverainistes qui ont multiplié les suppliques et les manoeuvres pour gagner des appuis à leur cause. D'ailleurs, la lettre de M. Duceppe et de Mme Marois sera certainement interprétée de la même façon.
Mais ce qu'il faut aussi noter, c'est que le faux pas de M. Sarkozy a été accueilli en France dans une indifférence absolue. Ça n'intéresse plus personne. Le monde a changé, la France a changé, d'une façon qui isole le courant souverainiste québécois et lui enlève beaucoup de son charme.
D'abord parce que les pays européens, notamment la France, sont dans un processus d'intégration continentale. Pour les Français qui croient à la construction européenne, l'idée de souveraineté du Québec est certainement en porte-à-faux. La sécession est par définition un acte de division qui s'inscrit dans une logique de rupture.
Il est vrai que d'autres pays ont choisi cette voie, comme le soulignent les leaders souverainistes dans leur lettre. «Vous n'êtes pas sans savoir que les Nations unies ont accueilli, depuis 1980, pas moins de 38 nouveaux pays. Chacun a choisi de parler de sa propre voix, plutôt que de prolonger sa présence au sein de pays plus large qui n'était pas le sien.»
C'était le pire argument à utiliser. Ces nouveaux pays sont soit des pays d'opérettes, le produit de l'éclatement du bloc soviétique, ou la résultante de douloureux déchirements. Voici le club des derniers venus. Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie, Croatie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Moldavie, Saint-Marin, Slovénie, Tadjikistan, Turkménistan, Andorre, Érythrée, Macédoine, Monaco, Slovaquie, République tchèque, Palaos, Kiribati, Nauru, Tonga, Tuvalu, Serbie, Timor, Monténégro.
Cette liste aide à expliquer les réticences de M.Sarkozy et des Français, et de ceux qui, de l'extérieur, essaient de comprendre la réalité québécoise. L'idée de sécession et de création d'un nouveau pays n'a plus rien de sympathique et d'attrayant, et on ne l'associe certainement pas au cheminement d'une société industrielle avancée.
Sarkozy: le fond et la forme
Cependant, ce ne sont pas ces dérapages verbaux qui devraient le plus inquiéter les souverainistes. Mais plutôt ce qu'ils signifient. Et c'est que le gouvernement français ne veut clairement rien savoir de leur cause et de leur projet.
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