Montréal - Après l'écrivain Michel Tremblay, c'est au tour du dramaturge de renom Robert Lepage de remettre en question l'idée de la souveraineté du Québec.
Lors d'une conférence de presse à Montréal lundi midi, l'homme de théâtre québécois s'est dit «peu surpris» des propos de Michel Tremblay, qui indiquait dimanche ne plus être capable de s'identifier à un projet dont la principale justification est devenue économique.
«Ça ne m'étonne pas. C'est à point nommé parce qu'effectivement il faut interroger le Parti québécois sur ce qu'il est devenu et sur le projet souverainiste», a lancé l'artiste.
«C'est une très bonne chose de remettre en question (la souveraineté)», a-t-il dit. «Je n'irai pas aussi loin que Michel Tremblay, mais moi aussi je suis moins convaincu.»
Robert Lepage se dit cependant «heureux de voir quelqu'un comme André Boisclair» diriger les rênes du Parti québécois, mais il avoue qu'il n'a désormais «qu'un reste de sentiment souverainiste» en lui.
«J'ai besoin de me faire reconvaincre. Il y a beaucoup de gens et d'artistes qui ont besoin de se faire reconvaincre de cette idée-là», a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse fort courue.
Selon lui, l'idée souverainiste «n'est plus une idée incarnée par personne aujourd'hui».
«M. Bouchard l'incarnait cette idée. Même son corps l'incarnait, C'était un héros idéal», a déclaré le dramaturge, qui présente dès cette semaine à Montréal la nouvelle mouture de son «one-man show» Le Projet Andersen.
Un nouveau fédéralisme pourrait être une avenue à explorer, selon Robert Lepage.
«Il y a quelque chose à dire à ce niveau-là, a-t-il dit. Est-ce qu'il faut, plutôt que penser à un projet souverainiste plutôt associé à une forme radicale de séparatisme, est-ce qu'il ne faut pas repenser à une nouvelle façon de voir la fédération et remettre ça en question», a-t-il ajouté.
Robert Lepage estime par ailleurs que le parti Québec solidaire, qui est de gauche et appuie l'indépendance du Québec, a sa place dans la réflexion sur l'avenir du Québec.
«Le Parti québécois ne semble plus être le seul joueur à véhiculer cette idée-là. Il faut voir ce que les autres ont à offrir. C'est une redéfinition. Je suis très ouvert à ça.»
M. Lepage a indiqué par ailleurs avoir un sentiment partagé sur son identité québécoise.
«Quand je suis ici au Québec, même à Ottawa, je ne me sens pas Canadien, mais pas du tout. Je sens les deux solitudes. Je sens les deux pays. Mais lorsque je voyage à l'étranger, je ne sais pas ce qui se passe, mais j'ai l'impression que c'est une réalité le Canada et que j'en fait partie».
Tremblay toujours souverainiste
Les réactions aux propos de Michel Tremblay n'ont pas tardé à fuser lundi.
Le chef du Bloc Québécois, Gilles Duceppe, dit avoir parlé au dramaturge Michel Tremblay, lundi matin.
«J'ai parlé à Michel Tremblay ce matin et il m'a dit qu'il était toujours souverainiste, mais qu'il avait des questions sur l'orientation du mouvement souverainiste.»
Pour le rassurer, Gilles Duceppe a résolu de lui expédier le dernier document du Bloc Québécois intitulé «Imaginez le Québec souverain», adopté par le parti à son dernier congrès, et qui touche beaucoup plus que l'économie, a souligné le chef bloquiste.
M. Duceppe dit trouver sain qu'il y ait un débat dans le mouvement souverainiste, mais précise que le fait de débattre ne veut pas dire pour autant qu'on renie ses convictions.
«Je m'étonne quand il n'y a pas de questionnement. (...) Ce n'est pas parce qu'on débat qu'on renie ses convictions. Est-ce que le mouvement souverainiste doit embrasser plus que l'économie ? Bien sûr ! Je pense pense qu'on le fait largement.»
Gilles Duceppe est d'accord que le mouvement souverainiste doit embrasser plus que les questions économiques, et estime d'ailleurs qu'il le fait largement.
Le chef bloquiste voit dans le questionnement du dramaturge Michel Tremblay le besoin de diffuser davantage le document de réflexion du parti. Il pense que lorsque l'écrivain en aura pris connaissance, il y trouvera des choses intéressantes, notamment des sujets précieux aux yeux de M. Tremblay comme la question de la culture.
André Boisclair, le chef du Parti québécois, dit entendre le message lancé par l'auteur Michel Tremblay.
M. Boisclair dit être placé devant le beau défi de convaincre le dramaturge que l'élément le plus déterminant à l'appui de la souveraineté est toujours le fait que les Québécois soient le seul peuple francophone en Amérique du Nord.
Le chef péquiste dit avoir le plus grand respect pour Michel Tremblay, estimant que peu de gens comprennent aussi bien que lui la force du peuple québécois mais aussi sa fragilité et son manque de confiance. Il dit espérer être capable de le convaincre d'être sur les rangs lors d'une prochaine campagne référendaire.
Cependant, André Boisclair maintient que l'économie demeure un argument puissant en faveur de la souveraineté bien qu'il comprenne que certains puissent être mal à l'aise avec ce genre de débat.
Il précise que les questions économiques s'inscrivent dans une diversité d'arguments et que les questions de langue et de culture demeurent le vecteur le plus fort de l'identité des Québécois.
En ce sens, il estime que la bataille pour la souveraineté n'aurait aucun sens si les Québécois n'étaient pas le seul peuple de langue française en Amérique du Nord.
Patrick White - Presse Canadienne
APRÈS MICHEL TREMBLAY
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