Le dernier sondage Abacus sur les intentions de vote au fédéral a révélé des données surprenantes...
Des appuis étonnants!
À première vue, comment ne pas être étonné de tels résultats! D’abord, on remarque qu’il y a une filiation «naturelle» entre le provincial et le fédéral au PLQ et au PQ.
Dans chaque cas, la forte majorité des répondants qui s’associent à ces partis appuient l’allié «naturel» au fédéral: au PLQ on appuie le PLC, au PQ, le Bloc québécois.
Du côté de la CAQ, l’analyse montre plutôt un réel esprit de «coalition». La majeure partie des caquistes appuie le Parti conservateur. Pas de surprises là. Il y a aussi une part non négligeable de libéraux et de bloquistes. Cela semble cohérent avec la capacité qu’a eu le parti de François Legault de fédérer au-delà des appuis politiques traditionnels.
Erreur chez QS?
La donnée la plus étonnante provient du transfert de vote de Québec solidaire au niveau fédéral. Et cela n’a pas échappé à de nombreux internautes qui ont souligné, à grands traits, que seulement 1% des électeurs qsistes appuieraient le Bloc québécois au fédéral.
Crédible? Erreur du sondeur?
J’ai discuté de ce sondage et de ces résultats étonnants avec l’analyste politique et spécialiste de ces questions Philippe J. Fournier, fondateur des sites 338canada.com et qc125.com.
Ce dernier rappelle d’entrée de jeu que le tableau présenté par Abacus sur les projections de vote par parti politique doit être contextualisé :
«D’abord, les échantillons sont très petits. On parle de 300 répondants au Québec et de 256 électeurs décidés.
«Quand on distribue ces chiffres par parti politique, on en arrive à quelque chose comme entre 40 et 50 chacun pour Québec solidaire et le Parti québécois. Des chiffres intéressants, mais statistiquement peu significatifs s’ils sont les seuls disponibles.»
Ceux qui ont élu Massé et Khadir ont voté deux fois contre Duceppe...
Toutefois, bien qu’on admette que l’échantillon soit petit, ce résultat demeure, pour moi, quand même surprenant. On est proche de la norme «zéro» en ce qui a trait à l’appui d’un membre de Québec solidaire au Bloc québécois, cela n’est pas banal. On dit souvent qu’il y a deux formations indépendantistes à l’Assemblée nationale, dans le cas du PQ, pas difficile de faire le lien entre indépendance et appui au fédéral à la seule formation indépendantiste, le Bloc.
Alors comment se fait-il que l’on puisse sonder plusieurs dizaines de qsistes sans ne jamais trouver un appui au Bloc au fédéral?
Simple, car cette question ne fait pas partie des priorités de la majorité des électeurs de Québec solidaire. On peut aussi ajouter à l’équation le fait que le Bloc québécois se soit positionné dans l’axe de la défense de la loi 21 et de la laïcité; ce qui irritera un nombre non négligeable d’électeurs qui s’identifient à Québec solidaire, un parti qui a appuyé le principe de la laïcité lors de l’élection québécoise d’octobre dernier, avant de virer capot à la première occasion et de se poser en plus ardent pourfendeur de la loi 21.
Quand j’ai soumis cette analyse à Philippe J. Fournier, ce dernier a tenu à rappeler une donnée fort intéressante :
«Je ne vois pas le QS de Montréal très axé sur l’indépendance... quand on superpose les cartes, on voit que les mêmes électeurs qui ont élus Khadir et Massé ont voté contre Duceppe deux fois en 2011 et 2015...»
À tout prendre, si j’étais stratège au Bloc québécois, je chercherais à me coller beaucoup plus à l’électorat CAQ-PQ plutôt qu’à celui de «l’autre» parti indépendantiste. Et ce, pas seulement en fonction de ce seul portrait de l’électorat, portrait bien imparfait, doit-on le rappeler.
L’histoire des derniers scrutins au fédéral montre que le lien entre Québec solidaire et le Bloc québécois est assez difficile à établir. Vrai qu’il y aura des militants qsistes qui appuieront le Bloc, mais n’attendez pas une aide formelle de Québec solidaire au Bloc au nom de l’indépendance.
Ce hochet-là a déjà bien servi pour assommer le PQ lors des dernières élections québécoises. Au Politburo, on le jugera pas moins utile dans le cadre des élections fédérales.
Les priorités sont ailleurs.