Québec -- Les opposants à Rabaska sur la Rive-Sud de Québec renouvellent leurs attaques contre le projet de terminal méthanier et s'en prennent maintenant à la crédibilité du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) qui vient de le recommander au gouvernement.
«Jamais dans le passé, pour un projet d'une telle ampleur et aussi controversé, une commission du BAPE n'aura exercé une analyse critique aussi doucereuse et complaisante. C'est ça qui nous a frappés», a dénoncé hier le militant Gaston Cadrin, du Groupe d'initiatives et de recherches appliquées au milieu (GIRAM) de Lévis. «On a eu un BAPE qui se lave les mains et laisse à d'autres les décisions importantes», de renchérir Jacques Levasseur, de l'Association pour la protection de l'environnement de Lévis (APPEL).
Les opposants à Rabaska avaient convoqué la presse hier matin pour faire connaître leurs griefs à l'endroit du projet de terminal méthanier et de la commission du BAPE qui lui a donné le feu vert mercredi.
Ces groupes -- la coalition Rabat-Joie de Beaumont, l'AQLPA qu'on connaît pour sa lutte contre les SLAPP, l'Association de l'Île d'Orléans contre le port méthanier, l'APPEL et le GIRAM -- réclament une «mobilisation des forces environnementales du Québec», un moratoire sur l'autorisation de terminaux méthaniers et des rencontres d'urgence avec les ministres Line Beauchamp, Claude Béchard et Philippe Couillard.
Ils reprochent notamment au rapport du BAPE son «ton complaisant» et ses «faiblesses argumentaires» en ce qui a trait à la justification économique et énergétique du projet.
Le gouvernement, disent-ils, aurait dû mandater la Régie de l'énergie afin qu'elle évalue la pertinence pour le Québec de se doter non pas d'un, mais de deux terminaux méthaniers, puisque le projet de Gros-Cacouna vient d'être approuvé par décret gouvernemental. Un troisième projet -- celui de Grande-Anse au Saguenay -- n'a pas encore passé l'étape des audiences publiques.
«Il fallait d'abord obtenir une audience sur les besoins de gaz et la diversification énergétique», a plaidé André Bélisle, de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA). «Comme on ne l'a pas eue, le BAPE est allé au pif et, même si ce sont des professionnels, on ne pouvait pas se passer d'un éclairage d'abord.»
Les opposants montrent aussi du doigt le président du BAPE, William Cosgrove, dont la nomination en 2004 avait été très mal accueillie dans le milieu environnemental. «Ce gars-là a travaillé pour l'entreprise privée et s'est fait l'avocat de la privatisation de l'eau», a dénoncé hier Daniel Breton, de la Coalition Québec-Vert-Kyoto. «Et c'est lui qui est à la tête de la démocratie environnementale au Québec? Là, il y a un problème!»
Fidèle à ses habitudes, le BAPE a refusé hier de faire des commentaires sur ses positions. Quant à la nouvelle ministre de l'Environnement, Line Beauchamp, elle est en vacances jusqu'à la fin août. Lors d'une entrevue à Radio-Canada en fin de semaine, elle s'était toutefois montrée disposée à rencontrer les opposants à son retour.
Le gaz n'est pas destiné aux États-Unis, martèle le promoteur
Hier, le promoteur du projet, Glenn Kelly s'est dit très déçu par ces interventions. «Particulièrement parce que ces personnes qui s'en prennent au BAPE étaient aux audiences pendant les 19 jours que nous avons passés ensemble. Ils ont louangé le BAPE et le processus et ils ont louangé la qualité des commissaires.» Il les accuse de s'en prendre à une institution «très qualifiée et compétente» simplement parce qu'ils n'aiment pas «la teneur» du rapport. «Ce que les opposants ont dit, ils l'ont déjà dit au BAPE. Tout ça est au dossier et a été évalué.»
Les positions des deux camps pourraient difficilement être plus divergentes. Pendant que les opposants dénoncent l'un des pires rapports de l'histoire du BAPE, M. Kelly affirme qu'il s'agit du rapport «le plus positif et le plus clair du BAPE qu'[il] a vu».
Dans l'éventualité où le mouvement de contestation prendrait de l'ampleur, le représentant du consortium formé de Gaz Métro, Gaz de France et Enbridge assure qu'«il sera là» notamment pour répliquer aux «choses fausses [sic]» colportées par les opposants sur son projet.
«Ce n'est pas vrai que le gaz est pour les États-Unis», martèle-t-il. Le fait que le gaz soit destiné au marché américain est en effet souvent invoqué par les opposants, dont l'ex-ministre Thomas Mulcair.
Or, selon M. Kelly, c'est plutôt le gaz de Gros-Cacouna qui serait destiné au marché américain. «Le projet Rabaska, c'est pour les besoins du Québec et de l'Ontario. On ne veut pas tasser tout le gaz qui vient de l'Ouest canadien, on veut avoir deux sources d'approvisionnement. [...] Si vous regardez le projet de Gros-Cacouna, vous voyez que les marchés américains sont visés.»
Quant à savoir si son projet a des chances d'être approuvé en dépit du feu vert donné par le gouvernement à Gros-Cacouna, M. Kelly laisse entendre que ce dernier n'est pas près de se réaliser. «Gros-Cacouna a reçu son décret. Est-ce que Gros-Cacouna va être construit ou réalisé? Je ne le sais pas. [...] Je peux vous dire que Gros-Cacouna a reçu un décret seulement pour son terminal», dit-il, en rappelant à juste titre que l'autre partie du projet, le gazoduc, doit, à son tour, être évaluée par le BAPE. «Tout le processus qu'ils ont fait avec le terminal doit maintenant être refait.»
Collaborateur du Devoir
Rabaska: le BAPE est pris à partie
Le promoteur se défend de viser le marché américain du gaz
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