Hier, François Legault a livré un discours fort, essentiel, poignant, pour se porter à la défense de la nation québécoise, qui a été attaquée, comme il le dit lui-même, lors du débat en anglais de la présente campagne fédérale.
Il avait raison de le faire, et raison aussi de reprendre la formule de Robert Bourassa, en disant à sa manière que, quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, le Québec est une nation en droit de défendre son identité, sa langue, sa culture, ses valeurs. Il a rappelé, autrement dit, notre droit fondamental à l’existence nationale.
Il est pourtant allé moins loin que Robert Bourassa, en 1990, qui avait rappelé aussi notre droit à décider de notre avenir, autrement dit, notre droit à l’autodétermination, autrement dit, notre droit à l’indépendance.
Il aurait pourtant dû.
Car ce qui s’est passé lors du débat en anglais n’est pas un événement isolé, mais un révélateur de ce que le Canada anglais pense tout haut à notre sujet, pour peu qu’on prenne la peine de l’écouter.
Au Canada anglais, le caractère raciste de la société québécoise est considéré comme allant de soi, et le caractère discriminatoire des lois assurant la défense du français et de la laïcité aussi. En fait, le Canada anglais voit dans notre prétention à former une nation une forme de suprémacisme ethnique.
Dans la fédération, notre sort est celui d’une minorité folklorique renonçant à notre statut de peuple fondateur et se soumettant au multiculturalisme ambiant qui voit dans toute culture nationale affirmée une expression de racisme systémique.
Le Canada anglais a aussi instrumentalisé sans gêne la cause autochtone pour contester notre statut de peuple fondateur.
Il ne faut pas oublier non plus que le régime de 1982 canadianise et trudeauïse mentalement les nouveaux arrivants et limite leur intégration à la majorité historique francophone. La transformation accélérée du paysage politique québécois et la multiplication des comtés protégés libéraux en témoignent.
François Legault aurait donc dû aller plus loin.
Il ne peut pas se contenter de grands discours, aussi sentis soient-ils.
Il voit bien, car il a les yeux pour le voir, que notre existence comme peuple dans la fédération est soumise à un procès permanent, qui inhibe l’expression de notre identité et déstructure notre manière de nous percevoir, en nous forçant à justifier en permanence notre droit d’exister.
Que dit-il devant l’effondrement démographique du Québec dans le Canada, et des francophones dans l’ensemble de la fédération et au Québec même?
Croit-il vraiment qu’une minorité de plus en plus minoritaire peut maîtriser son destin dans une fédération qui la méprise et la conspue?
Le nationalisme dont il maîtrise les codes rhétoriques ne saurait être, justement, qu’une rhétorique. Au-delà des circonstances qui, par définition, fluctuent et varient, le Québec est condamné à toujours se battre jusqu’à la dernière énergie pour des choix pourtant minimalistes touchant sa survie comme peuple dans la fédération.
On peut retourner la célèbre formule, car quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, le Québec, dans la fédération canadienne, est condamné au rabougrissement ethnique, à la dissolution démographique, à la marginalisation politique, à l’effacement historique.
François Legault nous imagine-t-il vraiment un destin national dans le Wokanada? Croit-il sincèrement que le peuple québécois, dans l’ensemble canadien, peut s’épanouir, faire ses choix, décider pour lui-même, assurer sa survie linguistique et culturelle, et définir son propre modèle d’intégration pour s’assurer que ceux qui le rejoindront prennent vraiment le pli de la majorité historique francophone?
N’est-il pas temps, autrement dit, que François Legault recommence à envisager, d’une manière ou d’une autre, la possibilité de l’indépendance du Québec et travaille à réconcilier les Québécois avec cette idée?
Au fond de lui-même, il le fait probablement. Mais il est temps de passer de la parole aux actes. Avant qu’il ne soit trop tard.