Utilisé à tort et à travers par de nombreux médias, et par Emmanuel Macron, le mot « extrémiste » s’applique pourtant à bien peu de cas, et pas toujours à ceux que l’on croit…
Le psittacisme (de psittacos, le perroquet) est l’utilisation répétée de mots et de concepts dont le sens est incompris, ou à contenu variable. Par exemple, le mot « extrémisme », utilisé souvent à tort et à travers, telle une insulte, plus sournoise et dangereuse que les très débiles « facho », « populiste »… Le reproche d’extrémisme a été et est souvent articulé contre des opposants politiques ; notamment en Chine (livre blanc de 2019).
« Défendre les positions les plus radicales d’une idéologie ou d’une tendance »
Pour le Larousse, l’extrémisme c’est le « comportement politique consistant à défendre les positions les plus radicales d’une idéologie ou d’une tendance ». Pour Wikipedia c’est un « terme utilisé pour qualifier une doctrine ou attitude politique, religieuse ou idéologique » qui refuse « toute modération ou toute alternative à ce que dicte cette doctrine ». Selon la même source, « les actions extrémistes sont par conséquent des méthodes (pouvant être violentes et agressives) ayant pour but un changement radical ». Pour Emmanuel Macron, c’est tout ce qui n’est pas d’accord avec le macronisme et menace l’ordre dominant.
Or, la volière médiatique caquette sans fin le mot « extrémisme ». Ne doit-on pas en affiner le sens ?
Dès le tout premier abord, on constate deux évolutions ou dérives : Larousse n’évoque pas la violence, mais Wikipédia l’ajoute, non pas dans la définition mais comme méthode d’action. Ce qui est incorrect car la posture idéologique se distingue de la praxis. Or, ce premier amalgame entre idées et actions, s’il est simpliste, est parfois lui-même une forme d’extrémisme. Surtout quand le premier amalgame est inclus dans un second amalgame. Litanie stéréotypée des médias principaux, l’expression « d’extrême droite » est associée, dans la conscience collective sous influence, à « dictature » ou pire au fascisme, au nazisme.
C’est celui qui le dit…
Si l’on s’en tient à la définition du Larousse on recensera bien des formes d’extrémisme. Au passage, hors du champ politique qui est celui de notre sujet, « défendre des positions radicales » peut s’avérer comme une qualité car la demi-mesure est souvent source d’échec. Mais même en matière politique ou économique le statu quo ou la demi-mesure peuvent être extrémistes : l’extrême mollesse irresponsable dont les exemples sont légion. Il est, aussi, des extrémismes conservateurs : ceux des autocraties politiques, c’est certain. Mais on peut en dire autant des choix monétaires installés (euro, émission monétaire par les banques, quantitative easing), du pédagogisme, du mode de rétablissement de l’ordre contre les gilets jaunes, des privatisations, de l’ouverture des frontières, du mondialisme, du centralisme fédéral bruxellois après le viol du referendum de 2005, du niveau des retraites et des taxes ? Qui peut démontrer qu’il ne s’agit pas d’un « comportement politique consistant à défendre les positions les plus radicales d’une idéologie » (Larousse) ? Certes toutes ces mesures ou presque sont choisies par des autorités légales à défaut d’être toujours légitimes, mais cela suffit-il à éviter la qualification « extrémiste » ?
La terrible répression en Chine, mais aussi au Venezuela, à Cuba, est légale mais illégitime tant par son mode d’action que par sa « défense des positions les plus radicales d’une idéologie ». Le summum de l’hypocrisie est incarné par Jean-Pierre Raffarin qui déclare en avril 2017 : « Avant, on avait une menace Le Pen. Maintenant, on a deux extrémismes qui s’entendent un peu, parce qu[‘avec] le ni-ni, ils se confortent l’un l’autre : extrémisme de droite, extrémisme de gauche. Et donc c’est deux menaces. » Le nouvel ami du président n’a pas les mêmes élégances pour la Chine, dirigée par un dictateur à vie, et où des milliers de personnes sont exécutées chaque année. Le président de la Fondation Prospective et Innovation et du colloque économique franco-chinois annuel du Comité France-Chine est très lié au pays de Xi Jinping.
Mal nommer les choses…
La violence peut être légale et illégitime ; mais aussi inversement elle peut être illégale et légitime : c’est le cas pour certaines révolutions lorsque la majorité est opprimée par une minorité non élue ou mal élue. L’appel de Christchurch du 15 mai dernier lie terrorisme et extrémisme, ce qui est ambigu, tout en prenant soin d’associer le mot « extrémisme » au qualificatif « violent », et laisse ainsi penser qu’il peut y avoir un extrémisme non-violent. Qui est visé ?
Pour défendre les libertés menacées, il faut d’ores et déjà affirmer que le terme « extrémisme » devrait être strictement réservé au seul cas des idéologies et actions ayant pour objet ou pour effet d’instaurer ou de maintenir en place un régime non démocratique et autoritaire. A part quelques groupuscules d’extrême gauche qui rêvent encore du grand soir de la révolution prolétarienne et de dictature du prolétariat, qui en France mérite d’être dénoncé du mot « extrémiste » ?