Quel avenir pour le PQ ?

Pacte électoral - gauche et souverainiste



Étran­ge­ment, l’écho mé­dia­tique ren­contré par le ma­ni­feste « Bri­sons l’impasse » ne tient qu’à une phrase qui cri­tique ver­te­ment un PQ confus et usé. La dure cri­tique di­rigée contre le projet de Fran­çois Le­gault est à peine évo­quée. Rien non plus sur les pro­po­si­tions pro­gram­ma­tiques lar­ge­ment ins­pirés des idées de Québec So­li­daire, par exemple sur la ré­forme du mode de scrutin ou sur l’importance de re­cen­trer le combat in­dé­pen­dan­tiste au­tour d’une dé­marche de ré­ap­pro­pria­tion ci­toyenne (l’assemblée consti­tuante). Si l’état de confu­sion au PQ fait couler tant d’encre, c’est sans doute qu’il re­flète des frac­tures qui ne pour­ront pas être « ré­pa­rées » avec des ap­pels bien in­ten­tionnés à se « res­serrer les coudes ». Il y a peut-être der­rière ces tu­multes une pro­fonde mu­ta­tion, la­quelle ferme et ouvre des portes en même temps. Mais les rythmes po­li­tiques étant dif­fi­ciles à pré­voir et le PQ ayant tra­versé tant de bou­le­ver­se­ments, mieux vaut rester pru­dent sur le plan des prévisions !
Le grand projet
À l’origine, le PQ est né d’une vo­lonté de mettre en place une grande coa­li­tion so­ciale et na­tio­nale. Il fal­lait com­pléter de vastes ré­formes so­ciales et créer un État in­dé­pen­dant dans le cadre d’une nou­velle al­liance avec le reste du Ca­nada. Au­tour de ce projet se sont re­groupés les nou­velles gé­né­ra­tions is­sues de l’université et du sec­teur pu­blic, ainsi que la ma­jo­rité des couches po­pu­laires. Ce­pen­dant, malgré les es­poirs de René Lé­vesque et de Jacques Pa­ri­zeau, les élites éco­no­miques qué­bé­coises (à l’époque un bien petit « Québec inc ») ont pré­féré le confort re­latif et la so­lide sta­bi­lité du ca­pi­ta­lisme ca­na­dien et de l’État fé­déral. De cette po­la­ri­sa­tion se sont dé­ve­loppés les com­bats po­li­tiques des an­nées 1980 – 1990.
L’échec
Contre la coa­li­tion animée par le PQ, les élites ca­na­diennes et qué­bé­coises avec l’appui de l’impérialisme états-unien ont al­terné me­naces et pro­messes, et ils ont vaincu le camp du chan­ge­ment. Plus en­core, ils ont dé­tourné le projet du PQ vers la ges­tion néo­li­bé­rale d’une part, et l’autonomisme pro­vin­cial d’autre part. L’« apothéose » de ce dé­tour­ne­ment de sens est sur­venue sous la gou­verne de Lu­cien Bou­chard. Bon nombre de mi­li­tants pé­quistes de la pre­mière heure sont en­core sous le choc de ce qu’ils ont perçu comme une tra­hison. Pa­ral­lè­le­ment, Québec inc en est venu à être le dé­fen­seur tout azimut de l’« espace » nord-américain (et les po­li­tiques néo­li­bé­rales qui vont avec) qui est selon nos élites un « ac­quis » qu’il faut pro­téger à tout prix, ce qui ex­clut non seule­ment la sou­ve­rai­neté (ou l’indépendance), mais le re­tour du com­promis de l’époque keynésienne.
Dos au mur
En per­dant pied de­vant l’élite, le PQ a perdu ses deux rai­sons d’être. Ses bases élec­to­rales ont fondu, pas tel­le­ment à cause d’une montée du PLQ, mais parce qu’une grande partie de ses élec­teurs a choisi la voie de l’abstention (ou est allée à l’ADQ). Aujourd’hui, le projet est bloqué. Le frac­tion­ne­ment du PQ en de « mini PQ » qui vou­draient re­trouver le projet « ori­ginel » nous semble moins porté par la nos­talgie que pro­cé­dant d’une vo­lonté mi­li­tante de re­tour à un « âge d’or » un peu my­thique où le « parti-mouvement » car­bu­rait en­core aux idées. Serait-ce assez pour re­dy­na­miser le PQ et même à faire échouer les am­bi­tions élec­to­rales du PLQ et de la Coa­li­tion de Fran­çois Le­gault ? C’est pro­blé­ma­tique. Certes en po­li­tique, on ne peut rien pré­voir avec cer­ti­tude (ci­tons en exemple la re­montée in­at­tendue de l’Union na­tio­nale à la fin des an­nées 1960).
Re­cons­truire un bloc social
Il faut poser une ques­tion : qui porte main­te­nant les va­leurs d’émancipation au Québec ? On constate comme Pierre Curzi et d’autres une ex­tra­or­di­naire mo­bi­li­sa­tion ci­toyenne traitée de « nui­sance » par le dis­cours hai­neux des élites. De gros grains de sable sont jetés dans l’engrenage du néo­li­bé­ra­lisme. Ces mo­bi­li­sa­tions, en pour­sui­vant sur les ac­quis des pré­cé­dentes gé­né­ra­tions, ex­plorent de nou­velles va­leurs et de nou­velles iden­tités. Le fé­mi­nisme, l’altermondialisme, l’écologisme, no­tam­ment, ne sont plus des « ajouts » à l’idée de construire un pays, mais des fon­de­ments or­ga­niques. Le pays au­quel des jeunes, des femmes, des im­mi­grants, des com­mu­nautés de ré­gions mar­gi­na­li­sées et d’autres rêvent est un « projet de so­ciété », beau­coup plus donc qu’un « acte consti­tu­tionnel » ou une sé­pa­ra­tion d’avec le reste du Ca­nada. Ce sont ces couches po­pu­laires qui re­fe­ront un bloc so­cial qui pourra éven­tuel­le­ment changer le rap­port de forces contre des élites agres­sives de plus en plus in­aptes à gou­verner. Il faudra du temps cependant.
Changer de posture
On re­trouve en­core au PQ une partie de ces « forces vives ». Des dis­si­dents ad­mettent à quel point le dis­cours do­mi­nant au PQ est dé­connecté de la po­pu­la­tion. Qu’ils et elles réus­sissent à se­couer la cage est une bonne chose pour faire échec au projet des élites (qué­bé­coises et ca­na­diennes) de « ré­vo­lu­tion » à droite. Pour au­tant, il se­rait pré­férable qu’un éven­tuel « nou­veau » PQ, cesse de se prendre pour le nom­bril du monde. Il y a au Québec des mou­ve­ments so­ciaux qui ont non seule­ment des forces pour ré­sister, mais des idées pour re­cons­truire. Moins d’arrogance est donc à l’ordre du jour.
Si on parle « réformes »
Mais il faut aller plus loin. Il y a un nouvel ac­teur po­li­tique avec Québec So­li­daire. C’est en­core un petit parti à l’influence li­mitée, mais il est de plus en plus en phase avec les mou­ve­ments ci­toyens. Aussi, le PQ comme les dis­si­dents se­raient avisés de prendre QS au sé­rieux, y compris dans ses pro­po­si­tions de ré­forme du sys­tème po­li­tique : ce sys­tème, dans le­quel le PQ a évolué en al­ter­nance au pou­voir, est pourri jusqu’à la moelle et il faut le changer. Pa­ral­lè­le­ment, il fau­drait dia­lo­guer avec QS sur des ques­tions fon­da­men­tales comme le pillage des res­sources, que le PQ, mal­heu­reu­se­ment, a laissé s’aggraver de­puis plu­sieurs années.


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