Les opposants à la construction d'un port méthanier à Lévis espèrent forcer le gouvernement Charest à reculer, comme il l'avait fait en 2004 dans le cas de la centrale thermique du Suroît.
Il est vrai que les deux projets ont beaucoup en commun, en commençant par un sérieux doute sur leur nécessité pour répondre aux besoins énergétiques du Québec. Dans le cas du Suroît, la Régie de l'énergie avait rejeté les prétentions du gouvernement, ce qui explique sans doute pourquoi il refuse maintenant de lui soumettre le projet Rabaska.
Le mouvement environnemental n'a cependant pas manifesté la même unité dans les deux cas. Ainsi, le groupe Équiterre ne participait pas officiellement à la manifestation qui a rassemblé 1000 personnes devant le Parlement, même si certains de ses membres y étaient. En principe, Greenpeace est également favorable à la conversion du mazout au gaz.
Surtout, l'environnement politique est très différent de ce qu'il était il y a quatre ans. Le projet du Suroît avait été lancé au moment où une série de décisions controversées avaient mobilisé une bonne partie de l'opinion publique contre le gouvernement Charest.
Quatre ans plus tard, c'est comme si la population avait appris à composer avec son insatisfaction à l'endroit des libéraux. Le PLQ et le premier ministre lui-même battent des records d'impopularité, mais la colère semble avoir fait place à l'indifférence.
Pour l'heure, la mobilisation contre le projet Rabaska ne déborde pas beaucoup la région de Québec. À Montréal, la question ne soulève pas des passions. S'il avait fallu que l'on propose la réalisation d'un projet aussi risqué sur le plan de l'environnement et de la sécurité à Longueuil... Mais Québec, c'est si loin.
Même si l'Unesco a élevé la capitale au rang de cité patrimoniale, le projet Rabaska ne suscite pas de réaction émotive comparable au tollé qu'avait soulevé le projet de vente d'une partie du mont Orford. Clémence DesRochers n'est pas venue manifester dimanche. D'ailleurs, même à Québec, plusieurs sont réceptifs à l'argument du développement économique et de la création d'emplois.
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L'opposition au Suroît avait été amorcée par les autorités municipales de Beauharnois, qui détenaient un sérieux pouvoir de nuisance, tandis que la ville de Lévis a autorisé le projet Rabaska. Il est vrai que la municipalité voisine de Beaumont le conteste devant les tribunaux, mais aucune installation n'est prévue sur son territoire.
Le PQ était catégoriquement opposé au Suroît, tandis que l'ADQ, qui forme maintenant l'opposition officielle, appuie le projet Rabaska. Même si deux députés péquistes se sont mêlés aux manifestants, Camil Bouchard et Agnès Maltais ont manifesté à Québec dimanche, il est clair que le PQ tente de ménager la chèvre et le chou.
En prétextant l'absence d'un avis de la Régie de l'énergie, il veut se donner une bonne conscience écologique, sans s'aliéner définitivement l'électorat adéquiste. L'échéance électorale est trop rapprochée pour être à cheval sur les principes. Et si jamais le PQ reprend le pouvoir, il trouvera sûrement de bonnes raisons de ne pas revenir sur la décision de l'ancien gouvernement.
À l'époque, les opposants au Suroît avaient eu la partie belle face au ministres des Ressources naturelles, Sam Hamad, qui avait alors donné toute la mesure de sa maladresse. Le pauvre homme avait été complètement dépassé, à tel point que le premier ministre avait saisi la première occasion de le renvoyer sur les banquettes arrière. Seule l'hécatombe de sièges libéraux dans la région de Québec le 26 mars dernier explique son retour au cabinet.
Remarquez, M. Hamad n'était pas seul en cause. Maintenant que Thomas Mulcair est devenu une sorte de héros et qu'il pourfend le projet Rabaska, plus personne ne se souvient qu'à l'époque où il était ministre de l'Environnement, il avait lui-même présenté le projet du Suroît au Conseil des ministres, mais cela est une autre histoire.
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Le nouveau ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, est devenu l'exécuteur des basses oeuvres du gouvernement Charest. Il n'a manifestement tiré aucune leçon de sa mauvaise expérience dans l'affaire du mont Orford.
M. Béchard est cependant un politicien bien plus roublard que M. Hamad. Rares sont ceux qui n'éprouvent aucune gêne à agir avec une mauvaise foi aussi manifeste. Au départ, il laissait entendre que le gouvernement n'avait presque pas à intervenir dans le dossier Rabaska. N'existe-t-il pas des organismes qui ont précisément le mandat de faire prévaloir l'intérêt public?
Au bout du compte, le gouvernement a imposé le projet. La ministre de l'Environnement, Line Beauchamp, peut toujours se retrancher derrière le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), mais son collègue de l'Agriculture, Laurent Lessard, a laissé bafouer sans mot dire l'autorité de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), dont le président est assez ironiquement un ancien ministre libéral de la Justice.
Il est vrai que M. Lessard ne semble pas toujours très bien comprendre son rôle. Durant le précédent mandat libéral, sa première intervention à l'Assemblée nationale en qualité de ministre du Travail avait consisté à faire l'apologie de Wal-Mart, qui venait tout juste de fermer son magasin de Jonquière pour empêcher le syndicat d'y entrer.
Le ministre de la Santé, Philippe Couillard, qui est également le ministre responsable de la région de Québec, n'a tenu aucun compte des objections du département de santé publique. Pourtant, lors du débat sur l'emplacement du CHUM, il avait fait grand cas de l'avis du DSP de Montréal. Il est vrai qu'à l'époque, il était député de Mont-Royal.
Il faut dire que les promoteurs du projet Rabaska -- Gaz de France, Power Corporation, la Caisse de dépôt -- ont les moyens d'être très convaincants. Si jamais le projet avorte, ce ne sera pas sous la pression de l'opinion publique, comme dans le cas du Suroît, mais plutôt sur l'ordre de la cour ou en raison de problèmes d'approvisionnement en gaz.
mdavid@ledevoir.com
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