Le Québec fête ses quatre cents ans d'existence, depuis que Samuel de Champlain a installé sa première "abitation" sur les bords du Saint-Laurent, au milieu d'un déluge de réunions internationales qui pourrait donner à penser que la province mène une vie autonome de la fédération canadienne. Pour reprendre l'expression de l'historien Yvan Lamonde à la page 5 de ce supplément, tout se passe comme si les Québécois "s'en donnaient à croire" sur le degré de leur souveraineté.
En fait, ils sont réalistes. Ils tentent de tirer le meilleur profit de la marge de manoeuvre qu'ils ont arrachée à Ottawa, tout en sachant que la voie de l'indépendance leur est barrée pour le proche avenir.
Pour beaucoup, le "Vive le Québec libre !" du général de Gaulle en 1967 est un bon souvenir qui a "réparé" l'abandon de la Nouvelle France par Louis XV en 1763, mais les deux référendums perdus de 1980 et de 1995 sont une expérience amère qu'ils ne souhaitent pas renouveler de sitôt. L'éclipse du Parti québécois en est la meilleure preuve.
Le Québec est une province prospère qui a su trouver un modus vivendi, fût-il fragile, avec le gouvernement fédéral et qui gère tant bien que mal ses multiples identités, française, canadienne, américaine et immigrée, en éludant dans toute la mesure du possible les questions institutionnelles. Elle a mis en valeur ses immenses richesses naturelles tout en développant des industries de pointe compétitives dans le monde globalisé.
Dans cette situation, le rôle de la France, qui reste une référence historique et sentimentale pour les Québécois et, au-delà de la Belle Province, pour tous les Canadiens français, est d'accompagner cette évolution. Sans se montrer plus québécoise que les Québécois, contrairement à la tentation qui a existé à la fin des années 1960, mais sans méconnaître pour autant le besoin des Québécois de se démarquer du pouvoir central. L'abandon de la doctrine "Ni ingérence ni indifférence" ne devrait pas conduire à ignorer que la "vieille taupe" du souverainisme continue souterrainement son oeuvre, comme la "vielle taupe de l'Histoire", chez Marx.
Les Québécois attendent de la France qu'elle reconnaisse leur spécificité sans les traiter comme des cousins de province, qu'elle les aide à défendre la langue commune en multipliant les échanges, qu'elle soutienne leurs efforts d'émancipation sans provocation mais sans crainte de mécontenter Ottawa. Bref qu'elle se livre à un délicat exercice d'équilibre qu'eux-mêmes ont appris à parfaitement maîtriser. La tâche est rendue plus facile par la relative détente entre les autorités provinciales et fédérales régnant actuellement après des décennies, pour ne pas dire des siècles, de tension. Mais les Québécois voudraient être certains qu'en cas de différend sérieux entre eux et Ottawa, le choix de la France ne ferait pas de doute.
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