Quand on se compare, on se console

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La fleur fragile de la démocratie

Au Québec, on nous annonce une vague d’austérité. Une vague de chaleur ferait plus de bien. Mais que voulez-vous ? Il faut se faire une raison. Les maux de tête causés par l’état des finances publiques justifieraient, selon le nouveau gouvernement, la remise en question de plusieurs de nos programmes sociaux qui ont servi, depuis la Révolution tranquille, à rééquilibrer l’écart entre les riches et les pauvres. Il faudra attendre le budget, prévu début juin, pour avoir une meilleure idée des trouvailles originales que nous réserve l’équipe des « vraies affaires ».

Le budget du Québec a toujours été une énigme pour moi, même pendant les années où je bénéficiais des explications savantes de mes collègues politiciens et où il me semblait que le budget était davantage une oeuvre de fiction qu’un document où n’importe quel citoyen aurait pu trouver un modèle qui — avec des sommes plus petites bien sûr — aurait pu servir à se définir un budget familial et personnel. La réalité, c’est que plus un budget est mystérieux et plus il est alambiqué, plus il joue le rôle qu’on attend de lui, qui est surtout de jeter de la poudre aux yeux et d’affirmer haut et fort qu’on sait où on s’en va.

Durant mes premiers jours en politique, au siècle dernier, quelqu’un m’a raconté une petite histoire que je n’ai jamais oubliée. Un ministre qui vient de prendre ses fonctions rencontre son sous-ministre en titre pour la première fois. Après les politesses d’usage, le ministre confie à son sous-ministre qu’il sentait le besoin devérifier l’étendue de ses connaissances avec cette question : « 2 plus 2, ça fait combien ? » Après avoir pris le temps de réfléchir, le sous-ministre lui répondit ceci : « Ça dépend Monsieur le Ministre, combien voulez-vous que ça fasse ? »

Il y a des peintres talentueux qui peignent en noir, d’autres qui optent pour une couleur vive. J’ai toujours eu l’impression que c’était la même chose chez les grands magiciens des chiffres et des budgets. « De quelle couleur voulez-vous le budget de juin, Monsieur le Ministre ? Tout noir, tout rouge ou jaune soleil ? »

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que certains pays ont d’autres chats à fouetter ces temps-ci. Vous le savez déjà, à moins que vous ayez choisi de fermer les yeux et de vous consacrer entièrement aux exploits très attendus de notre Sainte Flanelle qui transporte les foules comme à la belle époque. Elle prend beaucoup de place, mais le printemps se faisant attendre, j’imagine qu’on a les remontants qu’on peut finalement.

Et pourtant, quand on cesse de regarder juste le hockey, on prend conscience de la misère que vivent trop de peuples à travers le monde et on devrait s’inquiéter des abus de pouvoir de certains dirigeants quant au traitement qu’on fait subir à ce qu’on appelle encore « la démocratie » dans certains coins du monde où la démocratie n’a plus mis les pieds depuis bien longtemps.

Des exemples ? En Syrie. Le présidentBachar al-Assad annonce des élections au suffrage universel pour le 3 juin prochain, élections où il sera de nouveau candidat malgré les trois ans de guerre menée par lui, sur son propre territoire et qui a fait au moins 150 000 morts en plus de faire fuir la moitié de sa population. En Égypte, les condamnations à mort se succèdent. L’ex-président Morsi, élu en 2012 et renversé par l’armée un an plus tard, a été remplacé à la tête du pays par le général Abdel Fattah al-Sissi qui combat ceux qui ont soutenu Morsi. Les condamnations à mort se succèdent : 529 une première fois dont 492 ont été commuées en peines de prison à vie. Et tout récemment, 683 personnes condamnées à mort pour l’attaque d’un poste de police.

Il faut vraiment être né de la dernière pluie pour ne pas savoir que la folie du pouvoir est grandement responsable de la désillusion des peuples devant la quasi-impossibilité de mener des élections à terme dans l’honneur et le respect d’une démocratie qui est souvent promise, mais rarement réalisée. Raison de plus pour rester vigilants. Nous avons cru longtemps qu’il suffisait qu’un peuple puisse désigner ses choix de représentants au suffrage universel pour que la démocratie soit assurée. Le suffrage devenait garant de l’expression directe des décisions d’une population. La majorité du vote assurait le passage civilisé d’une équipe à une autre dans le respect des opinions divergentes que le vote devrait confirmer. Quant au référendum… n’en parlons pas.

C’est pourquoi il est nécessaire de rester des citoyens et des citoyennes engagés. Nous venons de vivre une expérience qui devrait nous faire réfléchir. Tous. Le suffrage universel, manipulé, mal éclairé, faussé ou volé ne garantit rien du tout. Le référendum non plus. La démocratie est une fleur fragile. Ce serait bien qu’on y veille.


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