Emmanuelle Latraverse - Le débat sur les coûts des Sommets du G8 et du G20 était déjà bien lancé. Qui aurait cru qu'un petit lac artificiel puisse faire autant de vagues!

Pour commencer, il faut admettre qu'il est injuste de parler du « lac à 1,9 million de dollars ». C'est plutôt un vaste ensemble de promotion touristique de 20 000 pieds carrés que va ériger le gouvernement dans le Centre international des médias.

Déjà, il y a là de quoi mettre les choses en perspective. Or, il aura fallu 48 heures aux troupes de choc de Stephen Harper pour réagir, trouver l'information et le détail des coûts de l'opération.

Ne parlons plus du lac, mais d'un concept en trois actes intitulé « L'allée » (« Le Canada, faites-en l'expérience »).

Il y a « L'oasis du Nord » pour permettre aux milliers de journalistes qui ne pourront se rendre dans la zone restreinte du Sommet du G8 de vivre l'expérience de la campagne et des lacs canadiens.

On a même aménagé des stations pour recharger les Blackberry sur un quai artificiel, pour illustrer « à quel point la région de Muskoka offre le meilleur des deux mondes : la paix de la campagne à la proximité de la ville ». Et si « L'oasis » coûtera 208 817 $, il faut noter que les canots ont été donnés par des résidents locaux.




Puis, il y aura « Le paysage urbain ». Une installation de 292 000 $ pour recréer le dynamisme du centre-ville torontois. Pas de tour du CN artificielle ici, mais un montage numérique très élaboré, avec ordinateurs et effets audiovisuels.




Ces deux pôles de la vie canadienne seront reliés par « Le pont », de 218 000 $, où une dizaine de restaurateurs feront la promotion de la cuisine locale.




Ajoutez à cela 147 000 $ d'équipement audiovisuel, 398 000 $ en frais de main d'oeuvre pour assembler, opérer et démonter l'exposition, et surtout le contrat de 407 000 $ à la firme Lord Cultural Ressources pour la conception et la mise en oeuvre du projet... Voilà, « L'allée du Canada » à 1,9 million de dollars.

L'exercice mérite-t-il de soulever l'indignation des partis d'opposition?

Un faux lac au bord du lac Ontario a de quoi surprendre. Mais ce n'est pas tant ce projet de 1,9 million de dollars, que l'ensemble de l'oeuvre, tous ces projets de réfection, ces belvédères, faux phare et aréna à 23 millions de dollars pour un centre des médias à Hunstville, qui envoie un message équivoque dans cette ère où le gouvernement Harper ne cesse de prêcher les vertus de l'austérité.

Au bureau du premier ministre, on répond que ce Sommet offre une opportunité de promotion sans précédent pour le Canada, et que tant qu'à avoir 3000 journalistes enfermés dans un centre des congrès, aussi bien innover et tenter de les impressionner.

Il s'agirait bien d'innovation, car en 10 ans à voyager dans des sommets internationaux, je ne me rappelle pas avoir vu une exposition promotionnelle et touristique aussi élaborée dans un centre des médias. « Peut-être étions-nous trop occupées pour la remarquer », m'a répondu une collègue en riant.

En tout cas, une chose est certaine : cette fois-ci, à Toronto, tous les médias canadiens vous montreront des images du faux lac, du pont et de la ville suspendue!