«Ils ont peur de nous parce que nous n’avons pas peur.» Je ne me souviens plus de qui est cette phrase.
Pierre Falardeau n’avait pas peur, il disait tout haut ce qu’une bonne partie de la population n’osait dire, il n’a jamais rien dit de ce qu’il ne pensait pas, et on le craignait pour cette raison. Mais tant que nous ne serons pas assez nombreux à ne pas avoir peur, nous continuerons à souffrir de toutes ces morts prématurées.
Falardeau avait rendez-vous avec l’indépendance du Québec, un rendez-vous sans cesse remis à plus tard, mais la mort assassine l’a rejoint bien avant, comme pour Bourgault et tant d’autres. Tout cela est bien triste et je ne peux m’empêcher de penser à ma propre mort.
Il vivait debout parce que la vie est une aventure de liberté et de justice et il ne peut en être autrement pour ceux qui ont choisi de chercher et surtout de trouver ce qu’ils cherchent.
Pourtant, il s’y attendait depuis longtemps, lui qui rêvait les poings fermés et les yeux grand ouverts. Il ne voulait pas que ça se sache, que la mort le guettait de près depuis un certain temps, il ne voulait pas qu’on le pleure, mais tout le monde se doutait qu’il souffrait d’une maladie incurable. Je l’avais retrouvé cet été, au Parc Lafontaine, lors de la marche pour l’indépendance, mais je n’avais osé lui parler de cette terrible fatalité, par crainte des larmes si prêtes à se déployer lorsque surgit l’émotion. Pierre, tu étais de ceux qui nous redonnent foi non pas en Dieu mais en quelque chose de supérieur à la bêtise humaine trop souvent présente dans nos vies.
Falardeau le fort en gueule, celui qui montait au front chaque fois qu’on le lui demandait, celui pour qui le mot engagement ne connaissait pas de demi-mesure, va me manquer à coup sûr. C’est un grand pan de la résistance qui vient de disparaître. C’est aussi un monument de notre culture, auquel il faudra sans cesse se référer, parce que Falardeau a laissé une œuvre unique et remarquable. Une œuvre qui, semblable à cet arbre sans feuilles, nous apportera néanmoins suffisamment d’ombre pour qu’on veuille venir s’y reposer.
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