Le virage conservateur de la diplomatie canadienne marque un tournant historique dans la gestion des affaires étrangères du Canada. La démonstration la plus récente de cette crise de conscience de la « nouvelle diplomatie canadienne » est sans conteste l’appui inconditionnel du gouvernement conservateur à la politique de colonisation israélienne en territoire palestinien.
À cette défense de l’indéfendable s’ajoute une longue liste de prises de position controversées qui ont toutes pour particularité de faire l’unanimité contre elles au Québec ; pensons par exemple au retrait du Canada du protocole de Kyoto, alors que 89 % des Québécois s’y opposaient. Pensons aussi à la refonte controversée de l’ACDI et à la révision de la liste des pays « prioritaires » bénéficiant de l’aide bilatérale du Canada. Ont ainsi été rayés de la liste une demi-douzaine d’États d’Afrique francophone - le Burkina Faso, le Rwanda, le Niger, le Bénin et le Cameroun - qui comptent pourtant parmi les plus pauvres de la planète.
Non seulement toutes ces décisions, qui consacrent l’isolement du Canada sur la scène internationale, sont préjudiciables à la réputation du pays - et à ses parties constituantes -, mais elles vont à contresens de la position partagée par une large majorité de Québécois.
Considérant le fossé abyssal qui sépare désormais la diplomatie canadienne des intérêts et des valeurs de la population québécoise et considérant le désistement du gouvernement canadien en matière de solidarité internationale, il est souhaitable que les Québécois retrouvent voix au chapitre et puissent exprimer par l’intermédiaire de leurs officiels les positions qui sont les leurs auprès du concert des nations.
Une participation internationale strictement circonscrite
En vertu de la doctrine Gérin-Lajoie, qui fait office d’énoncé fondamental à l’action internationale du Québec depuis plus d’un demi-siècle, c’est dans les limites que lui confère son statut d’État fédéré que l’État québécois administre sa politique internationale en matière d’éducation, de main-d’oeuvre, d’immigration, etc.
Bien que novatrice au moment de sa formulation en 1965, ce sont davantage les contraintes plus que les potentialités inhérentes à une telle doctrine qui sont désormais apparentes. Non seulement le Québec ne parle pas de sa propre voix dans les principaux forums internationaux - dont il est pratiquement absent -, mais la doctrine n’a pas offert de plateforme permettant au gouvernement québécois de contrer efficacement la dérive conservatrice de la politique étrangère du Canada.
D’ailleurs, l’historique n’est pas à la coopération intergouvernementale en matière internationale, Ottawa entendant exercer seul sa souveraineté dans le domaine ; que ce soit dans le cas de l’attribution d’un siège au Québec au sein de la délégation canadienne à l’UNESCO, ou encore du refus du ministre de l’environnement libéral de l’époque, Stéphane Dion, d’accueillir une délégation du Québec à la Conférence de l’ONU sur les changements climatiques, dont la ville hôte était nulle autre que Montréal!
Preuve n’est plus à faire de la nécessité pour le Québec de s’affranchir de la diplomatie canadienne et de devenir pleinement opérationnel sur le plan des affaires étrangères. Pour ce faire, l’action internationale du Québec doit se déployer autour d’une politique structurante et ambitieuse qui soit le reflet des aspirations du Québec à faire reconnaître sa spécificité dans l’espace nord-américain et du rôle phare qui incombe au Québec parmi les nations fédérées de la planète.
Son credo devra s’énoncer autour d’un nouvel humanisme en relations internationales duquel s’est largement détourné le Canada. Il devra prioritairement déployer son action autour des enjeux internationaux de l’heure - environnement, solidarité internationale et culture - et investir les forums internationaux qui en font la promotion, l’objectif étant de positionner avantageusement le Québec parmi les acteurs les plus dynamiques de la communauté internationale et d’ainsi donner une signature distinctive à l’implication du Québec dans les débats internationaux.
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Philippe C. Martine - Étudiant au doctorat aux Hautes Études internationales de l’Université Laval
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