Marc-André Cyr - L'auteur est étudiant au doctorat en science politique et «membre à part entière de la turbulente famille anarchiste».
C'est apparemment sans provoquer de grincement de dents que le Service de police de Montréal s'est doté d'une nouvelle escouade appelée GAMMA (Guet des activités et des mouvements marginaux et anarchistes) qui relève de la Division du crime organisé de la police de Montréal.
Depuis quand les policiers s'en prennent-ils ouvertement à certaines tendances idéologiques plutôt qu'à d'autres? Depuis toujours, cela est évident, il suffit d'un minimum de lucidité pour s'en convaincre: les socialistes et les anarchistes ont de tout temps subi les foudres systématiques des États d'Occident; de même que, au Québec, les Saint-Martin, Borduas et Chartrand ont subi celles de la Belle province.
On ne savait cependant pas que le profilage politique était désormais légal et clamé sans aucune forme de pudeur - comme c'est le cas, accessoirement, dans les pays totalitaires.
Une organisation spécifiquement dédiée à la lutte aux anarchistes, il suffisait d'y penser. Il faut croire que les Services canadiens de renseignement et de sécurité (SCRS), qui bénéficient pourtant de budget record depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs, étaient débordés.
Il faut également croire que les quelques 4000 arrestations politiques et les nombreux cas d'abus de pouvoir à l'encontre des mouvements sociaux, qui sont tellement choses courantes qu'ils furent dénoncés par l'ONU en 2005, ne sont plus suffisants.
Il faut se rendre à l'évidence: la matraque, les arrestations, les nombreuses lois limitant le droit de grève, l'intolérance face aux manifestations et les lois spéciales ne pourront pas contenir éternellement la colère générée par la crise économique et la corruption de nos élites.
Les premières opérations de GAMMA se déploient d'ailleurs à la suite d'une manifestation anticapitaliste qui regroupait quelque 2000 personnes - nombre record pour une telle manifestation depuis 2001. Et cette répression est également à mettre en lien avec les arrestations qu'ont subies les militants de l'ASSÉ (Association pour une solidarité syndicale étudiante) cette semaine. Les forces de l'ordre sont minimalement conscientes des enjeux politiques qui se trament. Le printemps arabe et les soulèvements en Grèce et en Europe en sont la preuve: l'État aura bientôt besoin de muscle s'il veut continuer à protéger le statu quo favorable à la classe politique et économique.
Les moins naïfs savent depuis longtemps que la police joue un rôle idéologique - les opérations entourant la Crise d'octobre dont nous fêtions le triste trentième anniversaire l'an dernier en fourni une preuve éloquente - on croyait cependant que ce rôle en était un gênant, et qu'il valait mieux taire ses objectifs. Tel n'est plus le cas. Le profilage politique a désormais son escouade subventionnée. Si cette nouvelle a de quoi réjouir les amis de la hiérarchie économique et politique, il est cependant une bien triste nouvelle pour les amis de la liberté, de l'égalité et de la démocratie.
Message aux enquêteurs du SPVM: contrairement à ce que laissent entendre vos propos, les maoïstes ne sont pas des anarchistes. Tolstoï, Léo Ferré, George Brassens, Albert Camus, Paul-Émile Borduas, Claude Gauvreau et Armand Vaillancourt, par contre, en sont.
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