Cet homme est un phénomène.
Il en devient presque attendrissant tellement on le sent animé par son Rêve.
« Ah, le Canada... le fédéralisme... Et dire que c’est moi, oui moi, André Pratte, qui est leur plus ardent défenseur. Dieu qu’il est bon d’être porteur d’une si belle lumière, la lumière la plus flamboyante qui soit, la lumière par excellence : la lumière canadienne. »
N’est-il pas touchant?
« Vous portez ombrage à mon rêve! » croit-on alors entendre dire notre grand ordonnateur du fédéralisme canadien.
Le voilà qui monte aux barricades. Le voilà fourbissant ses leçons, tant en anglais qu’en français, aux mauvais élèves de partout en son pays : Canadiens, Québécois, écoutez-le! Mais écoutez-le donc! Ne voyez-vous pas que vous n’êtes pas à la hauteur! Le fédéralisme, chers amis, le fédéralisme est exigeant, ne le saviez-vous donc pas encore? Le Canada est une immense tâche à accomplir, il ne faut pas faiblir!
Quel poids sur ses épaules (sont-elles frêles? je m’en inquiète) tout de même!
Et n’est-il pas admirable, ce rêveur provincial du fédéralisme canadien par excellence?
***
Aux Québécois, en français, les remontrances habituelles (1) : il faut déplorer cette « tactique habile » consistant à « décrire le Canada et le gouvernement fédéral comme quelque chose d’extérieur et d’hostile au Québec ». Contrairement à ce qu’avance le Parti québécois, il n’y a pas d’« autre nation », c’est une « idée trompeuse ». Je vous l’affirme : « Le Canada demeure le pays des Québécois et le gouvernement du Canada est leur gouvernement autant que celui des autres Canadiens. La présence du gouvernement fédéral au Québec est non seulement légitime, plus souvent qu’autrement elle est bénéfique. » Ralliez-vous à ma cause.
Aux Canadiens-anglais, en anglais, les mises en garde d’usage, véritables garde-fous de l’ordre canadien, en réponse à un éditorial un peu trop hostile, précisément (2) : « I find very unfortunate both the editorial’s tone and content. » A propos de la dernière élection fédérale, « I can certainly understand many English Canadians’ frustration with Quebec after the last federal election, (…) But punishing Quebecers for their votes would not only be unwise; it would be undemocratic and un-Canadian. »
Attention : « un-Canadian ». Oui, je déplore comme vous le vote des Québécois mais j’ajoute (par dépit?) que « Regional governments defend their region’s interests. Quebec’s insistence on its distinct character and needs may be annoying to other Canadians, but no one will be able to wish it away. » Oui, j’ai bien dit « Regional governments ».
La péréquation, dites-vous? Mais vous devriez pourtant savoir que « In fact, per capita, the province receives less than most other provinces », ce qui ne m’empêche pourtant pas d’en chanter les vertus au Québec. Non, non, faites-moi confiance et n’oubliez pas ceci : « A moderate attitude [is] the only approach that makes Canada possible. »
Canada includes Quebec, my friends et n’oubliez pas que le Canada exige votre collaboration. La modération est tellement canadienne, soyez donc modérés! Surtout plus d’hostilité, de grâce : vous nuisez à ma cause. Et d’ailleurs l’hostilité n’est pas canadienne.
***
Faire la promotion du Canada au Québec, vendre le Canada au Canada lui-même (quelle audace!), voilà qui n’est pas banal : la destinée de cet homme aura certainement été d’être plus canadien que le Canada lui-même.
N’est-il donc pas admirable ce provincial préfet de discipline du fédéralisme d’ouverture, cet amoureux fou du Canada, ce chantre infaillible de l’idée canadienne par excellence?
Il faudrait décidément lui décerner une médaille.
***
Qu’on lui donne sa médaille, nous lui opposerons notre rêve.
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(1) André Pratte, [Le nettoyage politique->18326], La Presse, 1er mars 2009.
(2) André Pratte, [Bile and prejudice won’t work with Quebec->18373], National Post, 3 mars 2009.
Pratte - le champion de la cause
N’est-il donc pas admirable ce provincial préfet de discipline du fédéralisme d’ouverture, cet amoureux fou du Canada, ce chantre infaillible de l’idée canadienne par excellence ?
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