IRAK

Pouvons-nous enfin nommer cela un génocide ?

17. Actualité archives 2007



Paul Craig Roberts, 12 octobre 2006

Traduit par Xavier Rabilloud et révisé par Fausto Giudice

Quelle disproportion entre les "dommages collatéraux" et les morts de combattants faut-il atteindre pour que la guerre devienne un génocide ?
L'invasion illégale de l'Irak menée par George W. Bush a déjà coûté leur vie à 655 000 Irakiens. C'est la conclusion d'une étude financée par le Centre d'Etudes Internationales du MIT (Massachussetts Institute of Technology), et conduite par des médecins sous la direction d'épidémiologistes de l'Université Johns Hopkins. Ces morts si nombreuses n'ont plus rien à voir avec le taux de mortalité d'avant l'invasion. Cette invasion illégale menée par Bush a fait augmenter le taux de mortalité de l'Irak, de 5,5 morts pour 1000 personnes par an, à 13,3 morts pour 1000 personnes par an. L'étude a été publiée par le distingué journal médical britannique The Lancet [1]; elle est disponible sur le site web de ce journal (au 11 octobre 2006).
L'étude recourt à une méthodologie scientifique nommée "échantillonnage par groupe" [« cluster sampling »]. Pour 87% des décès, les chercheurs ont demandé les certificats de décès, et plus de 90% des foyers étudiés ont fourni ces certificats. La violence est cause de 601 000 morts, et la maladie et la destruction des infrastructures civiles en ont provoqué 54 000. Les morts violentes sont attribuées aux blessures par balle, aux frappes aériennes de la "Coalition", et aux attentats à la voiture piégée.
Gilbert Burnham, épidémiologiste à l'Université Johns Hopkins, déclare : "Nous avons une grande confiance dans les résultats de l'étude." Ronald Waldman, épidémiologiste à l'Université de Columbia, affirme que la méthode utilisée pour cette étude est "éprouvée et fiable", et qu'il s'agit là de "la meilleure estimation de mortalité que nous ayons."
Interrogé à propos de cette étude, le Président George W. Bush a déclaré : "Je ne considère pas ce rapport crédible." Evidemment, Bush n'est pas tourné prioritairement vers la réalité, et il sait que toute nouvelle défavorable n'est rien d'autre que de la "propagande ennemie". C'est ce que les néoconservateurs qui tirent ses ficelles lui disent, et c'est ce qu'il croit.
Quel pourcentage de ces 655 000 morts représentaient les insurgés et les "terroristes" ? Probablement 1% et en tous cas pas plus de 2%. En fait, la "guerre contre le terrorisme" menée par Bush est une guerre contre les civils irakiens.
L'invasion impulsée par Bush a également provoqué un conflit sectaire ou une guerre civile, en dépit des dénégations du régime de Bush. Même lui est assez intelligent pour savoir que "apporter la liberté et la démocratie à l'Irak" n'est pas compatible avec le déclenchement d'une guerre civile. Puisque Bush, l'homme de foi, croit qu'il apporte "la liberté et la démocratie à l'Irak", il ne peut accepter le fait qu'il a déclenché une guerre civile.
Ces centaines de milliers d'Irakiens ne sont pas les seules victimes du l'agression illégale menée par Bush. Le New York Times, dans son édition du 11 octobre 2006, rapporte que des documents du Département des Anciens Combattants [2] montrent qu'environ un soldat usaméricain sur cinq ayant servi en Irak ou en Afghanistan souffrent au moins d'invalidité partielle.
A ce jour, plus de 100 000 soldats usaméricains vétérans de ces guerres se sont vus accorder une compensation financière pour invalidité. Bien que les USA ne puissent aligner plus de 150 000 soldats à la fois en Irak, jusqu'à présent 1,5 million de soldats y ont servi, dont 567 000 ont été démobilisés, parmi lesquels 100 000 reçoivent une pension d'invalidité.
Paul Sullivan, directeur des programmes pour l'association Vétérans pour l'Amérique [3] affirme que le rythme actuel auquel les soldats sont blessés rendra invalides de 30% à 100% quelque 400 000 vétérans usaméricains. Apparemment, l'une des formes d'invalidité les plus sévères est le stress post-traumatique, qui n'est pas comptabilisé comme blessure physique.
Quelle est la récompense des USA en contrepartie des guerres menées par Bush, qui ont tué 655 000 Irakiens, un nombre indéterminé d'Afghans, et rendus invalides pas moins de 400 000 soldats usaméricains ?
Selon un rapport NIE (National Intelligence Estimate) [4], et aux yeux de pratiquement tous les experts du Moyen-Orient, les invasions conduites par Bush ont radicalisé le Moyen-Orient musulman, créé des légions de recrues potentielles pour les extrémistes, fragilisé les régimes à la solde des USA, mis Israël en danger, et détruit la réputation des USA.

Nous parlons ici d'environ un million de morts dont la seule cause réside dans les mensonges éhontés et flagrants de Bush, Dick Cheney, Donald Rumsfeld et Condoleezza Rice - la cabale néoconservatrice assoiffée de sang qui a pris place au sein du sous-cabinet de Bush - et de leur propagandistes des médias privés, plus particulièrement The Weekly Standard, Fox News, National Review, CNN et la page éditoriale du Wall Street Journal. Le régime de Bush a dupé les USA et le monde avec ses mensonges affirmant que Saddam Hussein disposait d'armes de destruction massive, qui seraient utilisées contre l'Occident par des terroristes. Prodigue en discours qui mentionnaient incessamment l'Irak en corrélation avec les attentats du 11 septembre 2001, le régime de Bush a répandu largement l'impression, qui prévaut toujours parmi les Usaméricains, que l'Irak était responsable de ces attentats.
Quel genre de gouvernement détruirait les vies de plus d'un million de personnes, en leur infligeant la mort ou l'invalidité, sans aucune raison ?
Le même genre de gouvernement qui révoque ses avocats parce qu'ils font leur devoir vis-à-vis de la Constitution. Charles Swift, lieutenant-commandant au sein de la Marine de guerre, s'était vu attribuer la tâche d'amener Salim Hamdan à plaider coupable devant le tribunal militaire inconstitutionnel que le Président Bush a créé à destination des détenus de la prison de Guantánamo. Mais au lieu de cela, le commandant Swift a fait son devoir et a défendu son client, et a gagné devant la Cour Suprême des USA. L'administration Bush a répliqué en faisant obstacle à la promotion du commandant Swift, ce qui a mis un coup d'arrêt fatal à sa carrière militaire, et a envoyé un message menaçant à tous les avocats qui travaillent au sein de l'armée et du gouvernement usaméricains : sous le régime Bush, les scrupules étayés par la Constitution sont des briseurs de carrière. Quiconque défend la Constitution usaméricaine est un adversaire de Bush et de son régime néoconservateur.

Le régime Bush procède exactement comme le régime nazi. Premièrement, éliminer toute personne intègre et de conscience au sein du gouvernement. Deuxièmement, redéfinir le devoir comme consistant à servir le dirigeant : "Vous êtes avec nous ou contre nous." - une formule qui ne laisse aucune place au devoir envers la Constitution usaméricaine. Le patriotisme, de loyauté envers le pays et la Constitution, est redéfini comme loyauté envers le chef du gouvernement.
Les Usaméricains sont trop inattentifs et distraits pour être conscients du grave danger que le régime néoconservateur de Bush fait peser sur leur liberté et sur la stabilité du monde. L'offensive néoconservatrice qui vise à l'hégémonie sur le peuple usaméricain et le monde entier est similaire à la recherche d'hégémonie qui fut celle d'Hitler. Celui-ci a utilisé le concept de supériorité raciale pour justifier le droit de l'Allemagne à faire peu de cas des autres peuples et le droit de l'élite nazie à régner sur le peuple allemand. Les néoconservateurs utilisent le "droit des USA à faire exception" et "la guerre contre le terrorisme". Il n'y a en pratique aucune différence. Hitler ne se souciait pas plus des peuples qu'il fauchait dans sa course à la suprématie que les neoconservateurs ne se soucient des 655 000 Irakiens morts, des 100 000 soldats usaméricains invalides et des 2747 qui sont morts.
Lorsque Bush, le Décideur, revendique des pouvoirs inconstitutionnels et utilise des "signing statements" [5] pour fouler les lois usaméricaines, dès qu'il estime que le règne du droit fait obstacle à ses menées, il est alors très semblable à Hitler, le Führer, qui déclara au Reichstag le 20 février 1938 : "Un homme qui ressent qu'il est de son devoir, en cette heure, d'assumer la direction de son peuple, cet homme n'est pas responsable devant les lois qui font l'ordinaire du Parlement, ni envers une conception démocratique particulière, mais seulement envers la mission qui lui est confiée. Et quiconque entrave cette mission est un ennemi du peuple."
"Vous êtes avec nous ou contre nous."
Notes du traducteur
[1] Littéralement "Le scalpel", The Lancet est le journal médical le plus (re)connu au monde, et fait généralement autorité.
[2] "Department of Veterans Affairs" de son nom officiel.
[3] "Veterans for America".
[4] Ce que l'on peut traduire approximativement par "Evaluation établie par les Services de Renseignement Nationaux". Les NIE sont rédigés par le NIC (National Intelligence Council).
[5] Un "signing statement" (littéralement "déclaration signée") est un document officiel par lequel le Président fait connaître son interprétation d'une nouvelle loi. Ici, il est sous-entendu que l'interprétation que fait Bush de certaines lois apporte des restrictions dommageables aux droits et libertés.
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Paul Craig Roberts a été Secrétaire-adjoint au Trésor dans l'administration Reagan. Il a également été rédacteur associé à la page éditoriale Wall Street Journal et contributeur rédactionnel de la National Review. Il est coauteur de "La tyrannie des bonnes intentions" [The tyranny of good intentions]
Traduit de l'anglais en français par Xavier Rabilloud et révisé par Fausto Giudice, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es). Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non-commercial : elle est libre de toute reproduction, à condition de respecter son intégrité et d'en mentionner auteurs et sources. URL de cet article : http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=1374&lg=fr

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Paul Craig Roberts was Assistant Secretary of the Treasury in the Reagan administration. He was Associate Editor of the Wall Street Journal editorial page and Contributing Editor of National Review. He is coauthor of The Tyranny of Good Intentions.He can be reached at: paulcraigroberts@yahoo.com





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